Sexualité maternité parentalité au féminin

P. 75 Mission à la condition féminine de la province Sud Son père a reconnu ma fille. Je ne voulais pas qu’elle soit à mon nom. Elle a un nom européen. C’est mieux pour elle de ne pas avoir le statut coutumier. C’est compliqué et lourd à porter. Elle ne pourra jamais être donnée à un membre de la famille. En grandissant, être adoptée, c’est difficile. Je suis encore en train de chercher où est ma place en tant que Kanak et dans ma vie à moi, je suis perdue. Parfois j’appelle Tonton un de mes frères, car c’est ainsi qu’on me l’a appris. Mais maintenant, c’est à moi de choisir comment je dois les appeler. Mes tontons et mêmes mes tantines me considèrent comme leur sœur, mais je ne sais pas trop ce qu’ils sont exactement. J’ai tout reconstruit et je vais essayer de tout rapprocher, même si ce n’est pas dans les normes coutumières. Si j’avais grandi dans la coutume, je ne sais pas ce que je serais devenue. J’ai vécu pendant un an chez le père de ma fille. Au début, ça s’est bien passé, mais quand le bébé a eu quelques mois, on a commencé à se disputer. Il est devenu très violent. La première fois, j’ai laissé passer, la deuxième, la troisième, et puis à un moment, j’ai dit stop. C’était en 2013. Je n’avais personne à qui me raccrocher. J’ai pleuré pendant des jours, j’en avais ras-le-bol, mais j’ai pris conscience et j’ai fini par me rendre compte que cela ne pouvait plus durer. Ma fille pleurait. Je l’ai regardée, j’ai réfléchi, je me suis levée, je l’ai serrée contre moi et je suis partie. Je me suis cachée chez une cousine dans une cabane. Mon ami m’appelait. Il me disait de revenir, mais ma cousine m’a amenée au car pour Nouméa et, à 4 heures du matin, je suis partie sans me retourner. À Nouméa, j’ai rejoint mon frère, qui a un an de plus que moi et qui habitait dans le squat du Caillou bleu. Il m’a hébergée. C’était le seul qui faisait attention à moi. Il a grandi chez mon père, il savait que j’étais sa sœur. Puis je suis allée chez ma tante, en face, et j’y suis encore. Quand je suis partie, je n’ai pas eu peur. J’étais en colère et très sereine. Je serrais ma fille très fort contre moi, je pleurais et lui disais de ne pas s’en faire, que ce n’était pas grave. Seule, j’aurais été paniquée mais avec elle j’étais rassurée. Après, j’ai perdu toute confiance. Je me cachais du regard des autres. Pourtant ils ne me regardaient pas. Je restais au squat. Je fumais « En grandissant, être adoptée, c’est difficile. Je suis encore en train de chercher où est ma place en tant que Kanak et dans ma vie à moi, je suis perdue. »

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