Les déchets phytosanitaires agricoles collectés en province Sud

Deux hommes ressemblaient à des cosmonautes. Combinaison jaune intégrale, masque protecteur et gants de caoutchouc : ils ont déchargé, pesé et enregistré les contenus des pick-up d'agriculteurs chargés de déchets phytosanitaires, produits périmés, ou désormais interdits.

« On ne va quand même pas les enterrer et risquer de détruire le sous-sol, s'inquiète une agricultrice. Ça, c'est une bonne solution. »

Des agriculteurs concernés

Alors beaucoup d'agriculteurs sont venus, mercredi 16 janvier, à la station de l'Institut agricole calédonien de Pocquereux sous les regards satisfaits des autorités. Pascal Vittori, deuxième vice-président de la province Sud, Gérard Pasco, président réélu de la Chambre d'agriculture et des techniciens provinciaux et de la Chambre ont assisté à cette décharge très spéciale.

L'opération concernera au total une cinquantaine de professionnels volontaires, sur les trois sites de dépôt aménagés en province Sud. Des cuves recouvertes de plastique et des fûts bientôt fermement scellés prendront la direction de la Nouvelle-Zélande et de la Métropole pour y subir un traitement autorisé pour les déchets dangereux.

Quatre tonnes en une journée

Des cinq tonnes récupérées en 2011, quatre nouvelles tonnes seront collectées cette année. « La prise de conscience est réelle », souligne Marc Daguzan, ingénieur en charge de la prévention de ce type de risques environnementaux à la direction de l'Environnement. Et il reste optimiste : « Après une phase d'élimination des « stocks historiques », la profession devrait progressivement avoir nettement moins de déchets phytosanitaires à collecter chaque année. La sensibilisation porte ses fruits. »

Pour sa part, la Nouvelle-Calédonie a adopté en août 2012 une nouvelle règlementation sur l'homologation et l'autorisation des produits phytosanitaires à usage agricole, avec nécessité de traiter les déchets. Et cette tendance ira de l'avant.

L'opération de collecte organisée sur les trois sites de dépôt de Port Laguerre, Pocquereux, et Nessadiou permettra, d'ici la fin du moi, d'éliminer le risque de pollution des eaux et des sols que constituent ces quatre tonnes de déchets phytosanitaires. La province Sud y a investi 15 millions de francs, avec la contribution du fonds néo-calédonien de soutien aux actions de lutte contre la pollution (TAP).

Bientôt les particuliers

Mais avec la politique volontariste de la Province qui a financé la création de déchèteries et réglemente la gestion des filières, il n'est pas exclu que le dispositif de collecte qui concernera tout d'abord les déchets phytosanitaires des agriculteurs, puisse à terme être complété pour toucher les particuliers et les jardiniers du dimanche qui détiennent divers pesticides et autres produits nocifs pour l'environnement.

Etape par étape, la conscience environnementale franchit de nouveaux pas. Et déjà, il se dit que la province Nord va prochainement mener avec la Chambre d'agriculture une opération de collecte du même type.

Texte et photos : Frédéric Huillet

Pascal Vittori : réduire le stock historique

Question : Quel bilan tirez-vous de cette deuxième opération de collecte des déchets phytosanitaires ?
Pascal Vittori : C'est la deuxième année que nous menons cette opération. Nous avions déjà testé ce dispositif dans les années 2003 et 2004 sur les produits phytosanitaires détenus par les institutions. Et nous avons souhaité la reconduire en 2011 et 2013 avec un réel succès auprès des agriculteurs. On voit qu'ils sont de plus en plus nombreux à participer à cette opération. Ils étaient 40 en 2011, et 50 cette année. Et l'on voit que les produits collectés passent de 5 à 4 tonnes. Cela prouve que l'on réduit le stock de produits phytosanitaires dangereux.

Est-il envisageable d'étoffer les nouvelles déchèteries et d'y intégrer une zone de stockage des produits phytosanitaires ?
Oui. C'est ce que nous prévoyons puisque les deux premières opérations étaient destinées à réduire le stock historique. En 2013, nous allons mettre en place une filière de retraitement de ces déchets comme nous l'avons fait pour bien d'autres déchets, en collaboration avec les professionnels concernés. Avec eux, nous définirons et mettrons en place des points de collecte adaptés pour les agriculteurs. Toutes ces opérations devraient être financées par une éco-participation qui sera incluse dans le prix d'acquisition des produits phytosanitaires à usage agricole, et qui permettra de financer la filière.

De telles opérations ont donc un coût réel...
L'opération a coûté 15 millions cette année, avec la participation du fond calédonien de soutien aux actions de lutte contre la pollution (TAP) qui se préoccupe notamment du retraitement des stocks historiques de déchets. A l'avenir, lorsque la filière sera mise en place, une éco-participation financera cette filière.

C'est une nouvelle politique de gestion des déchets qui se met peu à peu en place en Calédonie ?
Pour les produits phytosanitaires des agriculteurs, cela constitue un prolongement à la création des premières filières de gestion des déchets. Mais c'est également une réponse à la nouvelle règlementation mise en place par la Nouvelle-Calédonie en août 2012, que la province Sud a préparé et anticipé en commençant à éliminer un certain nombre de ces produits dangereux. C'est une bonne chose car l'on protège à la fois la santé des Calédoniens et notre environnement. Mais il faut rester vigilant. A chaque fois que l'on retire un produit phytosanitaire, les agriculteurs doivent pouvoir compter sur un autre, apte à maintenir leur activité.