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Denise Bray

Maximilienne Denise Tuband épouse à Nouméa Gérald Bray à la veille de la Grande Guerre, le 22 août 1914. Si Denise était préparée à être une bonne épouse, elle ne se doutait certainement pas que son mari l’embarquerait dans une grande aventure loin de la capitale, qui l’amènerait à dévoiler des grandes qualités de gestionnaire et d’organisatrice.

Au début de leur mariage, le couple Bray habite à Nouméa, à l’angle entre la rue de l’Alma et la rue Georges Clémenceau, dans une maison proche de la Société La Havraise, société où travaille Gérald. Dans ces premiers temps, Denise met à bien ses talents en termes de confection de vêtements et fabrique des corsets pour les belles dames de la ville.

Par la suite, un des amis de Gérald Bray, M. Garcia le débauche de la Société La Havraise et lui fait obtenir un nouvel emploi aux Messageries Automobiles, une société qui assurait à l’époque la liaison des passagers et le transport de courrier de Nouméa vers l’intérieur de la Nouvelle-Calédonie (la Brousse). Dans chaque village important existait un relais où l’autocar effectuait une halte.

C’est ainsi qu’en 1930, Gérald et Denise Bray prennent en gérance l’Hôtel du Garage à Moindou qui appartenait alors aux Messageries Automobiles. Une fois arrivés, Gérald s’attaque à la construction d’une « pétrolette », avec l’aide de sa femme et de ses filles. Les habitants du village les plus moqueurs ironisent alors et le traitent de « bon à rien ». Contre mauvaise fortune bon cœur, lorsque la pétrolette est mise à l’eau, celle-ci navigue parfaitement, et a été renommée en « l’honneur » des moqueurs, « LESDIRE ».

L’Hôtel du Garage, pris en gérance par Gérald et Denise Bray deviendra l’Hôtel Bray après que ceux-ci en soient devenus propriétaires. Denise Bray est partout : la qualité de sa table est réputée parmi les amateurs de fruits de mer et de bonne cuisine, tandis que c’est elle qui gère au quotidien l’organisation et la logistique de leur établissement.

Femme d’une incroyable vitalité, elle dirige un personnel nombreux pour orchestrer la bonne marche de sa maison qui vit presque en auto-suffisance : jardin, pêche, troupeau de chèvre, mais aussi « LESDIRE », la pétrolette de son époux qui permet de ravitailler l’hôtel en produit de la mer frais avec des langoustes, tortues et vaches marines ! (Leur pêche était autorisée à l’époque).

Durant la Seconde Guerre Mondiale, l’établissement sera fréquenté par les GI Américains, qui vont jusqu’à demander des réservations à l’aide de messages envoyés en parachute grâce à l’avion basé à Ouatom, c’est dire le succès de l’établissement.

C’est d’ailleurs l’occasion de parler de son rôle au cours du conflit. Si les Américains ont débarqué en mars 1942 en Nouvelle-Calédonie, Denise Bray se faisait remarquer dès 1939, comme nous l’indiquent Luc Chevalier et Jean-Claude-Féval dans leur ouvrage « Les armées en Nouvelle-Calédonie de 1853 à 1939 », en nous relatant l’épisode du moment de la mobilisation générale :

« […] Des véhicules de toutes sortes, cars, camions, camionnettes, voitures particulières venant de brousse et chargés de mobilisés s’arrêtaient devant les grilles et déversaient leur chargement humain sous les applaudissements de la foule.

Parmi ces voitures descendues de la Brousse, la camionnette de Madame BRAY, la première femme à avoir passé son permis de conduire automobile depuis des décennies… Elle arrivait de Moindou avec une dizaine d’hommes dans la petite benne.

Madame BRAY descendit de la voiture, déploya un grand drapeau tricolore. La Marseillaise reprise par des centaines et des centaines de voix émues s’acheva par des salves interminables d’applaudissements… »

Cet épisode nous en apprend beaucoup sur le caractère aventureux de Denise. Les femmes en Nouvelle-Calédonie n’étaient pas nombreuses à avoir obtenu le permis de conduire à cette époque. D’autres anecdotes abondent dans le même sens.

Ses talents de conduites ont été mis à contribution à bien d’autres reprises, et Denise Bray aura même fait du transport de passagers sur Téremba, La Foa, la tribu de Moméa et jusqu’à la tribu de Ouaoué (Bourail), et sur des véhicules de taille imposante pour l’époque, des camions Studebaker ou Dodge !

Mais ce n’est pas tout : ainsi du côté Fayard de la famille on nous explique qu’elle montait à cheval et faisait le tour de la propriété, ou encore qu’elle pilotait elle-même la fameuse pétrolette familiale. Elle profitait également de faire visiter aux gens de passage les champs de café cultivés sur la propriété Bray.

Toujours dans les anecdotes bien connues, Mme Bray aurait donné des cours de conduite à certains habitants de la commune, qui se rappellent encore de leurs premières leçons de conduite avec cette dame au caractère bien trempé !

Mais quelques années après la guerre malheureusement, le drame viendra frapper Denise Bray, lui enlevant son mari. Après la mort de Gérard en 1948, Denise Bray continuera d’être la figure de proue de l’hôtel, et tiendra l’établissement pendant plus de deux décennies, jusqu’en 1971, date où elle décèdera à son tour.

Durant les 23 années qui suivent elle gérera quasiment seule l’établissement, sauf dans ses dernières années où ses enfants et petits-enfants l’aideront de plus en plus à tenir la boutique, notamment Jacques et Marie-Josée Fayard, ses petits-enfants, mais aussi Yvonne Bray, sa fille, ainsi que son mari Robert Burck, enseignant dans la région.

Représentative de toute une génération de femmes de brousse pionnières, débrouillardes, mères de famille inspirantes, Denise Bray aura su rester dans les mémoires des habitants de la commune de Moindou et de ceux qui auront fréquenté l’Hôtel Bray.

Après 1971, l’Hôtel Bray sera encore tenu quelques années par le couple Burck, mais le destin viendra les frapper cruellement en 1976, en les emportant à la suite d’un accident de la route à Ouatom (La Foa).

Cette tragédie viendra marquer la fin pour un temps de l’Hôtel Bray, qui ne sera plus un établissement public mais restera une propriété familiale, de 1976 jusqu’en 2000, date à laquelle Marie-Josée Fayard décidera de reprendre l’héritage familial et redonner des couleurs à l’établissement, dans la droite lignée de l’établissement hôtelier que tenaient ses grands-parents Gérald et Denise Bray.

Aujourd’hui devenue l’Auberge Historique de Moindou, l’établissement accueille, comme à l’époque, les visiteurs de passages et les touristes curieux de la région.

De leurs 3 filles qui auront atteint l’âge adulte, Jeanne (1915 – 2013), Edmée (1916 – 1998), et Yvonne (1919 – 1976, sans postérité), la famille Bray-Tuband aura de nombreux petits-enfants et arrières petits-enfants aux noms parfois bien connus : Tournier, Streiff, Boyer, Giesecke, Fayard…


Sources : 

  • « Moindou, aux origines de l’arrondissement d’Ourail 1871-1942 » – Jerry Delathière, 2018
  • Site internet de l’Auberge Historique de Moindou
  • « Les armées en Nouvelle-Calédonie de 1853 à 1939 » – Luc Chevalier et Jean-Claude Féval, 1989 
  • Avec l’aimable participation des descendants de la Famille Bray : Marie-Josée et Jacques Fayard qui ont bien voulu témoigner et rendre hommage à leur grand-mère pleine de ressources.
  • Un grand merci à Marina Minocchi pour son aide pour retracer une partie du parcours de Denise Bray

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