Brigitte Hardel
Brigitte Hardel (1960) La Flying Brigitte de Nouvelle-Calédonie
Brigitte Hardel est née à Nouméa. Elle grandit dans les quartiers de Magenta et de Vallée des Colons où elle habitera successivement chez ses parents et un temps chez sa grand-mère.
Elle commence le sport jeune, en catégorie Minime, à l’âge de 11-12 ans, lorsqu’elle est en 6ème au Collège Saint-Joseph de Cluny. Elle est à cet âge déjà une véritable pile électrique.. Elle aime tous les sports et touche alors un peu à tout, mais bien vite, elle est découverte par Alain Aresky, un grand nom de l’athlétisme calédonien, qui voit les talents de Brigitte et son potentiel.
Elle ne s’arrêtera plus de courir.
En quelques années, parallèlement à sa scolarité, Brigitte s’entraîne dur et progresse. Et sans surprise, elle va bien vite se mettre à briller : dès 1974, elle part pour les championnats de France d’athlétisme en tant que cadette.
Plus qu’une discipline, l’athlétisme est, en fait, constitué de nombreuses épreuves spécifiques et chacun a ses préférées et celles qu’il redoute. Dans le cas de Brigitte Hardel, ses épreuves favorites sont le 200 mètre et le saut en longueur, tandis qu’elle n’aimait pas dépasser le 400 mètre.
« Il ne fallait pas me demander de courir le 800 mètre ! »
À l’époque, en tant que cadette, elle commence sur du sprint, d’abord au 80m et au 100m, mais aussi au 150 m et 200 m, puis au 90 m et au 110 m haies.
Lors des championnats de France, alors qu’elle n’a pas encore 14 ans, elle décroche un podium à l’échelon national en remportant la médaille d’argent sur l’épreuve du 150m en moins de 20 secondes (19’1).
Et ce n’est que le début !
Peu de temps après, Brigitte est sélectionnée pour ses premiers Jeux du Pacifique à Guam en 1975.
Elle déclare :
« Les jeux du Pacifique m’ont fait découvrir les pays de la zone.
Cela m’a permis de découvrir leur culture, leur façon de vivre, mais aussi, je tiens à le souligner, la pauvreté des pays indépendants : ça m’a marqué, on venait nous vendre les morceaux de canne à sucre et la cigarette à l’unité.
Les gens n’avaient pas forcément de travail, et se débrouillaient comme ils le pouvaient. L’argent donné était rapidement rangé afin de ne pas attirer les convoitises ou la jalousie.
Bien sûr, cela m’a aussi permis de découvrir des aspects plus positifs, j’ai connu d’autres cultures et d’autres façons de vivre, mais j’ai surtout réalisé à quel point nous, Calédoniens nous étions chanceux d’être dans un pays où nous vivions bien : nous vivions ensemble en paix, nous n’étions pas si pauvres et nous étions en bonne santé, nous aussi riches de nos différentes cultures, et nous mangions à notre faim. »
Pourtant, les conditions d’accueil des Jeux du Pacifique étaient souvent spartiates : Brigitte se rappelle que les athlètes dormaient sur des lits Picots, sans confort (des lits militaires sans matelas), tandis que leurs entraîneurs allaient faire les courses en ville afin de pouvoir équilibrer leurs repas avec des légumes, des œufs, de la viande et du poisson.
En effet, les repas fournis sur place étaient riches en féculents, avec du manioc et du taro, ce qui pouvait amener le risque d’être constipé à force. Ce qui aurait été dommage pour une participation aux Jeux du Pacifique.
« On ne se plaignait pas à l’époque. C’était comme ça, il fallait faire avec et avancer. C’est tout. »
La cohésion était au rendez-vous le dimanche lorsque les calédoniens retrouvaient pour faire des pique-niques. Tandis que les permissions, souvent une demi-journée, leur permettaient de découvrir les pays.
« Tout était une découverte. On en prenait plein les yeux » se rappelle Brigitte Hardel : les différentes cultures du Pacifique, l’Histoire passée et récente, ou encore les plantes, avec des orchidées qui n’existaient alors pas en Nouvelle-Calédonie.
Aux mini-jeux du Pacifique de Honiara (Salomon) de 1981 par exemple, elle a pu visiter le Musée de Guadalcanal, et voir les arbres qui portaient encore les traces des combats de la guerre
Et le dépaysement alors ?
« Après les Jeux du Pacifique ou les Championnats de France, t’es content de rentrer chez toi quand même. »
D’ailleurs en parlant des épreuves sportives en France, Brigitte nous indique qu’elle avait encore moins le temps de visiter la métropole : il fallait enchaîner les voyages en train pour se rendre aux différentes épreuves des championnats à Paris, Bordeaux, Lille….
À l’époque, on lui a proposé de rester en France afin de s’entraîner au niveau national, mais Brigitte a refusé, souhaitant rester auprès de sa famille et de ses racines.
Avec le recul, elle nous dit que si elle était jeune aujourd’hui elle saisirait sa chance sans hésiter : à l’époque Brigitte a refusé, car les réseaux sociaux n’existaient pas et la signification de la distance était bien différente. Les appels téléphoniques en France ou à l’étranger étaient rares et coûtaient cher et pour communiquer en s’envoyant des lettres, il fallait avoir de la patience.
« Flying Brigitte » (un de ses nombreux surnoms) ajoute d’ailleurs à ce sujet :
« Le sport m’a beaucoup donné, j’ai découvert plein de choses. Ça forge le caractère. »
Revenant sur son enfance, elle nous indique qu’elle a beaucoup vécu avec sa grand-mère à Vallée des Colons vers l’âge de 9-10 ans lorsque ses parents sont partis habiter à Magenta. Cette séquence avec sa grand-mère, sans ses parents lui donnera un petit peu d’indépendance et de sens des responsabilités, ce qui lui donnera quelques difficultés lorsqu’elle reviendra vivre avec ses parents avec son caractère qui se forgeait déjà.
Concernant sa scolarité, elle nous le dit sans hésitation : « Je ne peux pas dire que j’ai été loin, je me suis arrêtée au CAP ETC (Employé technique de Collectivité) ».
En réalité, il ne s’agissait pas de son premier choix. Brigitte Hardel s’est rabattue sur cette option par défaut, victime d’une société encore peu ouverte à l’idée de laisser les femmes travailler sur « des métiers d’hommes ». En effet elle déclare :
« Au départ, je voulais faire CAP de Menuiserie, parce que mon père était menuisier. J’aimais le bois, le travail du bois. Mais comme on nous le disait à l’époque : ce n’est pas un métier de femme.
Pourtant je n’ai jamais vraiment arrêté, je suis bricoleuse, j’ai des outils, et aujourd’hui encore je bricole le bois à mes heures perdues, même si elles sont peu nombreuses »
Avec son diplôme d’Employé technique de Collectivité et parallèlement à sa riche carrière sportive, Brigitte entre dans la vie active à partir de 1981, à l’âge de 21 ans. Elle est alors femme de ménage à l’Hôpital.
Entre-temps Brigitte est devenue une athlète adulte et confirmée dans sa discipline. Aux IVème Jeux du Pacifique à Guam en 1975, elle avait décroché 3 médailles, dont l’or sur le 400 m. L’année suivante, en 1976, aux Championnats de France à Colombes elle établit un record calédonien dans 3 catégories (cadette, junior et senior) à 24’60 qui tiendra plus de 35 ans, tandis qu’elle appose aussi sa marque en heptathlon catégorie junior et chez les seniors dans plus de 7 catégories (400 m, saut en longueur, heptathlon…).
Au second championnat d’athlétisme du Pacifique sud à Papeete en 1978, Brigitte Hardel remporte la médaille d’or du 110 mètres haies, établissant par la même occasion un nouveau record de Calédonie.
L’année suivante, en 1979 les Jeux du Pacifique se tiennent à Suva (Fidji). À cette occasion, Brigitte ne manquera pas de marquer les esprits : en équipe, avec une médaille d’or au 4×100 m avec ses camarades L. Napoléon, O. Mevin et K. Farrugia et une médaille d’argent au 4×400 m avec G. Moutry, K. Parage et O. Mevin, mais aussi en individuel.
Ainsi elle rafle l’or aux épreuves du 100 m, 200 m et 400 m et obtient l’argent aux épreuves des haies, face à une Myriama Chambault déchaînée qui décroche l’or.
Tout au long des années 1980, Brigitte Hardel continuera à représenter fièrement la Nouvelle-Calédonie et à faire de la compétition à haut niveau.
Après les jeux d’Apia (Samoa) en 1983, c’est en 1987 que Brigitte va encore marquer l’histoire du sport calédonien. Les Jeux du Pacifique reviennent à Nouméa pour les VIIIème jeux : à nouveau, elle obtient des médailles dans les épreuves individuelles des haies, du 200 m, du 400 m, du 400 m haies ou encore du saut en longueur, tandis qu’elle porte ses camarades dans les épreuves de groupe pour aller chercher l’or à la fois pour le 4×100 m avec L. Uedre, C. Martin et G. Saint-Prix, mais aussi pour le 4×400 m avec C. Uedre, P. Rouby et V. Becker.
Sa flamme brille plus fort que jamais, mais la longévité d’une carrière sportive est difficile à maintenir, et le haut niveau ne pardonne rien. Ces Jeux du Pacifique à Nouméa lui ont permis de tout donner et de se dépasser comme jamais, en plus à domicile.
Après la consécration de ces VIIIème Jeux du Pacifique, Brigitte veut continuer d’évoluer dans sa carrière professionnelle.
Jusqu’à la fin des années 80, elle combine sport de haut niveau et travail éreintant. Cela atteint son apogée quand et Brigitte entre à l’école d’Aide-soignante vers 1986 – 1987, après 5 ans passés à exercer à la fois son activité de femme de ménage et pratiquer le sport de haut niveau entre 1981 et 1986.
Les choses vont aller naturellement. Après avoir obtenu le diplôme d’aide-soignante, Brigitte travaille au dispensaire de Bourail à partir de 1989. En brousse, il n’y a pas de Stade Numa Daly ni les infrastructures permettant de continuer à s’entraîner à haut niveau.
De plus ses responsabilités au sein du dispensaire sont importantes, il n’y a que deux aides-soignantes à cette époque au dispensaire de Bourail. Elle n’est pas donc pas très disponible
Le temps faisant à présent défaut, Brigitte quitte petit à petit le monde de l’athlétisme, mais continue toutefois à y faire des apparitions. Ainsi, elle est contactée pour les Jeux de Tahiti en 1995 et convaincue de sortir de sa retraite sportive, rejoint à nouveau la sélection Calédonienne pour l’occasion.
Mais pour elle, les années 1990 marquent définitivement une autre époque. L’évolution professionnelle s’accompagne de l’entrée dans le monde bénévole et associatif. Ainsi, très rapidement après son arrivée à Bourail en 1989, elle s’implique un peu partout : elle participe à l’organisation de la foire de Bourail, elle participe aux actions du Centre d’Action Culturelle de Bourail (CACB) mais aussi à celles du Comité Sportif de Bourail (CSB).
La liste ne s’arrête pas là ! Elle devient rapidement membre du Lion’s Club de Bourail : on y aide les personnes en difficulté. Parmi ses grands souvenirs liés aux actions du Lion’s, Brigitte se souvient des 24h du Téléthon, auxquelles elle a participé plusieurs années, mais aussi des moments où le Lion’s a reçu de grands noms du football sur la commune.
Au cours des années 2000, de nouvelles opportunités s’ouvrent à elle. Ainsi, elle occupera les fonctions d’assistante sanitaire au Foyer de Néméara, puis au sein de la mairie de Bourail, elle déploiera son engagement en tant qu’animatrice communale. Flying Brigitte vole vers ce nouveau poste avec brio, s’occupant des centres de vacances. À ce sujet, elle confirme que ça a été une très bonne expérience pour elle puisqu’elle a apprécié le contact avec les enfants et la transmission de ses valeurs à la nouvelle génération.
Toujours en quête de nouveaux challenges, Brigitte continue de s’investir dans la vie associative, notamment avec la Foire de Bourail. Infatigable, il faut mentionner qu’elle a également une expérience en politique, puisqu’elle sera conseillère municipale de 1995 à 2001.
D’abord simple bénévole dans l’organisation de la Foire de Bourail, elle devient membre du bureau de la FEAAB (Foire Exposition Agricole et Artisanale de Bourail) au cours des années 2000, secrétaire, puis trésorière. Elle finira par prendre la suite de Paul Belpatronne en tant que Présidente à partir de l’année 2008.
Pendant plus d’une décennie, elle organisera cet évènement phare de la vie Calédonienne, qui rassemble des milliers de personnes. Naturellement, en s’investissant autant, Brigitte Hardel met de sa personnalité dans l’évènement : toujours pragmatique et proche des réalités simples, elle essaie de rester à l’essentiel.
Ainsi en 2013, interrogée par la presse sur le côté commercial de l’évènement, celle-ci donne le ton en déclarant « La Foire doit retrouver toute sa vocation agricole » : elle n’hésite pas à expliquer à des commerçants souhaitant vendre des vêtements ou d’autres articles que les stands agricoles ou de produits dérivés de l’agriculture et artisanaux sont prioritaires.
La même année la Foire se verra dotée de plusieurs innovations : création d’un pôle touristique pour faire la promotion des activités touristiques à l’attention du public, mais aussi mise en place d’une nouvelle animation : le dressage de chevaux sauvages.
Sensible aux problématiques écologiques, la même année elle déclare également qu’elle souhaite mettre en place un pôle sur les économies d’énergie pour sensibiliser les gens dans ce domaine.
Rien d’étonnant donc à ce qu’à la Foire de Bourail 2015, Brigitte Hardel continue à filer droit sur sa lancée telle la fonceuse qu’elle a toujours été. À nouveau interrogée par la presse, elle déclare alors « Le bio et l’agriculture raisonnée, c’est aussi ce que l’on cherche » : elle tente alors de faire venir des petits producteurs de toute la Calédonie pour aider le maraîchage à survivre et représenter les produits du terroir.
Toute chose ayant une fin, c’est en 2018 que Brigitte quitte le comité de la foire de Bourail. Ayant porté ses convictions fermement pendant plus de 10 ans, elle estime alors qu’il est temps de se chercher de nouveaux défis.
Elle ne quitte pas la vie associative pour autant : toujours investie au Lion’s Club, elle donne également de son temps à la Ligue contre le Cancer et à la Banque Alimentaire.
« J’essaie d’aider les gens tout le temps ».
Avec le temps qui se libère et l’arrivée de la retraite, Brigitte, qui n’aime pas rester sans rien faire, créée alors en 2017 son entreprise d’espaces verts « Bourail H’espaces Verts », qu’elle a voulu rendre inclusive : c’est ainsi qu’elle recrute en priorité des travailleurs handicapés et des gens qui ont perdu leur travail, afin de leur donner l’occasion de gagner leur vie sans rougir.
Décidément jamais à court de challenges, Brigitte Hardel décide également de retrouver le sport en tant que bénévole, mais cette fois dans le secteur du sport automobile : Brigitte avait été témoin de la grande époque des Rallyes Calédoniens des années 1970 et avait alors accroché.
C’est ainsi qu’en 2020, elle rejoint l’équipe qui organise les Rallyes, avant de passer son permis de commissaire de route en 2022.
Comme elle le dit elle-même concernant les Rallyes : « Manger de la poussière, on aime ça ! »
Personnage au grand cœur, femme aux multiples talents et aux 1000 vies qui vit toujours à cent à l’heure, il est difficile de résumer la vie de Brigitte Hardel. Il est toutefois une certitude : elle a été forgée dans le monde de l’athlétisme et c’est avec la dernière grande page de l’athlétisme à laquelle Brigitte a activement participé que nous allons terminer ce portrait.
Contactée pour les Jeux du Pacifique 2011, on lui demande de rejoindre l’équipe des Jeux en tant qu’accompagnatrice. Il s’agit de s’occuper des athlètes, en particulier des mineurs. En effet, comme Brigitte le sait bien, les athlètes doivent se concentrer sur l’entraînement et la routine de vie pour rester affûtés, ce qui rend un soutien indispensable pour optimiser les performances.
Les Jeux de 2011 sont pour elle l’occasion d’excellents souvenirs : la découverte du village sportif créé pour les Jeux (l’actuelle Cité Universitaire à Nouville), les équipes qui se réunissent pour discuter tous les jours avec les athlètes, mais également la découverte d’athlètes d’autres disciplines et de petits jeunes très talentueux. Elle indique avoir adoré découvrir ces gosses avec des étoiles dans leurs yeux.
« C’était très chouette ».
Brigitte avoue avoir beaucoup apprécié les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux. Son seul regret : ne pas avoir pu regarder tous les sports.
Sa longue carrière aura valu à Brigitte Hardel de très nombreuses récompenses en athlétisme, que ce soit dans le cadre des Jeux du Pacifique ou pour les compétitions au niveau national.
Reconnue pour son parcours sportif par l’Etat, elle a obtenu la médaille de la Jeunesse et des Sports. Si l’obtention de cette médaille était un strict minimum, plusieurs personnes interrogées ont estimé que par rapport à certains sportifs souvent mis en avant, Brigitte a été oubliée.
Peut-être insuffisamment récompensée et mise en avant, il reste indéniable que Brigitte aura marqué l’Histoire du sport calédonien et nous aura laissé en héritage de nombreuses médailles et de nombreux moments forts.
Si au niveau familial, Brigitte Hardel n’a pas eu d’enfants, elle souligne qu’elle s’est systématiquement occupée de ses neveux : ainsi elles les emmène à Poum, faire du camping à Ouano, ou dans diverses activités comme du Karting ou à la piscine.
Parmi ceux-ci, plusieurs petits neveux sont des sportifs accomplis, tels que Joan Hardel-Dolbeau qui a participé aux Jeux en Taekwondo Sportif avant de devenir entraîneur.
Finalement le sport est une grande histoire de Famille, puisque les parents de Brigitte, sa mère, comme son père faisaient également du sport !
Enfin dans le monde sportif, pour Brigitte Hardel c’est Loan Ville qui représente le mieux l’esprit sportif qu’elle a pu incarner. C’est vers elle qu’il faut regarder pour voir tomber de nouveaux records !
Terminons par un morceau de sagesse que Brigitte a bien voulu nous partager depuis sa très riche expérience :
« Aujourd’hui, tout a changé. Il ne faut pas hésiter à s’aventurer, aller découvrir le monde !
C’est plus facile, on peut rester en contact même à l’autre bout de la Terre !
Découvrir le monde, aller à la rencontre de l’autre, ça permet de s’ouvrir l’esprit et d’être plus tolérant à la différence. »