Rien ne prédestinait Violaine Maheu à se spécialiser en langue des signes. Mais la volonté de communiquer avec toutes sortes de publics a rattrapé la jeune animatrice socio-culturelle.
du service de la jeunesse de la province Sud. À tel point qu’elle écrit, et joue, aujourd’hui des saynètes pour les sourds et malentendants.
Violaine Maheu a deux vies. Une première qui, des arts du cirque qu’elle pratique depuis l’âge de 3 ans, l’a menée à une carrière d’animatrice sociale et socio-culturelle. Une seconde qui l’a conduite à se passionner pour le monde des sourds et malentendants. « J’avais 15 ans quand j’ai commencé à penser à la langue des signes. À l’époque, j’aimais déjà parler avec les gens. Les sourds ne pouvaient pas apprendre ma langue, j’ai décidé d’apprendre la leur. » Ce besoin de communiquer, Violaine le tient sans doute de son histoire familiale. Dernière-née de « la tribu Maheu », comme on surnomme sa famille en Haute-Normandie, elle baigne très tôt dans le monde associatif. « Mes parents organisaient des centres d’ados. Chez nous, les vacances, c’était toujours à trente ou à quarante. La vie en collectivité, je connais ! » Pas étonnant qu’elle se soit orientée vers le secteur professionnel de l’animation. À la fin de son DUT Carrières sociales, option animation sociale et socioculturelle, elle décide de venir effectuer son stage de fin de cycle à Nouméa, au sein de l’association Port Moselle Loisirs. « Je suis tombée amoureuse du pays, avant de tomber amoureuse tout court. » Entre deux allers et retours entre la Calédonie et la Métropole, elle suit un stage intensif de trois mois à l’école française de langue des signes, à Paris. Et découvre une façon de s’exprimer particulièrement riche… « C’est une vraie langue, maintenant reconnue comme telle, avec sa syntaxe, sa grammaire. La plus grande différence avec ma langue maternelle, c’est que j’ai dû apprendre à penser en images. » Car la langue des signes est avant tout visuelle. « Le truc qui ressort, le tic, la moindre habitude ou manie, les sourds vont le voir. Apprendre la langue des signes a changé ma façon de percevoir les choses. Mon angle de vision s’est agrandi. » De fil en aiguille, Violaine intègre l’Association pour la surdité en Nouvelle-Calédonie et le collectif « Le cri du cagou ». Avec l’envie de faire avancer la cause des sourds et malentendants.
Langue très visuelle
« En Calédonie, tout le monde se parle avec les yeux et avec les mains. Du coup, quelqu’un qui parle la langue des signes n’est pas regardé comme une bête curieuse. Du coup, aussi, Les personnes atteintes de surdité ne se déclarent pas comme telles et se contentent du peu de dispositifs mis en place à leur intention. » Impliquée sur le plan associatif, la jeune femme décide d’aller plus loin. « La direction de la Culture de la province Sud avait déjà fait le sous-titrage de plusieurs films en 2008, mais l’idée était de créer quelque chose de spécifique pour les sourds, pour ensuite, le partager avec les entendants. »
Pont entre monde des mots et monde du silence
À 23 ans, elle n’a peur de rien. Surtout, elle ne rechigne pas à la tâche. Elle se lance alors dans un projet de spectacle pour sourds et malentendants. « Avec quinze ans de cirque, sept ans de théâtre, je me sentais capable de faire une pièce. » Elle travaille avec Sylvain Lorgnier pour l’écriture, Annick Doucet pour la mise en signes et Catherine Dinevan pour la mise en scène. « Rien que pour la traduction en langue des signes des trois contes, il nous a fallu entre 100 et 150 heures ! » Le spectacle finalisé, il lui reste à parfaire son jeu avec Sylvain Lorgnier. Car pour établir « un pont entre le monde des mots et celui du silence », il faut beaucoup de complicité, d’empathie… et de travail ! « Ce n’est pas facile de jouer dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle. C’est même un vrai défi. » Un défi qu’elle a relevé une première fois en novembre 2009 et qu’elle continue d’assumer cette année. Avec son enthousiasme habituel.