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Berthe Kitazawa-Fouque

Berthe Rosalie Kitazawa-Fouque, née Fouque a une histoire tout à fait singulière, du type d’histoire qui inscrit les histoires personnelles dans le cadre de l’Histoire avec un grand H. Née d’une mère japonaise et d’un père français, ancien officier de marine installé au Japon en 1870, elle reçoit une éducation soignée à l’école impériale.


En 1911, elle épouse un ingénieur japonais, Eijo Kitazawa, avec lequel elle aura cinq enfants. Elle ne le sait pas encore à ce moment-là, mais un an avant, la roue du destin a déjà commencé à tourner : son frère, Robert Fouque, est entré en contact en 1910 avec l’industrie du nickel Calédonien. La Société des Hauts-Fourneaux de Ballande cherchait alors à négocier des contrats de recrutements d’ouvriers japonais, et à commencer à traiter avec Robert.

Pleinement investi dans ce business, Robert Fouque s’installe alors en 1913 à Nouméa, et a de grandes ambitions, notamment celle de faire de la Nouvelle-Calédonie une terre d’accueil pour les Japonais qui souhaiteraient s’y installer.

Il décide également de se lancer dans la grande aventure minière Calédonienne.

Dans la même période, en 1911, un accord entre les gouvernements français et japonais donne aux travailleurs immigrés japonais les mêmes droits que les Européens sur l’île, ce qui en fait une communauté unique à l’époque : les Japonais sont de fait les seuls non-Européens à disposer d’un statut aussi favorable !

Toutefois le destin contrarie les rêves de Robert : contraint à revenir au Japon en 1916, la famille Fouque est touchée par une vague de décès, tandis que le climat des affaires devient difficile après 1920, entre un krach boursier japonais, la chute des cours du nickel et des grosses difficultés de rentabilités. Ses difficultés financières sont sérieuses.

Au bord du gouffre financier, il n’aura pas l’occasion de remonter la pente : une épidémie l’emporte en 1931.

C’est donc en 1931 que Berthe Kitazawa-Fouque entre en scène : elle devient gérante des biens de son frère Robert, y compris ses mines à Poro et Goro ainsi que la société minière qu’il avait fondé en Nouvelle-Calédonie en 1913.

Dirigeant d’abord le business familial à distance, en 1938, elle s’installe à Nouméa, accompagnée de trois de ses enfants afin de directement prendre les choses en main. Dotée d’un sens des affaires aigu et d’une grande capacité à sociabiliser, elle ne tarde pas à fonder la société Franco-Nikko-Calédonienne, tandis qu’elle reçoit les cercles importants de Nouméa dans son salon.

Dans le milieu très masculin de la mine, et à une époque où peu de femmes de pouvoir sont présentes en Nouvelle-Calédonie, sa présence détonne et aiguise la fascination et la méfiance chez les puissants et les nantis du Territoire, le tout épicé d’un contexte international romanesque : elle est attentivement surveillée par les autorités de la Colonie.

Issue d’un milieu aisé, très cultivée, et parlant couramment japonais, français et anglais, tout en bénéficiant de réseaux relationnels puissants tant au Japon qu’en Nouvelle-Calédonie, sa capacité d’influence est importante. Elle se permet même de créer sa propre voie et de faire parler ses intérêts propres et ceux de sa société devant ceux favorisés par le gouvernement Japonais comme en témoigne ses oppositions avec Akira Séo, un concurrent Nippon beaucoup plus inféodé à l’Empire du soleil levant.

Mais l’approche de la guerre va provoquer un terrible coup de marteau de la part du destin. Déjà auditionnée en août 1941 par le renseignement français, occasion qu’elle avait habilement utilisée pour discréditer ses concurrents japonais, elle est finalement arrêtée en Décembre 1941, après l’attaque de Pearl Harbor.

A nouveau, preuve de son caractère unique, elle sera la seule femme japonaise à être internée sur l’îlot Freycinet alors que les autres japonaises seront retenues à Nouville. Par la suite, son destin se mêle au reste des 1100 Japonais qui ont été déportés de la Nouvelle-Calédonie vers l’Australie : elle embarque le 19 Décembre 1941, avec son fils et ses deux filles et l’une des petites filles, sur le Cap des Palmes, puis après 1945, les Japonais sont redirigés vers le Japon.

Berthe Rosalie Kitazawa-Fouque ne reviendra jamais en Nouvelle-Calédonie, mais sa fille Kay (Catherine-Kazuko) et sa petite-fille Jacqueline finissent par revenir sur le Territoire en 1954. Jacqueline finira par se marier au cours des années 1960, et une partie des descendants de la famille Kitazawa vit encore aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie.


Sources : 

  • « La présence japonaise en Nouvelle-Calédonie (1890-1960). Les relations économiques entre le Japon et la Nouvelle-Calédonie à travers l’immigration et l’industrie minière » – Philippe Palombo, 2002
  • « Robert Charles Fouque (1887-1931), un médiateur franco-japonais en Nouvelle-Calédonie, », Chad Denton, traduit par Eun Churl Kim, Bulletin d’Etudes Historiques de la Nouvelle-Calédonie, n°175 (2ème trimestre 2013)
  • 34 W 20, Fiche de Berthe Kitazawa-Fouque, Service des Archives de la Nouvelle-Calédonie
  • « Femmes au cœur du conflit, Nouvelle-Calédonie 1939 – 1945 » – Musée de la Seconde Guerre Mondiale en Nouvelle-Calédonie, Ouvrage collectif sous la direction de Véronique Defrance, Fanny Pascual et Blandine Petit-Quencez, 2015
  •  Brochure du site du cercle des musées de Nouméa


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