Si vous êtes un professionnel du tourisme en province Sud, il y a de fortes chances que vous connaissiez vos homologues. Dans le cas contraire, vous êtes au bon endroit ! Bienvenue sur cette série d’interviews dédiées aux professionnels du tourisme durable en province Sud. À travers des rencontres, découvrez les défis auxquels font face les entrepreneurs du tourisme ainsi que leurs histoires et anecdotes autour de leur activité.
Pour la sixième et dernière rencontre de la saison, nous sommes allés à la découverte de l’agritourisme avec Jean-Luc et Jocelyne Chanier, les propriétaires de la Ferme d’Erambere. Depuis 2016, ils invitent leurs visiteurs à s’immerger dans leur quotidien d’agriculteurs en proposant des chambres au sein de leur domaine apicole, situé au nord de Dumbéa. Un retour à la nature garanti avec des hôtes passionnés et engagés, prêts à vous faire découvrir leur univers.
- Bonjour Jocelyne, bonjour Jean-Luc, et merci de nous recevoir à la Ferme d’Erambere ! Pour commencer, pouvez-vous vous présenter et nous parler de vos activités ?
Jocelyne : Bonjour, je me présente, Jocelyne Chanier, je suis la femme de Jean-Luc. Sur le domaine, je m’occupe principalement des gîtes depuis trois ans maintenant mais nous accueillons des visiteurs depuis 2016.
Jean-Luc : Bonjour, je m’appelle Jean-Luc et je suis le propriétaire de la ferme. Je m’occupe principalement de l’exploitation agricole, qui est axée sur l’apiculture avec nos abeilles, la sylviculture et l’aviculture, qui est l’élevage de poules et de volailles. Je pratique l’apiculture depuis quarante ans, dont vingt-cinq ans sur le domaine d’Erambere, que nous avons acheté à cette époque.

- Pourquoi avez-vous décidé de vous inscrire dans une démarche d’agritourisme ?
Jean-Luc : Pour moi, cette démarche était tout à fait naturelle. Étant fils d’agriculteur en métropole, nous accueillions souvent des touristes pendant les vacances d’été, qui quittaient la ville pour respirer l’air de la campagne. J’ai donc toujours travaillé dans l’agriculture et eu l’habitude d’accueillir des visiteurs. De génération en génération, j’ai constaté que les gens étaient de plus en plus déconnectés des réalités de l’agriculture. Pourtant il est essentiel de se rappeler que les poissons ne sont pas carrés et que le lait ne vient pas d’une brique en carton. À mon sens, il est important de partager et de donner à voir nos activités à des visiteurs, il m’a donc semblé naturel de lier mon activité d’agriculteur à l’accueil de touristes sur le domaine.
- Quelles démarches avez-vous entrepris pour développer cette partie touristique dans vos activités ?
Jean-Luc : Pour mettre en place cette offre, il n’y a pas de démarches purement administratives, car nous faisons partie du réseau “Bienvenue à la ferme”, qui accepte et encourage les gîtes à petite échelle dans les exploitations agricoles. Cela facilite grandement les choses. En parallèle, nous avons souscrit une assurance spécifique pour être couvert en cas de soucis.
D’un point de vue matériel, au départ il n’était pas possible d’ouvrir le gîte car nous n’avions pas l’électricité. Les visiteurs recherchent la nature, mais ils veulent aussi des commodités comme des sèche-cheveux, des ventilateurs, des fours et des micro-ondes, qui sont très énergivores. Les panneaux solaires ne suffisaient pas à répondre à ces besoins. Il était donc indispensable d’avoir une alimentation électrique stable. Ainsi, bien que tout était prêt pour l’ouverture, nous avons dû attendre d’avoir l’électricité en réseau. Dès que nous l’avons obtenue en 2016, nous avons pu rapidement ouvrir le gîte.
- Quels obstacles avez-vous rencontrés en vous lançant dans cette aventure ?
Jean-Luc : Le principal problème que nous rencontrons est la publicité et la promotion de notre offre. C’est une véritable difficulté. Avec la multiplication des réseaux médiatiques, nous sommes confrontés à une situation confuse où l’information est diluée et ne parvient pas à capter l’attention. Elle n’est ni percutante ni bien saisie par le public. Pour moi, c’est le défi majeur à relever actuellement.
- Pouvez-vous nous décrire les hébergements que vous proposez à vos visiteurs ? Quelles sont les particularités de ces espaces et quels services proposez-vous ?
Jean-Luc : Actuellement nous disposons de trois chambres, une suite et deux bungalows. Chaque hébergement dispose d’une salle de bain et de sanitaires individuels et séparés, ainsi que d’une terrasse. Nous proposons également des parcours pédestres au sein de la propriété, avec actuellement deux sentiers principaux que les visiteurs peuvent emprunter. Dans notre démarche, l’idée est d’être à la disposition des touristes mais de les laisser aussi en autonomie. Nous avons trouvé notre public avec cette approche.

Jocelyne : Pour les personnes qui séjournent chez nous, nous disposons de deux offices de cuisine où elles peuvent préparer leurs repas. Ces espaces sont équipés de la vaisselle nécessaire. Nos visiteurs trouvent cette solution économique et pratique. Ils utilisent donc volontiers ces espaces que nous mettons à leur disposition. Dans ces offices, nous proposons également des produits de la ferme, tels que des œufs, des confitures et du miel, qu’ils peuvent acheter directement à la boutique ou commander.
De temps en temps, sur demande, je propose une visite de la miellerie. Ce n’est pas systématique, mais si les visiteurs le souhaitent, je leur explique le fonctionnement des machines, leur utilité, le processus d’extraction et de stockage du miel.

- Vous faites partie du réseau « Bienvenue à la ferme ». Pouvez-vous nous en dire plus sur celui-ci ?
Jean-Luc : “Bienvenue à la ferme” est un service des chambres d’agriculture en métropole, également disponible ici. Ce réseau regroupe diverses activités, telles que la vente de produits fermiers, les gîtes, les tables d’hôtes, et les visites d’exploitations. Bien que les visites d’exploitations soient rares ici, plusieurs exploitations vendent leurs produits.

Le réseau propose également des campings à la ferme, des gîtes et des chambres d’hôtes. Il est important de distinguer ces deux derniers : une chambre d’hôtes implique de partager des espaces avec les propriétaires, ce qui peut être moins confortable. En revanche, un gîte offre plus d’intimité, se rapprochant davantage d’un hôtel. Cette distinction n’est pas toujours bien comprise par les visiteurs, ce qui peut poser problème.
Grâce à “Bienvenue à la ferme”, j’ai pu proposer des gîtes. Connaissant déjà ce réseau, il m’a semblé naturel de m’y associer pour promouvoir notre offre, plutôt que de choisir une structure comme “Gîtes de France”, qui me paraissait moins adaptée.
- En tant qu’agriculteurs, quelle est votre vision du tourisme durable et comment l’intégrez-vous dans vos activités ?
Jean-Luc : Cette démarche remonte à nos origines. Ce n’est pas une approche que nous avons adoptée progressivement, mais une philosophie intégrée dès le départ. Il y a vingt ans, cette vision était déjà présente, même si elle n’était pas encore courante.
Le reboisement en est un exemple concret. La propriété a été reboisée dans une optique de sylviculture. Les chemins, autrefois exposés au soleil, sont aujourd’hui ombragés par la végétation qui a poussé. Cette approche durable a toujours été prise en compte dans nos activités quotidiennes et dans notre manière de travailler.
Nous n’avons pas intégré cette démarche comme une contrainte tardive, mais comme une composante essentielle dès le début. Cela nous permet de travailler de manière productive à long terme et de voir où notre projet nous mène. Aujourd’hui, il semble que tout le monde cherche à intégrer ces pratiques sans se questionner sur la démarche initiale. Pour nous, il est crucial de développer le projet dans sa globalité dès le départ, plutôt que d’essayer de faire entrer des éléments dans un cadre préétabli.
Cette philosophie découle de ma formation agricole et de mon esprit critique, qui me pousse à me remettre en question quotidiennement. C’est un état d’esprit, pas une récente découverte.
- Comment vous accompagne la province Sud dans le développement de votre activité touristique ?
Jean-Luc : Nous avons suivi de nombreuses formations proposées par la Province Sud, et j’y tiens beaucoup, car je les considère comme indispensables. Chaque année, nous avons participé à diverses formations, dont une sur l’ornithologie, qui nous a appris à écouter et observer les oiseaux. Une autre formation portait sur « Google My Business ».
Cependant, le principal défi reste la gestion de toutes ces tâches. Il est impossible de tout faire seul, et j’aimerais pouvoir déléguer certaines responsabilités, notamment celles liées à la promotion et à la visibilité de notre offre.
- Selon vous, quelles sont les qualités et compétences essentielles pour offrir une expérience inoubliable à vos visiteurs à la ferme ?
Jocelyne : Il est essentiel d’être disponible pour les clients et de toujours accueillir avec le sourire. Être conciliant et réactif permet de créer une expérience positive et agréable pour les visiteurs.
Jean-Luc : Je suis moi-même, et cela plaît généralement aux clients. Ils s’intéressent à ce que je fais parce que c’est captivant, et les échanges se passent souvent très bien. C’est avant tout une question d’humanité. Valoriser l’humain est essentiel pour offrir des prestations de qualité. En mettant l’accent sur l’aspect humain, nous pouvons proposer des services qui répondent aux attentes de nos clients.
- Pour conclure, avez-vous un petit mot à adresser à vos collègues de l’agritourisme ?
Jean-Luc : Je pense qu’il est important de rappeler qu’il faut aimer son travail et toujours chercher à s’inspirer du meilleur pour faire encore mieux. Il est essentiel de se remettre en question constamment, car on ne parvient jamais à satisfaire pleinement les clients. Même s’ils disent être satisfaits, il y a toujours moyen de leur offrir davantage. Ce que je regrette ici, c’est que les gens ne remettent pas suffisamment en question certains détails importants comme la literie, le ménage, et les petites attentions… Par exemple, nous fournissons des serviettes et des draps dans notre gîte, mais en Calédonie, certains gîtes n’offrent ni l’un ni l’autre et ne communiquent pas clairement à ce sujet. Cette disparité peut nuire à l’expérience des visiteurs.