L’interview de Leif et Juliette Les Bulles de Farino

Bienvenue sur cette série d’interviews dédiée aux professionnels du tourisme durable en province Sud. À travers des rencontres, découvrez les défis auxquels font face les entrepreneurs du tourisme ainsi que leurs histoires et anecdotes autour de leur activité. Dans ce deuxième épisode, nous partons à la découverte des Bulles de Farino, un lieu atypique niché au cœur de la nature calédonienne. Leif Colin et Juliette Brodeur, les créateurs et gérants de ces havres d’évasion, retracent leur aventure débutée en 2017. Immersion en pleine forêt, respect de l’environnement, retours client… Ils reviennent avec nous sur leur parcours, les obstacles rencontrés, et leur vision d’un tourisme alliant confort, qualité et éco responsabilité.
- Bonjour Leif, bonjour Juliette, merci de nous accueillir dans cet endroit magique que sont les Bulles de Farino. Pour débuter notre échange, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?
Leif : Bonjour et bienvenue aux Bulles de Farino, je me présente, Leif Colin, Je suis originaire de Marseille. À l’âge de 14 ans, je suis arrivé en Nouvelle-Calédonie, où je me suis installé. J’ai poursuivi mes études ici, obtenant un bac pro en commerce. Ensuite, je suis parti en métropole et j’ai travaillé pendant une dizaine d’années pour une chaîne d’électroménagers. C’est là que j’ai découvert le concept des bulles, ce qui m’a donné l’idée de l’importer ici, en Calédonie.
Juliette : Bonjour, moi c’est Juliette Brodeur, je suis la conjointe de Leif. Lors de mes études en métropole, j’ai obtenu une licence en anglais, orientée vers les langues étrangères. Lorsque nous nous sommes rencontrés avec Leif, il venait de commencer le projet des Bulles. J’ai été séduite par son idée et je l’ai suivi dans cette aventure.
- Vous avez donc créé ces Bulles de bien-être dans un endroit magique. Quelle est l’histoire de ce projet depuis sa création à aujourd’hui ?
Leif : Après avoir essayé les bulles en métropole, j’étais convaincu qu’il fallait vraiment ramener ce concept ici. Nous avons une biodiversité incroyable en Nouvelle-Calédonie, et je voulais que les gens réalisent notre potentiel touristique.
Juliette : Avant l’ouverture, il a fallu un an et demi de préparation et de travaux. Nous avons dû réaliser des études d’impact, sélectionner nos fournisseurs et lancer les travaux. Notre établissement a ouvert ses portes le 29 novembre 2019, ce qui fera bientôt cinq ans. Dès l’ouverture, le rythme a été très soutenu, d’autant plus que nous avons rapidement accueilli un grand nombre de clients. Gérer un projet de cette envergure demande énormément de travail, surtout au début, lorsque l’équipe est encore réduite et qu’il faut tout gérer soi-même.
- Leif, quelles démarches administratives as-tu entrepris pour pouvoir lancer ton projet ?
Leif : J’ai créé la société en 2017, et les travaux ont commencé en juin 2018. La partie administrative a été principalement conséquente autour des études qui ont dû être réalisées. Étant à proximité du Parc des Grandes Fougères, nous avions l’obligation de respecter la réglementation environnementale de cette zone. Par exemple, nous n’avons pas pu éclairer nos sentiers pour ne pas perturber la nidification des oiseaux. Nous avons aussi mis en place des protections autour de nos structures pour éviter la diffusion de produits chimiques dans le sol.
Pour acter la viabilité du projet et débuter la phase de travaux nous avons mené trois études d’impact. Une avec la DDDT de la Province Sud, une autre avec un cabinet et une troisième avec l’IRD. Ces études ont montré que notre projet n’avait pas d’impact néfaste sur la forêt de Farino. Elles ont aussi permis de déterminer où implanter les decks afin de minimiser l’impact sur l’environnement.
- Lorsque tu as débuté ce projet, quels freins as-tu rencontré et comment as-tu réussi à les lever ?
Leif : Créer le concept des bulles a été très compliqué, l’administration en Nouvelle- Calédonie n’étant pas familière avec ce type de projet. Quand nous parlions d’installer des bulles dans une forêt il fallait montrer que notre projet pouvait apporter une plus-value au territoire. Heureusement, à ce moment-là, la Province Sud subventionnait les projets touristiques innovants, c’est ce qui nous a permis de lancer le projet.
Une fois que les travaux ont pu débuter, la société à laquelle nous avions fait appel a abandonné le chantier au bout de six mois. Il a donc fallu faire appel à nos contacts afin de relancer le projet. Heureusement, un ami de mon père dans le domaine de la construction a pris le relais pour la suite des travaux.
- Pouvez-vous nous présenter l’espace dans lequel se dressent ces jolies bulles ? Quelle clientèle visez-vous ? Quels sont les services que vous proposez à vos visiteurs ?
Juliette : Notre clientèle est très variée mais reste principalement des couples de tout âge allant de 16 à 85 ans. Au départ, nous avons commencé avec trois bulles pour tester le marché, et nous ne nous attendions pas à un tel succès. Nous avons ensuite décidé d’ajouter deux dômes pour diversifier notre offre.
Contrairement aux bulles totalement ouvertes sur la nature et permettant de dormir à la belle étoile, les dômes ont une structure rigide et offrent un peu plus de confort, bien qu’ils laissent moins voir le ciel.
Nos cinq structures sont équipées d’une climatisation, d’un jacuzzi et d’une terrasse privative, nous proposons également à nos clients un service de restauration pour les repas et le petit déjeuner. Dès le départ, l’offre que ous proposons a orienté autour d’un service avec le maximum de confort afin que nos visiteurs puissent s’immerger complètement dans leur « bulle ».
- Choisir de monter un lodge au cœur de la nature s’inscrit dans une démarche éco-responsable. Qu’est-ce que cela signifie pour vous et comment cela se traduit-il dans vos activités ?
Juliette : Nous ne nous considérons pas comme un lieu « écolo » notamment avec nos équipements comme les climatisations et les jacuzzis mais nous visions plutôt un tourisme « vert ». Le projet a été pensé avec une priorité donnée aux matériaux locaux. Par exemple, c’est un bois de la région qui a été utilisé pour les structures. Nous travaillons également avec des producteurs du coin pour privilégier les circuits courts et l’économie locale tout en offrant des services de qualité. Et puis, sur l’implantation du projet, nous souhaitions vraiment qu’il s’intègre à la nature et permettre à celle-ci de s’épanouir autour.
- À votre avis, quels sont les écueils à éviter quand on s’inscrit dans cette démarche de tourisme durable ?
Leif : Je pense qu’il est essentiel de ne pas avancer avec une idée préconçue, mais de bien prendre en compte les retours des clients. Notre projet s’est vraiment construit avec l’apport de notre clientèle. Il est important de toujours viser une amélioration continue.
Juliette : Tout à fait, les retours clients sont primordiaux et ne doivent surtout pas être négligés. Ni Leif ni moi ne venions du secteur de l’hôtellerie au départ, donc nous nous sommes un peu lancés à l’aveugle. Nous comptons beaucoup sur ces retours pour ajuster et perfectionner constamment notre offre.
- Est-ce que vous bénéficiez d’un accompagnement de la province Sud et comment cette dernière t’aide-t-elle dans votre activité ?
Leif : Nous avons sollicité la province Sud pour une subvention, ce qui a couvert environ 30 % de nos besoins. Ils nous ont également accompagnés dans la rédaction de dossiers de protection environnementale, y compris les études d’impact et sur le plan re végétalisation. Ce suivi est crucial pour assurer que notre projet respecte les normes environnementales.
- Selon vous, quelles sont les qualités et les compétences essentielles pour proposer un service touristique de qualité ?
Juliette : Je crois qu’il est essentiel de se mettre à la place des clients et de se demander comment nous aimerions être accueillis, puis d’appliquer la même approche. La bienveillance et l’écoute sont des éléments clés. La notion de qualité est primordiale pour nous, et nous nous efforçons de nous adapter constamment aux besoins et aux retours de nos clients.
- Pour conclure, quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite se lancer dans ce type de projet ?
Leif : Je n’ai pas de conseil précis, mais je pense qu’il est crucial que chacun trouve sa propre voie dans cette aventure. C’est une belle expérience, mais il faut être prêt à travailler dur et à faire des sacrifices au début. Avec le temps, ces efforts finissent par porter leurs fruits. La résilience et la patience sont essentielles.
Juliette : Effectivement, la gestion d’un projet comme celui-ci exige énormément de travail, surtout au départ, tant que le projet n’est pas encore bien établi. Il faut savoir s’accrocher, que ce soit pendant la phase de chantier, à l’ouverture ou même pendant l’exploitation. Au début, nous n’avions pas d’employés, donc nous devions tout faire nous-mêmes. Patience et persévérance sont indispensables, car l’hôtellerie impose un rythme intense, surtout au début le temps que l’activité se lance.