Sexualité maternité parentalité au féminin

P. 66 QUAND JE SUIS TOMBÉE ENCEINTE, J’AI TOUT ABANDONNÉ Témoignage J’ai été élevée en tribu à Lifou. Je suis allée au collège jusqu’en 3e. J’ai eu un coup de foudre pour un garçon qui avait 21 ans et ne travaillait pas. J’étais très amoureuse et j’ai zappé toutes les précautions. J’ai eu des rapports sexuels sans contraception. À l’époque, je ne savais pas ce qu’était la contraception. Il n’y avait pas de dialogue sur ces sujets avec les relations proches. Je voulais en parler avec une cousine, mais ça ne s’est pas fait. Je me suis aperçue que j’étais enceinte au bout de deux mois. J’ai vite réagi, j’étais contente, lui aussi. J’ai gardé l’enfant contre l’avis de mes parents qui voulaient que j’avorte. Je me suis réfugiée à l’internat. Les semaines ont passé et après, il était trop tard. Tout mon entourage était découragé. Il me disait que j’avais la vie devant moi, que j’allais la gâcher. Quand je suis tombée enceinte, je jouais au foot, au volley, je faisais beaucoup de compétition, je devais partir à Samoa, mais j’ai tout abandonné. Avec mon copain, on a continué ensemble. Puis il est parti à Nouméa chercher du travail. J’y suis venue pour accoucher d’un petit garçon, sans problème particulier et avec une péridurale. Une fois le bébé venu, mes parents l’ont accepté. J’ai arrêté le collège, le sport. Pour gagner de l’argent, j’allais à la pêche, au champ, je vendais des crabes de cocotier. Cela a duré trois ans. Le plus dur, c’est le regard des autres, les questions étonnées que l’on posait dans mon dos. À la tribu, on parlait mal de moi. On disait que c’était uniquement de ma faute. Le père voulait reconnaître l’enfant, mais je ne voulais pas de reconnaissance coutumière. J’ai préféré le laisser à mon nom. Ma famille me l’a aussi conseillé, en pensant à l’avenir. Je ne voulais pas qu’en cas de séparation, mon fils aille dans le clan de son père. J’avais peur que son père prenne la garde. Il n’a pas insisté pour le reconnaître. Il faut dire qu’il n’avait rien dit de ma grossesse à ses parents, qui l’ont apprise par d’autres. Puis je suis partie au GSMA à Koumac pour une formation de travaux paysagers. Mon fils est resté chez mes parents. Mon fils me manquait. Je lui parlais au téléphone mais il était trop petit pour qu’on ait de vrais échanges. Au bout de cinq mois, j’ai dû arrêter pour revenir à Lifou m’occuper de mon père et de mes sœurs. Je suis restée deux ans à la tribu à Lifou à gérer toute la famille, puis je suis revenue à Nouméa pour travailler. Mon fils est rentré à l’école à Lifou. Ma sœur s’en occupait. Il pleurait quand je partais. Alors je lui expliquais que tout ce que je faisais était pour lui. J’ai obtenu un logement social en janvier 2016 et j’ai ainsi pu récupérer mon fils avec moi et la famille le garde de temps en temps.

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