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Mamie Fogliani (Éliane Obry)

Eliane Obry est née à Poindimié le 30 Avril 1939. Enfant métis d’une union entre un papa typé européen de Poindimié et d’une maman Kanak de la tribu d’Amoa à Poindimié, elle est élevée dans une Nouvelle-Calédonie rurale encore très rude, à la tribu d’Ina, dans la Brousse d’antan, et connaît alors une jeunesse qui n’est pas de tout repos : tous les jours pour aller à l’école elle doit parcourir à pied plus de 3 kilomètres depuis la maison.

À peine le certificat d’études primaires en poche à 13 ans, elle doit travailler très dur pour aider la famille à cultiver le café.

En 1955, alors qu’elle a 16 ans, elle voit comme une chance son mariage avec Henri Fogliani, qui lui permet d’améliorer son quotidien et d’accomplir son plus grand rêve: femme au grand cœur elle a toujours rêvé d’avoir des bébés et de leur donner tout son amour.

De ce premier lit, Eliane Fogliani aura 7 enfants. Le couple Fogliani vivra ensemble à Poindimié jusqu’en 1963, date à laquelle le destin leur sourira plus au sud, le magasin Lenez de La Foa ayant alors besoin de gérants et de commerçants, fonction que le couple Fogliani occupera plusieurs années durant.

En 1979, celle qu’on appelle déjà « Mamie Fogliani » change de commune et se déplace de La Foa à Farino. Les deux communes étant proches, cela permet à Eliane de continuer l’activité qu’elle a commencé après la période du magasin Lenez, car elle est entretemps devenue cuisinière-lingère à l’école des sœurs
Notre Dame de La Foa. Avant de devenir lingère en 1982 à l’internat de La Foa. Des fonctions qu’elle occupera jusqu’à l’époque de la retraite.

Eternelle travailleuse, amoureuse de la bonne chère, à l’aube de la retraite, Eliane a l’habitude de parcourir le coin : La Foa, Farino, Sarraméa. Elle connaît bien la région et ses habitants, les gens des villages, mais aussi des tribus, et la variété de produits frais que chacun produit de son côté, des richesses qui sont volontiers partagées, mais sont trop souvent enclavées dans leur voisinage proche.

Ainsi en 1987, elle prend l’initiative qui va la faire connaître et lance alors le Marché de Farino. Les débuts sont modestes : le premier marché de Farino ne compte alors que 7 stands. Malgré tout, le succès est immédiat, et les gens des environs affluent dès la première édition. Rapidement, Eliane Fogliani parvient à fédérer autour d’elle : non seulement elle a le soutien de ses proches et de sa famille dans les premiers temps de la mise en place du marché, comme sa fille Ghislaine, future maire de Farino, mais elle parvient également à convaincre des grandes figures et édiles locaux de participer à l’initiative.

Ainsi dans les premiers à aider au développement du marché dans les années 1987 – 1989, on peut souligner la participation de Philippe Euritein alors président de marché de Bâ (Houaïlou) et vice-président de marché de Farino, ainsi que les maires de Farino et La Foa d’alors.

Tout ce petit monde s’organise pour parvenir à mettre au point une logistique permettant aux participants sans moyens de locomotion de venir se rendre au marché, avec les marchandises acheminées par camions de transports communaux pour aller chercher les gens à Sarraméa, La Foa ou encore à Houaïlou.

Sur ces premiers temps, la fille de mamie Fogliani, Ghislaine Arlie nous donne un aperçu du foisonnement et de l’organisation de cette époque : « Chacun amenait ses produits : les Européens amenaient plutôt des confitures et produits locaux, les Kanaks des produits vivriers, notamment des cocos. Les gens venaient de partout : de Nouméa, des tribus, des villages alentours. Tout le monde avait l’esprit de partage et les participants mangeaient ensemble les plats qu’on pouvait faire sur place, comme des bougnas bien chargés »

La table d’hôte s’est imposée comme une évidence : Mamie avait un sens de l’hospitalité naturel, et bien souvent, elle invitait les gens qui venaient participer au Marché de Farino. « Venez manger à la maison », et on se retrouvait avec 20 ou 25 convives pour casser la croûte au domicile familial de Mamie Fogliani !
Eliane Obry, épouse Fogliani, insistait pour que ce soit gratuit, mais les gens invités étaient gênés de manger sans avoir pu participer, aussi ils profitaient de donner discrètement de l’argent à ses enfants quand elle ne regardait pas. Les invités payaient pour sa cuisine, qu’elle le veuille ou non : forte de ce constat, Mamie Fogliani s’est alors résolue à ouvrir une table d’hôte.

C’est donc en 1989 qu’Eliane Fogliani prend sa patente et ouvre sa table d’hôte. Ici aussi, les débuts sont modestes : l’établissement commence avec 4 tables qui permettent d’accueillir une quinzaine de couverts. Mamie Fogliani mobilise l’ensemble de ses enfants dans l’aventure, et autant de petites mains qui permettent de gérer une logistique aux petits oignons : lever au petit jour bien avant le soleil, et travail aux fourneaux pour s’assurer que tout soit prêt.

Il faut dire que le succès est au rendez-vous : la réputation de Mamie Fogliani atteint à présent tout la Calédonie, et la table de désemplit pas, bien au contraire. Ainsi pour satisfaire tout ce beau monde, on retrouve les fruits et les légumes, cultivés à la maison par Mamie et ses enfants, mais aussi le cerf et le cochon sauvage ramenés par son compagnon et Nils (un de ses fils), tandis que les produits de la mer, poissons et crabes sont pêchés par Glenn (un autre de ses fils) et qu’elle est aussi aidée pour tout ce qui est charcuterie (notamment du saucisson de cerf) … et oui, encore un de ses fils, Christian !

En cuisine aussi, les enfants répondent présent nous indique encore Ghislaine « tous les enfants donnaient la main à la table d’hôte. Il faut dire que dans la fratrie, deux de nos frères et une de nos sœurs sont cuistots de métier, dignes héritiers de Mamie qui était vraiment une bonne cuisinière ! »

Et il faut croire qu’il n’y a pas que sa famille qui pense comme ça. Le succès de la table d’hôte prend une ampleur inattendue : en 1995, l’établissement prend une autre dimension et de grands travaux d’agrandissement ont lieu – on passe alors de 25 à 100 couverts, tout équipé afin de pouvoir suivre le succès qui accompagne le Marché de Farino, comme la table d’hôte de Mamie Fogliani. Si elle est aidée par l’ensemble de sa famille et qu’elle surfe sur le succès, le crédit en revient avant tout à la forte personnalité de mamie, telle une chef d’orchestre, c’est elle qui est aux commandes de tout : elle gère le personnel, la qualité des produits, les menus, la logistique… Mamie Fogliani est partout. Elle s’occupe même de la publicité !

Dans un reportage de NC1ère de 2018, l’aîné de la famille, Henri-Luc nous donne un aperçu de ce côté hyperactif et organisateur de la part de Mamie : « […] Pis alors ! Mamie elle est comme ça, mais elle aimait se mettre en avant, Mamie toujours ! Elle affrontait ! Elle affrontait les caméras, elle affrontait tout hein ! Mamie se battait pour les prix, elle voulait pas, elle passait dans les stands elle disait « non, non c’est trop cher, il faut baisser les prix. » Je me souviens même qu’il y avait des dames dans les marchés elles avaient deux prix : un prix quand mamie elle passait et quand mamie elle partait ! Bah c’était pas le même prix ! »

Et de rajouter : « Le marché c’est tout pour elle, c’est sa mémoire ! Elle va toujours faire quelque chose, se renseigner, téléphoner, demander à sa fille Ghislaine si tout va bien, vérifier que la pub a marché ! […] Elle peut pas ralentir, c’est plus fort qu’elle ! »

Eternelle passionnée, elle publie aussi des livres de recettes, intitulés simplement « Recettes Calédoniennes de Mamie Fogliani ». On y retrouve les recettes qui ont fait son succès, par exemple dans le tome 1 « 57 recettes de viandes et volailles, […] cerf ou gadin (13 recettes), la roussette (7 recettes), le cochon sauvage ou poca (7 recettes), le ver de bancoule ou wattias (4 recettes) […] ». D’ailleurs, en plus du Marché de Farino, Mamie lancera aussi la fête du ver de bancoule, organisée en septembre tous les ans.

Là aussi, c’est une histoire de famille : non seulement ses enfants partent dans la forêt à la recherche des bancouliers pour préparer la fête, mais Mamie crapahutait aussi dans la brousse. Elle explique elle-même qu’elle a eu l’idée en retournant voir son frère à Poindimié, qui lui a dit de faire une fête des « wattias », nom du ver de bancoule en langue kanak de Poindimié, pour attirer les curieux. Elle se rappelle du succès de la fête : 5000 personnes présentes à Farino !

Le Marché de Farino aura bien évolué au cours du temps : des sept stands originaux qui composaient le marché en 1987, en 2020 on décomptait quatre-vingt exposants !

La success story se poursuivra pendant plusieurs décennies. Une vraie synergie s’est établie entre Mamie Fogliani et le Marché de Farino, qui se font rayonner mutuellement. Cette aventure transforme Farino en un vrai bijou touristique, et grâce à elle la commune de Farino est devenue plus ouverte aux gens de l’extérieur. Toutes les histoires, même les meilleures ont malheureusement une fin. Eliane Obry épouse Fogliani s’est éteinte le 1er Août 2020.

Et si sa table d’hôte n’a pas survécu au départ de sa fondatrice, Mamie Fogliani aura marqué les gens par sa gentillesse, son fort caractère, son amour, sa générosité et sa passion pour les produits du terroir et la bonne chère. Avec ses racines riches et profondes dans la brousse calédonienne, elle aura su largement fédérer autour d’elle, et incarner l’esprit de partage de notre Caillou.

Mamie laisse aussi en héritage au Territoire une descendance nombreuse : Interrogée par l’émission «Wéari » en 2016 elle déclarait fièrement « j’ai 80 petits-enfants, et une vingtaine d’arrière-petits-enfants ! ». Débordante de gentillesse et d’amour pour eux, ils auront égayé les dernières années d’Eliane Obry, qui aura su apprécier sa vie et continuer à trouver des petits plaisirs jusqu’à la fin. Mamie Fogliani aura un peu été la Mamie de tous les Calédoniens, et pour tout ce qu’elle a pu accomplir, elle méritait bien un portrait qui lui rendait hommage !


Sources : 



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