Antoinette Sautron
Antoinette Sautron (Kabar) (1907-1971), la maman des petites âmes en peine
Antoinette Sautron est née à Bayes, dans la région de Poindimié, en 1907. Fille de Gabriel Sautron et de Louise Volcy, elle est l’aînée d’une grande famille de 10 enfants. Elle grandira dans la région de Monéo à Ponérihouen et ira à l’École des Sœurs à Bourail.
Devenue adulte, elle se marie avec Calixte Kabar vers la fin des années 1920, avec lequel elle vivra pendant plus d’une décennie, mariage qui leur donnera 7 enfants. Antoinette Sautron devient Antoinette Kabar.
L’Histoire qui va faire connaître Antoinette Sautron débute en 1944, lorsqu’elle va prendre la décision de quitter le domicile conjugal et de s’en aller avec ses enfants pour se séparer physiquement de Calixte Kabar, qui n’accepte pas la demande de divorce.
Elle part alors pour Paama, dans la région de Poindimié, où elle a des attaches familiales, notamment son beau-frère, Elie Babin, marié à une des sœurs d’Antoinette et maire du village. À Paama, elle s’installe sur la propriété de Monsieur Goujon qui lui offre de s’installer sur un terrain non mis en valeur.
Elie Babin, afin d’aider Antoinette à s’émanciper et à s’assurer des revenus, lui trouve alors du travail dans le petit internat de Poindimié, poste qu’elle commence à occuper en 1945. C’est là, le début des aventures de « La mère Antoinette », qui va vite se retrouver en matriarche naturelle des enfants sous sa charge.
Ce petit internat municipal est en fait l’un des plus vieux bâtiments de Poindimié, construit à côté de la poste en 1925. Modestement il sert alors à accueillir les enfants du primaire de la région.
Antoinette vit avec ses propres enfants sur place et s’occupe déjà de ces jeunes élèves de l’école primaire comme s’ils étaient les siens. Ces premières années à déjà connaître une famille élargie éveillent probablement en elle une vocation.
En effet, après plusieurs années, lorsqu’elle se sent suffisamment à l’aise dans ce qui est sa nouvelle maison et sa nouvelle vie, Antoinette décide de passer un coup d’accélérateur face à l’injustice et au manque d’amour qu’elle constate. Elle commence alors à récupérer et accueillir chez elle les jeunes délaissés de la région, enfants et adolescents, souvent des jeunes de fratries en difficulté familiale et sociale.
Antoinette, en croisade contre l’abandon de ces gamins, est de plus en plus connue dans la région. La « mère Antoinette » devient une figure locale et son nom « Antoinette Kabar » commence à se répandre comme une traînée de poudre.
Antoinette parvient à divorcer en ce début des années 1950 et donne une autre dimension à son action, au-delà de ses fonctions à l’internat municipal et redevient Antoinette Sautron.
Mais les gens du village et de la région ont pris le pli : tout le monde l’appelle Antoinette Kabar.
Enfin, pas tout à fait. Ce n’est que lorsque l’on veut dire son nom en entier qu’on l’appelle Antoinette Kabar, mais au cours des années, Antoinette s’approchant de la cinquantaine et devenant de plus en plus reconnue pour prendre soin des enfants devient « La Vielle Nénette » ou encore « Tantine et ses gosses », tant elle prend soin d’eux et n’est jamais loin des enfants recueillis qu’elle chérit comme les siens.
Laeticia Calvez, une des filles d’Antoinette Kabar, lui rendant hommage dira plus tard à son propos :
« À Poindimié même, le prénom d’Antoinette Kabar ne correspond pas très bien à la personnalité de celle qui fût l’âme et l’animatrice de cette maison. Parlez de la « Vielle Nénette » ou de « Tantine et ses gosses », et tous ceux qui l’ont connue sauront immédiatement de qui on parle.
Si le terme de « Vieille » peut choquer les non-initiés, il faut savoir que sur la Côte Est, l’adjectif « vieux » ne s’attribue qu’aux personnes d’un certain âge certes, mais surtout, aux personnes sages et respectées de la communauté toute entière.
Petit bout de femme presque aussi large que haute, une éternelle cigarette fichée au coin des lèvres, un foulard noué derrière la nuque, une robe toute simple en tissu léger, immanquablement entourée d’une nuée d’enfants : il n’y avait qu’une seule « Vieille Nénette » sur la Côte Est. »
Au cours des années 1950, la population d’enfants qu’elle accueille chez elle explose, montant à une puis deux dizaines d’enfants, en parallèle de son action à l’internat municipal. Sur les deux sites, Antoinette est partout, elle prend soin des enfants en permanence. Elle commence à avoir un soutien de taille : ses propres enfants.
En effet, ceux-ci ont bien grandi et arrivant à l’âge adulte, ils décident d’aider leur mère dans son action pour les jeunes enfants, chacun à leur manière. Ainsi parmi les plus âgés de ses 7 enfants, Yvan devenu éleveur de bétail, ramène des pièces de viande, tandis que Daniel, devenu agriculteur, ramène des produits de la terre.
Eliane, une autre de ses filles, devenue secrétaire de mairie, apporte également son soutien à sa façon, que ce soit pour les démarches administratives ou avec d’autres petits coups de mains.
Il faut mentionner un autre grand nom féminin calédonien dans l’Histoire d’Antoinette Sautron : Emma Meyer, infirmière, alors première assistante sociale de Nouvelle-Calédonie, qui parcourt tout le territoire afin de trouver et d’aider les enfants délaissés.
De fait, Emma connaît bien la région de Poindimié et surtout Antoinette, qu’elle a vu commencer dès 1952 à accueillir des enfants de familles modestes et éloignées, les traitant comme ses propres enfants, leur offrant gîte, couvert, éducation et bonté d’âme.
Devant ce cœur d’or et cette volonté d’acier, Emma Meyer (qui est de la même trempe, nous vous invitons à aller découvrir son portrait), impressionnée, sait qu’elle a trouvé là la cheville ouvrière de son action dans le nord : lorsqu’Emma lance l’Association pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence en Nouvelle-Calédonie (ASEA-NC) en 1958 (avec le soutien de la CAFAT, du Territoire et du Service Social), le premier établissement qu’elle fait ouvrir est la maison d’accueil d’enfants de Poindimié que tient alors Antoinette.
L’internat municipal de Poindimié est transformé, passe sous la gestion de l’ASEA-NC et Antoinette Sautron en devient alors officiellement Directrice et Animatrice. Il s’agit là principalement d’une reconnaissance, puisqu’elle effectuait déjà informellement toutes les fonctions liées à ces postes lorsqu’elle tenait l’internat.
Dans le même temps, le grand internat de Poindimié est construit en 1961. En combinaison avec la maison tenue par Antoinette, ces structures permettent d’améliorer significativement la prise en charge de l’enfance dans la région !
Cette nouvelle période des années 1960 voit à la fois de la continuité et des changements se produire : continuité dans l’action et l’accueil des enfants, dans le soutien qui est apportée à Antoinette tant par ses enfants que par les gens du village et des tribus alentours, mais aussi changements avec des renforts supplémentaires, notamment sa fille Anne-Luce Graziani qui devient animatrice au sein de la maison, et un début de reconnaissance officielle de l’action menée. Antoinette devient ainsi Chevalier du Mérite Social en 1962.
Interrogée, Laeticia Calvez, la plus jeune des filles d’Antoinette, qui approche alors la vingtaine et fait des études dans l’enseignement raconte :
« Au début il n’y avait pas beaucoup de gosses. 12, peut-être 15 gosses. Mais avec le temps on a commencé à en avoir des dizaines.
En ce qui nous concerne, nous, les enfants d’Antoinette, présents dans l’aventure dès le début, on ne réfléchissait pas, on était là, on aidait notre mère à prendre soin de tous ces gosses. Un vrai travail d’équipe : Yvan nous ramenait de la viande, Daniel des produits de la terre.
Mes aînés n’avaient pas eu la chance d’être très instruits, et n’avaient pas pu faire des études, mais ils travaillaient dur.
C’est grâce à eux que j’ai pu faire mes études. Ils nous ont permis cette possibilité en nous donnant ce qu’ils avaient.
Pour la Maison d’enfants c’était pareil : ma mère Antoinette avait ça dans le sang, elle prenait soin naturellement de tous ces enfants comme si c’était les siens. Elle éprouvait réellement de la tendresse, de l’amour maternel pour ces jeunes, qu’ils soient tout petits ou qu’ils soient devenus jeunes majeurs.
Ils le ressentaient et le lui rendaient, même si c’était des enfants terribles aux enfances brisées qui faisaient parfois les 400 coups.
Elle faisait un travail dantesque, dont j’ai plus tard compris toute l’ampleur lorsque j’ai tenu la Maison d’enfants pendant quelques années, au début des années 1970 : quand j’ai pris la Maison, le plus jeune des enfants avait à peine 15 jours, tandis que le plus âgé avait 21 ans ! Il fallait être capable de gérer tout ça.
Si ma mère faisait preuve d’un dévouement sans faille, quitte à s’en ruiner la santé, il faut avouer qu’elle a eu beaucoup de soutien. Nous, ses enfants, bien sûr, mais également toutes les personnes des alentours qui venaient nous apporter leur soutien. Il n’était pas rare que des vieux de la tribu viennent nous apporter du poisson ou des fruits, et c’est pareil pour les gens du village et de la région.
Pour nourrir autant de bouches, ce n’était pas de trop ! Au plus fort, la maison a accueilli jusqu’à 50 enfants, je ne sais pas si vous imaginez !
C’était simple à l’époque : il n’y avait pas de psychologue ou de fonction trop administrative, on en restait à l’essentiel avec ma mère. Elle traitait les enfants avec amour et respect, on faisait pareil, et ils en ressortaient avec de l’estime et des valeurs.
Tout le monde mettait à la main à la pâte, c’était une bonne éducation, le fruit d’un vrai travail d’équipe ! »
Antoinette se donne vraiment corps et âme pour les enfants, en fait ses enfants. Tous les jours de l’année, sans exception, sans jamais prendre de vacances, elle continue à s’occuper de chacun des enfants sous sa garde. Elle mène une veille vigilante et permanente, sans jamais abandonner la tendresse, qui était sa marque de fabrique.
Dans cet esprit, elle sortait le moins possible de son fief et ce sont les gens qui venaient à elle : sa maison était toujours ouverte à tous, gens du village, des tribus ou même citadins de Nouméa, anonymes ou importants qui passaient par Poindimié, tous sans distinctions pouvaient venir lui rendre visite.
Ainsi dans un hommage à Antoinette Sautron on peut lire ce passage qui illustre bien son quotidien :
« À l’heure où les plus jeunes rentraient de l’école, elle regagnait la maison et s’installait au milieu des bâtiments, généralement assise sur l’une des terrasses, et là… ceux qu’elle n’avait pas encore vus venaient papillonner autour d’elle et raconter leur journée.
L’heure du repas venait vite, elle se retirait dans sa cuisine, où elle dînait rarement seule, car elle avait table ouverte. Mais sa journée se s’arrêtait pas là : au lieu de s’isoler dans ses appartements, elle regagnait pour la nuit sa chambre qui se situait au milieu des dortoirs où dormait la cinquantaine d’enfants de sa grande famille. »
Ou encore dans un autre hommage :
« D’aucuns gèrent leur boutique assis derrière un bureau. Elle, menait avec compétence sa petite troupe de son jardin qui jouxtait la rue. Ainsi, chaque jour, comme une mère poule suivie de ses poussins, elle grattait la terre qu’elle aimait tant et trouvait là les moments propices aux long échanges avec « ses gosses », mais aussi avec les passants qui s’arrêtaient pour la saluer. Nombreux sont ceux qui lui racontaient leurs soucis, leurs projets, mais venaient aussi chercher l’avis éclairé du sage.
Elle avait le temps et le goût des discussions émaillées de longs silences… L’écoute était sa principale qualité.
Située au coin du hall séparant les chambres des garçons de celles des filles, sa chambre était un point stratégique contrôlant les va et vient de la maison. Seul un rideau en masquait l’entrée : sa porte ne se fermait jamais.
Dans la soirée, alors que les petits dormaient déjà, assise sur son lit, c’était le moment des confidences des plus grands qui se disputaient le privilège de lui brosser les cheveux ou de lui faire les ongles. Ces séances n’étaient que prétextes à prolonger le contact avec « Tantine », à régler les petits problèmes, à dédramatiser les petits maux de chacun, mais aussi à parler de l’avenir. Les grandes théories fumeuses des grands thérapeutes, elle ne connaissait pas.
C’était avant tout une femme de terrain, des « choses simples de la vie », du vécu, du senti… et son éducation, faite de contacts, de regards, mais avant tout de beaucoup d’amour, lui conférait son incroyable efficacité »
Une efficacité reconnue officiellement, puisque déjà Chevalier du Mérite Social depuis 1962, Antoinette Sautron devient Titulaire de l’Ordre National du Mérite le 21 Avril 1966.
José Toujas, petit-fils d’Antoinette Kabar et sa mère madame Eliane Cazautet (née Kabar), interrogés nous ont également parlé de cette époque :
« Moi, ma grand-mère est morte quand j’avais 11 ans, mais j’ai eu le temps de connaître la maison et les enfants accueillis. Il n’y avait pas de favoritisme, elle ne faisait pas la différence entre ses propres enfants, ils l’appelaient tous « tantine ». Ils avaient beau faire 1m90, si Mamie sortait la salsepareille et la trique, je peux vous dire, ça tremblait.
Mais qu’est-ce qu’elle les aimait ses gosses. Je me rappelle une fois, ils avaient creusé un tunnel pour aller chez Mr Aubry pour voler ses letchis, mais l’un d’eux avait fait tomber une sandale en plastique. Lorsque Mr Aubry est venu demander réparation avec pour preuve la chaussure perdue, Antoinette s’est interposée et a dit « je paye s’il faut », en protectrice. »
Sa maman Eliane se rappelle :
« Pendant 3 ans ma mère a travaillé gratuitement pour les enfants qu’elle accueillait. Nous, ses fils et ses filles, on aidait ma mère pour payer, pour pouvoir nourrir les enfants. Les gens venaient à la maison et lui amenaient des produits de la chasse et de la terre, des citrouilles, des ignames…
Tout le monde était gentil avec elle et appréciait ma mère. Les gens apportaient aussi parfois des vêtements, des robes, …
C’est d’ailleurs pour ça que toutes les filles passées par la maison connaissaient la couture : elles l’avaient apprise avec maman.
Les gens des tribus aussi, je me rappelle ils apportaient des produits de la mer, leur pêche du jour pour que maman puisse cuisiner à tout le monde de bons plats.
Je ne veux pas vanter ma mère, mais c’est une sainte femme. Elle a beaucoup donné. »
José rajoute : « Oui elle donnait tout le temps, toujours à fond, sans compter, et sans se préserver. Pour moi, quand je la voyais, ma grand-mère était très fatiguée, elle était usée en avance par l’âge. »
Antoinette Sautron vit pour ses enfants, et ne se ménage pas. Ne prenant jamais de vacances et donnant de sa personne sans compter, elle tombe malheureusement malade sur la fin de sa vie alors qu’elle souhaite poursuivre son action.
Décédée en 1971, l’éloge funèbre du Capitaine Dubois, alors représentant de l’Association pour la Sauvegarde de l’Enfance lui rend hommage lorsque la maison est renommée en son honneur :
« Antoinette Sautron-Kabar a été une femme au grand cœur… Sa vie fut simple et droite. En dépit des obstacles accumulés sur la route, elle a été vouée, sans arrêt, jour après jour, aux tâches familiales et sociales.
[…]
Sa disparition laisse un grand vide dans la maison qu’elle dirigeait et prive les enfants, « ses gosses » de la tendresse vigilante de « tantine ».
[…]
L’association pour la Sauvegarde a décidé de baptiser de « Foyer Antoinette Sautron Kabar », la maison d’enfants de Poindimié pour rappeler à la postérité le souvenir de cette femme au grand cœur. »
Ayant lieu à Monéo, les obsèques d’Antoinette Kabar réunissent alors plus d’un millier de personnes, venues de Houaïlou, Poindimié, de bien d’autres communes de l’intérieur et même de Nouméa, preuve s’il en est que son action était reconnue par ses contemporains.
Prévu pour s’appeler « Foyer Antoinette Sautron Kabar », le foyer s’appellera finalement « Antoinette Kabar », sans y faire figurer le nom de Sautron, qu’Antoinette avait pourtant repris. Les héritiers de sa mémoire mèneront une veille vigilante pendant plusieurs années, évitant même à une occasion que la maison ne soit renommée « Maison Kabar », une action qui aurait eu le malheur d’effacer l’identité d’Antoinette Sautron, alors même qu’il s’agit là de son héritage.
Après le décès brutal d’Antoinette Kabar, il faut quelqu’un qui connaisse le terrain pour pouvoir s’engager. Emma Meyer, toujours impliquée, vient alors trouver la fille d’Antoinette, la jeune Laeticia Calvez, qui vient alors à peine d’accoucher :
« Tu prends ton gosse sous le bras et tu viens t’occuper de la Maison. »
Laeticia Calvez, enseignante, inspirée par sa mère et qui a décidé de suivre une carrière en lien avec la prise en charge des enfants en difficulté, est en effet la personne idéale pour reprendre à la volée la tâche immense que tenait à bout de bras Antoinette.
Reprenant le flambeau, Laeticia tiendra la maison pendant 3 ans, jusqu’en 1974, avant de passer le relais aux fonctionnaires et à l’administration :
« Déjà quand je suis arrivée après le décès de ma mère, le statut de la Maison changeait un peu. J’étais moi-même fonctionnaire et l’on m’a détachée afin que je puisse reprendre le poste de directrice et d’animatrice qu’occupait ma mère.
J’ai bien vite compris qu’il n’y avait que ma mère, hors normes, qui pouvait faire ça, traiter tous les gosses comme une grande famille XXL qui allait du nourrisson au jeune adulte de 21 ans, et leur donner autant d’amour en les traitant comme ses propres enfants.
En devenant moi-même mère de mes propres enfants, j’ai bien compris que je ne pourrais pas remplacer ma mère pour toujours : je n’avais pas son dévouement et son abnégation. C’est tuant. Il faut être en permanence disponible et être sur tous les fronts. J’ai fait ça quelques années, mais je n’aurais pas pu tenir dans la durée.
Surtout, je souhaitais pouvoir prendre soin de mes propres enfants, les voir grandir et m’occuper pleinement d’eux. Sur la période où j’ai tenu la maison, j’ai été plus absente pour eux que je ne l’aurais souhaité.
Cela vous donne idée de l’ampleur de la tâche, que de s’occuper des dizaines d’enfants de la grande famille qu’avait constitué ma mère. »
Laeticia Calvez continuera à être impliquée dans la sauvegarde de l’enfance en général et prendra soin d’autres enfants en intégrant d’autres structures, mais elle continuera également à veiller sur l’héritage et la mémoire de sa mère, revenant rendre visite à la Maison d’Enfance et participant activement aux évènements qui rendent hommage à son action.
Une autre des filles d’Antoinette, Marie-Luce Graziani dit « Cornélie », qui fut présente dès le début de la création de la maison d’enfants et une des premières animatrices dès les années 1960, continuera à travailler au sein de la maison toute sa vie, jusqu’à son décès en 2004.
Lorsque la Maison d’enfant était encore active, côté service administratif, à l’entrée, une plaque commémorative à son effigie était installée à en l’honneur de cette femme volontaire et humble qui, dans l’esprit des valeurs de sa mère Antoinette, fut une figure charismatique dévouée aux enfants.
Les enfants qui ont connu sa générosité lui rendront encore une fois hommage pour les 40 ans de sa disparition, le 27 Juin 2011, en se réunissant à Monéo, là où elle avait été enterrée. Une cinquantaine d’anciens pensionnaires parleront de celle qu’ils appellent affectueusement « la grand-mère » et du vécu qu’ils ont eu avec elle, élevés dans une grande famille, comme Jean-Yves Malejac, alors membre du conseil d’administration de l’Association pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (la même association qui avait soutenu Antoinette Kabar dans les années 1950 – 1960), qui disait :
« Le plus important dans une famille, ce ne sont pas les liens du sang, mais ceux du cœur ».
Hélas pour l’héritage qu’avait laissé derrière elle Antoinette Kabar, en 2019 faute de financement, la Maison Antoinette Kabar finit par fermer, laissant derrière elle un grand vide : Poindimié et la côte Est se retrouvent sans structure d’accueil pour les jeunes enfants et les femmes en difficulté.
Une bien triste conclusion, après tant d’efforts et tant d’années.
Parmi les hommages qui ont pu lui être rendus, l’un, du temps où la Maison Antoinette Kabar était encore en service est particulièrement parlant :
« En empruntant la route qui longe la Mairie de Poindimié, sur son flanc gauche, le voyageur passera obligatoirement devant le centre d’enfants de la Sauvegarde de l’Enfance et se demandera sans doute en lisant la façade : « MAISON FAMILIALE ANTOINETTE KABAR » – Qui était cette Femme ? »
Si la Maison Antoinette Kabar a aujourd’hui cessé d’exister, l’impact de l’action de cette grande femme, Antoinette Sautron, qui a su faire don d’elle-même et de tout ce qu’elle avait à donner pour toute une génération d’enfants qu’elle a su remettre sur le droit chemin avec tendresse et amour quitte à s’en ruiner la santé, est plus que significatif : Antoinette elle-même a su prendre soin de dizaines si ce n’est de centaines d’enfants tout au long des 26 ans de dévouement qu’elle aura accordé aux enfants qui passaient par l’internat puis par sa maison, tandis que la maison qu’elle laissera en héritage aura fonctionné presque 50 ans après sa mort, de 1971 à 2019, avec certains de ses enfants continuant à contribuer à son œuvre, comme Laeticia Calvez qui aura tenu la maison pendant plusieurs années, ou Marie-Luce Graziani qui aura été animatrice au sein de la maison toute sa vie jusqu’à son décès en 2004.
Cette grande femme, qui a su se donner sans compter pour les enfants méritait bien un hommage.
Notons qu’en lien avec les souhaits exprimés par sa famille, ceux-ci souhaitent se rappeler d’Antoinette avec son nom de jeune fille : Antoinette Sautron, nom qu’ils préféreraient voir figurer sur tout hommage à celle qui fut « La vieille Nenette ».
Sources :
- « Histoire de la commune de Poindimié depuis 1945 », De Anne Audoin-Berode, Les élèves de la 3ème année de l’A.L.E.P. de Poindimie, C.T.R.D.P., années 1980 (pas de date précise inscrite sur la publication).
- La France Australe, éditions des années 1960 – 1970, Fonds 7J (7J337 et 7J359)– La Presse Calédonienne – Service des archives de la Nouvelle-Calédonie
- Les Nouvelles-Calédoniennes, éditions des années 2011 et 2020, 4Num 15 Fonds LNC Numérique – Service des archives de la Nouvelle-Calédonie
- Sud Pacific, n°147 du 10 Juin 1966, Fonds 7J (7J425)– La Presse Calédonienne – Service des archives de la Nouvelle-Calédonie
- Collection d’archives personnelle de José Toujas et Eliane Cazautet
- Collection d’archives personnelle de Laeticia Calvez
- Avec l’aimable participation de José Toujas et Eliane Cazautet qui ont accepté de nous accorder un entretien, de nous raconter des anecdotes et de nous retrouver des archives familiales, merci à eux !
- Avec l’aimable participation de Laeticia Calvez, qui a accepté de nous accorder un entretien et de nous autoriser à accéder à ses archives personnelles, merci à elle !