P. 44 Dominique Megraoua, médecin de santé publique, responsable du Centre d’éducation thérapeutique (Agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie) Les futures mamans jouent donc un rôle prépondérant dans la santé de leur enfant à venir. Or la santé des Calédoniennes en âge de procréer et de transmettre la vie se dégrade au fil du temps. Aujourd’hui, 69 % des femmes présentent une obésité abdominale (contre 38 % des hommes). Une situation préoccupante qui s’explique par les nombreuses pressions que subissent quotidiennement les Calédoniennes, dues aux responsabilités familiales qui leur incombent en majeure partie, aux nombreuses violences dont elles sont victimes et plus généralement au peu de considération qui leur est accordée. Or quand on vit mal, on va avoir tendance à se « remplir ». On mange et on développe des maladies chroniques. L’obésité est une maladie à part entière qui en entraîne beaucoup d’autres comme le diabète, l’hypertension artérielle, le cholestérol, l’apnée du sommeil, la dépression, mais aussi des cancers. Une Calédonienne sur huit développe un cancer du sein au cours de sa vie, en partie en raison de l’obésité. Il est un phénomène dont on parle peu mais qui est potentiellement explosif, c’est le diabète gestationnel. Ce type de diabète (qui est un pré-diabète de type 2) est lié aux problèmes de surpoids et d’obésité ainsi qu’aux fragilités familiales transmises par l’épigénétique. Rapportés à la population, les diabètes gestationnels sont trois fois plus nombreux en Nouvelle-Calédonie qu’en métropole. Une Calédonienne enceinte sur cinq en est porteuse. Le diabète gestationnel entraîne des risques multiples pour la mère et l’enfant, aujourd’hui et dans le futur : mise au monde d’un gros bébé, fin de grossesse difficile, accouchement difficile avec utilisation de forceps ou césarienne, prématuré, hypoglycémie du bébé à la naissance, risque de diabète de type 2 pour tous les deux, passé 40 ans. Pour y remédier, le Centre d’éducation propose aux futures mamans une prise en charge éducative avec information sur la maladie, apprentissage de l’auto- surveillance des glycémies, et surtout éducation à l’alimentation équilibrée, où l’on apprend à morceler les repas afin d’éviter, autant que faire se peut, le recours aux injections d’insuline. Si on veut être efficace pour les générations futures, cible première des politiques de santé, il est donc essentiel de remettre la femme en âge de procréer au centre du dispositif du plan Do Kamo. L’avenir est sombre. Il faut donc mettre les bouchées doubles. En Nouvelle-Calédonie, l’espérance de vie augmente, mais l’espérance de vie en bonne santé recule. À quoi sert de prolonger la vie si c’est pour être sous le joug de maladies chroniques ? Suite témoignage
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