En exploration au fil des eaux

Un périple au cœur des zones humides, à la découverte du patrimoine naturel du Grand Sud calédonien En exploration au fil des eaux

Préface Chères amoureuses et amoureux de la nature Aujourd'hui, je vous convie à un voyage au cœur de la biodiversité insoupçonnée des Lacs du Grand Sud néo-calédonien. En tant que botaniste passionné, je suis heureux de partager avec vous cette richesse incroyable. Ces écosystèmes fragiles abritent un trésor caché, des espèces végétales d'une rareté exceptionnelle, telle le Dacrydium guillauminii et d’autres joyaux de la nature que seuls les plus attentifs peuvent découvrir. Au cœur de ces lacs, rivières, dolines, marais et ripisylves, se cachent des plantes micro-endémiques, discrètes, parfaitement adaptées à leur habitat unique. Il est de notre devoir de veiller sur ces écosystèmes avec attention et respect. Les menaces qui pèsent sur notre environnement sont nombreuses, mais ensemble, nous avons le pouvoir de préserver ce patrimoine naturel pour les générations futures. Alors, je vous invite à explorer ces pages dédiées à la biodiversité des Lacs du Grand Sud néo-calédonien. Puissent-elles vous inspirer et vous inciter à agir, à protéger et à célébrer la beauté fragile de notre patrimoine naturel local. Avec tout mon attachement et mon engagement pour ce Sud que j'aime tant, Bernard Suprin Sommaire Préambule 04 Qu’est-ce qu’une zone humide, à quoi sert-elle ? Le site Ramsar de Nouvelle-Calédonie 06 La Nouvelle-Calédonie, terre de biodiversité 08 Roches particulières, isolement géographique et contexte hydrogéologique 10 La biodiversité dans le site Ramsar 12 La diversité des écosystèmes 14 Les écosystèmes un monde d’interaction 16 Les habitats de la zone Ramsar 18 La diversité des espèces 28 La classification des espèces 29 Le règne végétal 30 Le règne des champignons 40 Le règne animal 46 Les menaces 60 Les espèces exotiques envahissantes 61 Les incendies 64 Le changement climatique 66 Les bons gestes 67 Glossaire 68 Retrophyllum minus Édité en 2024 3 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Préambule Qu’est-ce qu’une zone humide, à quoi sert-elle ? Qu’est-ce qu’une zone humide ? Les zones humides sont des étendues saturées d’eau ou inondées, temporairement ou en permanence. Ce sont généralement des zones à faible relief, dans lesquelles la profondeur d’eau n’excède pas plus de quelques mètres. Les rivières, les lacs, les marais, les lagons, les herbiers et les mangroves sont des zones humides. « Définition de la Convention Ramsar de 1971 » Dans ces écosystèmes, c’est l’eau qui est le facteur écologique prépondérant et qui contrôle le milieu naturel, la vie animale et végétale. Ces contraintes hydriques créent des conditions de vie particulières obligeant la flore et la faune à développer des adaptations étonnantes, source d’une grande originalité et généralement d’un très fort taux d’endémisme. Longtemps qualifiées de « nids à moustiques, d’espaces insalubres et malodorants », les zones humides ont mauvaise réputation. Pourtant, réservoir d’une biodiversité originale, leur rôle dans le cycle de l’eau douce ou dans le stockage du carbone est de plus en plus reconnu. C'est d'ailleurs pour souligner l'importance des zones humides à l'échelle mondiale que le label Ramsar a été créé. Ramsar, une convention internationale pour préserver les zones humides Créé en 1971, lors de la signature de la convention relative aux zones humides, le label Ramsar a pour objectif d'identifier les zones humides d'importance internationale selon neuf critères. Pour être éligible au label Ramsar, une zone humide doit répondre à au moins trois de ces neuf critères. La superficie occupée par les zones humides en Nouvelle-Calédonie n’est pas connue avec précision. Elle est, quoiqu'il en soit, supérieure aux 44 000 ha de la superficie du site Ramsar, auxquels il faut ajouter les mangroves, le lagon, les herbiers et autres cours d'eau. Le label n’entraîne pas de contraintes réglementaires de protection mais permet d’augmenter la visibilité des sites, de les mettre en valeur et donc d'inciter à leur protection. 4 En exploration au fil des eaux

Les services écosystémiques des zones humides Les zones humides jouent un rôle important de par leurs fonctions et les services qu’elles rendent à l’humanité. 1 332 millions CFP / an C’est la valeur estimée des services rendus annuellement par les milieux naturels du site Ramsar. Ces habitats ont d’autant plus d’importance qu’ils répondent aux grands enjeux de notre société actuelle et future, notamment pour la protection de la ressource en eau et de la diversité biologique, dans un contexte de changement climatique. Fonctions épuratrices (800 millions CFP) • Piégeage, apport, dégradation et transformations biochimiques des éléments organiques et minéraux, protection de la qualité des eaux, etc… • Un « filtre naturel » qui permet de préserver la qualité de l'eau. Fonctions climatiques (non évalué) • Stockage du carbone, un « régulateur naturel du climat ». Fonctions biologiques (non évalué) • Production biologique élevée, présence d’un grand nombre d’habitats et d’espèces animales et végétales, souvent remarquables... • Un « réservoir naturel de vie » assuré par la présence fluctuante de l’eau. Fonctions hydrologiques (412 millions CFP) • Stockage et restitution de l’eau, régulation des crues, alimentation des cours d’eau... • Une « éponge naturelle » qui permet de préserver l’eau en quantité. Fonctions sociales (119 millions CFP) • Zones d’activités touristiques, récréatives, culturelles, patrimoniales, éducatives, esthétiques, scientifiques et zones à fortes valeurs économiques. • Un « pourvoyeur de services » au bénéfice des humains. 5 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Le site Ramsar de Nouvelle-Calédonie Identifiée comme la zone humide la plus vaste et la plus originale de Nouvelle-Calédonie, la région des Lacs du Grand Sud néo-calédonien est inscrite sur la liste des sites Ramsar depuis 2014. Le site des Lacs du Grand Sud néo-calédonien répond à sept des neuf critères fixés par la convention parmi lesquels : • Une flore originale, 82% des végétaux y sont strictement endémiques. • La présence d’espèces rares, tel le cagou, oiseau emblématique des forêts humides de la NouvelleCalédonie. • La présence de populations de poissons représentatives des zones humides comme le Galaxias neocaledonicus, petite saumonée, micro-endémique à la Plaine des Lacs. • La présence d'un exemple représentatif de zone humide de la région biogéographique comme les dolines, paysages représentatifs façonnés par un réseau complexe d'eaux souterraines. 1 000 espèces végétales endémiques aux Lacs du Grand Sud 2 000 espèces animales endémiques Lacs du Grand Sud 43 970 hectares environ Aires protégées marines Aires protégées terrestres Réserve technique du Creek Pernod* Emprise mine et usine Vale NC Périmètre Ramsar 6 En exploration au fil des eaux

Le Parc Provincial de la Rivière Bleue (≈ 22 000 ha) 50% de la zone Ramsar est couverte par le Parc Provincial de la Rivière Bleue. Créé en 1980, c’est le plus grand parc naturel terrestre protégé de Nouvelle-Calédonie. Au sein du parc, plusieurs types de zones humides sont présentes : celles des Rivières Blanche et Bleue, ainsi que plusieurs zones de marais. Le parc englobe deux réserves naturelles : la réserve de la Haute Pourina et de la Haute Yaté. Le Lac de Yaté (≈ 4 000 ha) Alimenté par les Rivières Blanche et Bleue, la Rivière des Lacs et le Creek Pernod, ce lac artificiel constitue la plus grande étendue d’eau douce de Nouvelle-Calédonie. Il s’est formé suite à la construction du barrage hydro-électrique de Yaté en 1959, destiné à alimenter la SLN en électricité. La Plaine des Lacs (≈ 17 000 ha ) Comme son nom l’indique, cette région relativement plane comporte plusieurs lacs dont les plus connus sont le Lac en Huit et le Grand Lac. D’autres types de zones humides sont également présentes comme des dolines et de grandes plaines marécageuses. Plusieurs aires protégées sont présentes au sein de la Plaine des Lacs : Pic du Pin, Netcha, Chute de la Madeleine, Fausse Yaté, Barrage de Yaté et Pic du grand Kaori. Les multiples facettes du site Ramsar 7 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

La Nouvelle-Calédonie, terre de biodiversité Avec un taux d’endémisme1 d’environ 75 %, un microendémisme remarquable et 2 700 plantes vasculaires2, la Nouvelle-Calédonie apparaît comme un sanctuaire de biodiversité mondiale. Elle est d’ailleurs classée comme le 3e plus gros hotspot3 de biodiversité au monde (après Hawaï et la Nouvelle-Zélande). Un isolement insulaire de plusieurs millions d’années associé à un contexte hydrogéologique particulier expliquent l’apparition d’une richesse biologique unique au monde. La biodiversité Le terme « biodiversité » vient de la contraction de deux mots : biologie et diversité. Il évoque donc la variété du monde du vivant. La biodiversité s’observe selon 3 niveaux : La diversité des écosystèmes : c’est la diversité des milieux de vie à toutes les échelles de temps et d’espace : des océans au maquis minier en passant par une simple flaque d’eau ou un camembert qui ont, tous deux, une durée d’existence limitée. La diversité spécifique : c’est la diversité des espèces que l’on rencontre dans les différents écosystèmes : les bactéries, les baleines bleues, les fougères, les champignons. La diversité des individus : c’est la diversité qui existe au sein d’une même espèce, et qui repose sur la diversité génétique, parfois considérée comme le 4e niveau de biodiversité. 1 Particularité d'une espèce dont l'aire de répartition naturelle correspond à une région géographique limitée. 2 Les plantes vasculaires sont les plantes dotées de vaisseaux permettant la circulation de l’eau et de la sève. 3 Un point chaud de biodiversité, ou zone critique de biodiversité, est une zone biogéographique, terrestre ou marine, possédant une grande richesse de biodiversité particulièrement menacée par l'activité humaine. 8 En exploration au fil des eaux

Le paradoxe du « hot spot » Pour être classé comme « Point Chaud » de biodiversité, il faut remplir deux conditions : présenter une richesse spécifique très élevée, plus de 1 500 plantes vasculaires endémiques, mais également être soumis à d’importantes pressions anthropiques, ayant entraîné la disparition d’au moins 70 % de sa végétation primaire. Dans ces conditions, faut-il se réjouir d’être un hot spot ? Boronia pancheri Rhacodactylus auriculatus Xanthostemon myrtifolius Aythya australis Utricularia uliginosa Podoserpula miranda Phalilus oberthuri 9 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Roches particulières, isolement géographique et contexte hydrogéologique Des roches et sols particuliers Le périmètre Ramsar est situé au cœur d’un massif de péridotites, roches provenant du manteau terrestre. La présence en surface de ces roches habituellement situées en profondeur résulte d’un phénomène géologique, relativement rare à l’échelle de la planète (1% des zones de convergence), appelé obduction4, dans lequel la NouvelleCalédonie est entrée il y a 55 millions d’années. Sous un climat tropical chaud et humide, les péridotites s’altèrent et conduisent à la formation de sols latéritiques rouges très caractéristiques. Ces sols pauvres en nutriments (naturellement déficients en azote, phosphore, potassium, calcium), mais riches en métaux lourds (nickel, chrome et cobalt) potentiellement toxiques pour les plantes sont à l’origine d’une sélection environnementale drastique qui a pour conséquence une évolution génétique et donc un fort taux d'endémisme. 4 Chevauchement d’une plaque océanique sur une plaque continentale. 5 Le karst est une structure géomorphologique résultant de l'érosion hydrochimique et hydraulique de toutes roches solubles, principalement de roches carbonatées dont essentiellement des calcaires . En Nouvelle-Calédonie, on parle de pseudokarst pour des morphologies analogues se développant sur des roches non carbonatées. Trois raisons pour expliquer l’incroyable biodiversité du site Ramsar Un isolement géographique Suite au processus d’obduction, la Nouvelle-Calédonie qui a plongé très profondément dans le manteau terrestre ré-émerge aux alentours de -35 millions d’années. De nouveaux animaux et végétaux colonisent le territoire, et évoluent, notamment sous l'effet de la sélection naturelle. Ils s’adaptent à des milieux aux contraintes environnementales différentes et se différencient peu à peu de l’espèce d’origine. Radeau du Gondwana Pendant très longtemps, la Nouvelle-Calédonie a été considérée comme un « radeau » du super continent Gondwana auquel elle était rattachée, il y a 130 millions d’années. Cette image laissait à penser que la flore et la faune du Gondwana aurait été transportée par la Nouvelle-Calédonie telle l’Arche de Noé. Mais les études génétiques récentes réalisées sur la faune et la flore du territoire montrent que les espèces présentes datent de « seulement » 35 millions d’années. Ce qui indique que lors de l’épisode d'obduction, la faune et la flore du Gondwana présentes sur le territoire n’ont pas survécu. Spéciation par isolement géographique 10 En exploration au fil des eaux

Le contexte hydrogéologique L'hydrogéologie est la science qui étudie les interactions entre les structures géologiques du sous-sol (nature et structure des roches et des sols) et la distribution et la circulation des eaux souterraines ainsi que des eaux de surface. Le réseau pseudo-kartisque et le régime hydrologique L’altération des péridotites, notamment par l’eau (hydrolyse), donne lieu à la formation d’un réseau sousterrain de cavités, tunnels, grottes et dolines, à l’image de ce que l’on observe dans les régions « calcaires ». On parle de réseau pseudo-karstique. La circulation de l’eau dans ces « conduits » est très particulière : certains cours d’eau disparaissent dans les profondeurs de la terre, tandis Hydrogéologiquement, le Grand Sud est différent du reste de la Nouvelle-Calédonie du fait de la nature des roches, des sols, d’un faible relief et de la présence d’un réseau sousterrain de circulation d’eau complexe s’apparentant à un réseau karstique5. que certaines eaux souterraines rejaillissent en surface. La diversité des espèces présentes dans ces milieux est donc remarquable et présente un fort taux d'endémicité voire de microendémicité. C’est le cas de la famille des Tateidés, petits mollusques gastéropodes, pour laquelle le taux de microendémicité atteint une échelle jamais observée ailleurs. 11 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

La biodiversité dans le site Ramsar Les Lacs du Grand Sud sont un véritable oasis de biodiversité, tant au niveau des écosystèmes qu’au niveau des espèces végétales ou animales. 6 Communauté d'espèces végétales qui détermine, avec d'autres éléments, un paysage caractéristique qui est souvent gratifié d'un nom particulier par les populations qui le fréquentent ou les scientifiques qui l'étudient. 7 Ultramafique : se dit de roches ou de sols riches en fer et magnésium. 8 Hydromorphie : saturation en eau d'un sol sur une période plus ou moins longue de l'année. 9 L’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) est une organisation non gouvernementale fondée en 1948 dont l’objectif est de faire progresser le développement durable et créer un monde juste qui valorise et conserve la nature. Les Zones Clé pour la biodiversité (ZCB ou KBA Key Biodiversity Area) À l’initiative de l’UICN9, les ZCB identifient les sites importants au niveaumondial pour la conservation de la biodiversité. La Rivière Bleue, les Chutes de la Madeleine, la Fausse Yaté, le Grand Lac sont regroupées dans une grande (ZCB) alors dite ZCB du Grand Sud (Conservation International, 2011). Au niveau des écosystèmes Les formations végétales6 de la zone Ramsar présentent un fort taux d'endémisme, jusqu'à 82% pour les maquis et les forêts humides sur sol ultramafiques7. En effet, les espèces végétales présentes se sont adaptées aux conditions d’hydromorphie8 du sol, et parfois à des périodes de submersion (Jaffré and L’Huillier, 2010). Il en résulte une diversité d’habitats, d’écotones, de milieux de vie dans lesquels de nombreuses espèces vont trouver refuge. KBA Rivière Bleue KBA Grand Sud 12 En exploration au fil des eaux

Au niveau des espèces Chez les plantes 82% de végétaux sont endémiques, certaines espèces étant micro-endémiques10. C’est le cas notamment d’Hibbertia bouletii et Hibbertia favieri (CR)11, plantes qui ne sont connues que dans deux localités au sein du périmètre Ramsar ou en périphérie immédiate. Chez les animaux Concernant la faune, le site est également un refuge pour de nombreuses espèces rares et menacées. Plus de 103 espèces d’oiseaux dont 24 endémiques et 17 menacées y vivent, ainsi qu'une vingtaine d'espèces de lézards. Il reste d’ailleurs des centaines d’espèces à identifier sur la zone, majoritairement au sein des mollusques, insectes et autres invertébrés qui sont peu connus. La présence de nombreuses espèces endémiques, voire micro-endémiques, témoigne de l’importance de ce site vis-à-vis de la préservation de la biodiversité à l’échelle internationale. Cette originalité fait d’ailleurs partie des critères qui ont permis l’inscription de cette zone sur la liste des sites Ramsar ! 10 Espèce présente dans une région géographique très restreinte. 11 Espèce en danger critique d'extinction (Cf page 28). 13 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

La diversité des écosystèmes Un écosystème désigne un milieu (eau, sol, air) dans lequel vit un ensemble d’êtres vivants qui interagissent entre eux et avec leur milieu. Dans le cas de Ramsar, l’écosystème c’est la zone humide. Au sein d’un écosystème, il existe des espaces offrant des conditions convenant à la vie et au développement de certaines espèces animales ou végétales : les habitats. Au sein du périmètre Ramsar, il existe une grande variété d’habitats comme les dolines, les marais, les lacs, les rivières, etc. Enfin, l'écotone est une zone de transition entre deux écosystèmes ou deux habitats. Habitat 1 : Lac Écotone : zone intermédiaire Habitat 2 : Forêt 14 En exploration au fil des eaux

La connectivité écologique Tous ces habitats ou écosystèmes sont interconnectés. Les espèces animales ou végétales passent d’un milieu à un autre sans entrave, c’est ce que l’on appelle la connectivité écologique. Cette connectivité s’applique aussi aux processus naturels qui permettent la vie grâce à leurs interactions, tels la libre circulation de l’eau ou des sédiments. Pour les zones humides, la connectivité écologique est essentielle à leur fonctionnement et à leur résilience12. Or cette connectivité est perturbée par les activités humaines et notament la construction d’ouvrages dans les cours d’eau. Ces derniers font obstacles à l’écoulement des eaux, et affectent les possibilités de déplacement des espèces, diminuent la diversité d’habitats disponibles et altèrent la qualité du milieu (Kreutzenberger et al., 2019). Les écosystèmes ainsi fragilisés par une baisse de la biodiversité (disparition des espèces qui vivent dans plusieurs milieux), ne peuvent plus assurer les services écosystémiques. La connectivité écologique des cours d’eau La connectivité écologique est indispensable à la surviede certaines espèces de poissons. C’est le cas des mulets noirs qui se reproduisent dans l’eau de mer, et dont les juvéniles remontent les rivières pour se reproduire en eau douce. La construction d'un barrage, sans passe à poissons, impacte la survie de ces espèces. 12 Capacité d'un écosystème, d'un habitat, d'un peuplement, d'une population, etc. à retrouver un fonctionnement normal après avoir connu des perturbations importantes. 15 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Dans les écosystèmes, les espèces interragissent avec le milieu mais aussi entre elles. Ces relations peuvent être de différentes natures : les espèces peuvent coopérer et s’entraider ou au contraire tirer profit, exploiter les autres… La pollinisation, un exemple de coopération entre espèces Certaines espèces végétales sont dépendantes d’une ou de plusieurs espèces animales pour leur reproduction : les abeilles ou les papillons polinisent les fleurs qui produisent des fruits qui donnent des graines que les oiseaux disséminent. Cette « mécanique bien huilée » peut être mise à mal si une espèce animale d’importance majeure pour la reproduction d’une espèce végétale est en danger. L’intégrité de la population végétale peut alors être altérée (Kato et al., 2004). En Nouvelle-Calédonie, avant leur importation dans les années 50, les abeilles (Apis mellifera) n’étaient pas les principales pollinisatrices. La pollinisation était assurée par des espèces natives comme les papillons, les moustiques, les mouches, etc. Désormais en concurrence avec les abeilles, les espèces pollinisatrices natives sont en déclin, et les relations plantes-pollinisateurs se sont dégradées, altérant le flux de gènes entre les plantes, mais favorisant la capacité de reproduction des espèces exotiques envahissantes (EEE). Les relations alimentaires ou réseaux trophiques, un exemple d'exploitation entre espèces L’interaction la plus connue entre les espèces animales et végétales présentes dans un écosystème est la relation trophique qui les lie : les plantes, ou producteurs primaires, sont consommées par les consommateurs primaires qui eux-mêmes sont mangés par d’autres animaux carnivores, les superprédateurs. Sans oublier les détritivores qui se nourrissent de végétaux et d’animaux morts et transforment cette matière organique en matière minérale qui sera utilisée par les plantes pour leur croissance. Un réseau trophique désigne l’ensemble des chaînes alimentaires qui existent au sein d'un écosystème et qui permettent le transfert d’énergie et de biomasse entre les espèces, via l’alimentation. Dans un écosystème en bonne santé, les relations trophiques sont stables et permettent la préservation à long terme de chaque espèce, et leur régulation démographique. Mais si une espèce disparaît, ou est introduite (EEE), l’équilibre est rompu et peut mener à l’effondrement de l’écosystème. Les écosystèmes, un monde d’interactions Consommateurs tertiaire (Grebe australasien) Consommateurs primaires Producteurs primaires Décomposeurs Éléments nutritifs Consommateurs secondaires (Galaxias) Photosynthèse 16 En exploration au fil des eaux

Maquis hydromorphe Rivière Doline L’écosystème zone humide du Grand Sud et ses habitats 18 En exploration au fil des eaux

Ripisylve Marais Lacs 19 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Un lac est une grande étendue d'eau douce de taille et de profondeur variable, où la circulation de l'eau est lente. Il est alimenté par différents cours d’eau, ruisseaux, rivières et sources souterraines. L’eau séjourne un certain temps dans le lac selon son volume et l’apport en eau de son bassin versant, puis s’écoule par un cours d’eau nommé exutoire. Le périmètre Ramsar comprend de nombreux lacs : le Lac de Yaté, le Lac en Huit, le Lac en Y, le Grand Lac. Certains de ces lacs ont une superfie suffisamment importante, supérieure à 8 ha, pour qu’une stratification thermique et chimique semette en place. Cette stratification se traduit par la présence de couches d’eau superposées présentant des conditions de vie différentes en raison de leur température et oxygénation. Les lacs La Forêt Noyée Au cœur du Lac de Yaté, la Forêt Noyée est célèbre pour ses centaines de troncs imputrescibles émergeant du lac, créé suite à la construction du barrage de Yaté. Métalimnion Épilimnion 10°C 6 m 12 m 18 m 24 m 15° C 15°C 20°C 25°C Hypolimnion 20 En exploration au fil des eaux

Les dolines sont des dépressions circulaires qui se forment suite à la dissolution des roches souterraines. Leur diamètre peut aller de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres. Ces dépressions restent alimentées en eau par les fractures ou drains profonds à l’origine de leur formation, ainsi que par les eaux de ruissellement. Comme pour les lacs, la circulation de l’eau y est lente. La faune et la flore des dolines sont très originales. On y a même découvert des espèces de microorganismes non connues à l’échelle internationale (Dominique et al., 2014). Les dolines Le ouvala, une doline XXL Il s’agit d’une dépression plus vaste que les dolines résultant de la fusion de plusieurs dolines. Elle présente une forme généralement plus complexe que celle des dolines. Il existe des dolines temporaires qui connaissent des périodes d’assèchement. Certains organismes comme les poissons, les crevettes, ne peuvent s’y développer. En revanche certaines espèces, comme Lynceus insularis, un petit crustacé, s’y développe car son cycle de vie particulier est adapté à cette alternance de période d’innondation et d’assèchement. 21 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Un cours d'eau est un écoulement de surface d'eau liquide entre une source et une embouchure avec un débit plus ou moins important ; les fleuves, les rivières, les ruisseaux sont des cours d’eau. Certains cours d’eau peuvent être permanents, l’eau circule toute l’année. D’autres sont temporaires et s’assèchent régulièrement, en totalité ou sur quelques portions. Le périmètre Ramsar est parcouru par de nombreux cours d’eau dont les plus connus sont la Rivière des Lacs, la Rivière Bleue, la Rivière Blanche, la Yaté… La vitesse de circulation de l’eau joue un rôle sur les conditions de vie et donc sur la distribution des espèces. Certaines affectionnent les milieux agités où l’oxygénation de l’eau est importante, c’est le cas des mulets ou encore du gueule orange. D’autres, comme le Galaxias neocaledonicus, préfèrent des milieux plus calmes. Les cours d'eau Milieu lentique versus milieu lotique Un milieu lentique désigne un milieu au niveau duquel la circulation des eaux douces est lente voire nulle. Les lacs et les dolines, sont des milieux lentiques. À l'inverse, un milieu lotique se caractérise par une circulation rapide de l'eau de l'eau, comme c'est le cas pour les rivières et creeks. 22 En exploration au fil des eaux

La ripisylve est un espace de transition entre le milieu terrestre et le milieu aquatique, un écotone essentiel au bon fonctionnement des rivières. Ripisylve, du latin ripa pour rive et sylve pour forêt, désigne l’ensemble des formations végétales qui bordent les cours d'eau ou les lacs. Ces formations végétales peuvent être de type herbacées, buissonnantes, arbustives ou arborées selon les espèces qui s’y développent. Celles-ci ont toutes en commun la capacité de résister aux mouvements de l’eau et à l’alternance de période d’innondation et d'assèchement. Le caractère essentiel des ripisylves tient au fait qu'elles assurent de nombreuses fonctions, dont notamment : • Le maintien des berges grâce aux racines de la végétation qui limitent les phénomènes d’érosion. • La réduction du réchauffement de l’eau, de part l’ombrage apporté par sa végétation, limitant ainsi les phénomènes d’eutrophisation. • La diversification des habitats pour les espèces animales. La ripisylve Rivulaire, ripicole ou lacustre Ces trois mots sont utilisés pour désigner les plantes ou animaux vivant à proximité d’un cours d’eau ou d’un plan d’eau. Rivulaire et ripicole sont synonymes et désignent un organisme qui vit ou pousse sur les rives immergées d'un cours d'eau ou plan d'eau. Lacustre est réservé aux végétaux qui se développent au niveau d’un plan d’eau calme, comme un lac. 23 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

En Nouvelle-Calédonie, les maquis sont des formations végétales qui se développent sur les sols ultramafiques, indépendamment de l’altitude et de la pluviométrie. La végétation que l’on y rencontre est constituée d’herbes et ou d’arbustes buissonnants. Dans le périmètre Ramsar, le maquis est dit hydromorphe, ce qui signifie qu’il pousse sur un sol gorgé d’eau. On distingue le maquis à hydromorphie temporaire ou permanente selon que le sol est gorgé d’eau de façon temporaire ou permanente. Les maquis hydromorphes Le maquis à hydromorphie temporaire Cet habitat ne se rencontre que dans l’extrème sud de la Grande Terre. Il se caractérise par : • Une strate herbacée discontinue, majoritairement composée de cypéracées, telles que Tetraria comosa et Lepidosperma perteres, facilement reconnaissables car elles forment des touffes dont les feuilles peuvent atteindre jusqu’à 1m de hauteur. • Une strate arbustive ne dépassant pas 1,50 m dont Xanthostemon aurantiacus et Stenocarpus umbelliferus sont les espèces les plus caractéristiques. Le maquis à hydromorphie permanente Ce maquis se développe dans des zones où le sol est continuellement gorgé d’eau. Il se caractérise par : • Unestrateherbacéecomposéedecypéracées, appartenant aux espèces Schoenus brevifolius et Chamaedendron xyridioides. • Une strate arbustive dominée par Pancheria communis. L’organisation de la végétation Les formations végétales sont organisées selon un axe vertical. On distingue classiquement quatre étages ou strates de végétation du bas vers le haut : la strate muscinale (des mousses et des champignons), la strate herbacée (des fougères et des hautes herbes), la strate arbustive (des arbrisseaux ou des arbustes) et la strate arborescente (des arbres adultes). Il faut y ajouter une cinquième strate, souterraine : la strate racinaire, où prend place une partie importante de la nutrition des plantes. Strate arborescente à partir de 5 m Strate arbustive = de 1 à 5 mètres Strate herbacée = 1 m Strate mucinale = 0,5 m Strate racinaire 24 En exploration au fil des eaux

Maquis à hydromorphie permanente Maquis à hydromorphie temporaire 25 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Les marais désignent généralement des étendues de terres relativement vastes recouvertes en permanence d'une nappe d'eau peu profonde, recouverte de plantes aquatiques comme les sphaignes, les xyris, les cypéracées et les niaoulis. Les marais sont des puits à carbone. Ils contiennent presque un tiers du carbone stocké dans le sol sur la planète, et environ la moitié du gaz carbonique (CO2) en provenance de l’air. De ce fait, ils jouent un rôle important pour la protection contre le réchauffement climatique. Les marais ou zones marécageuses 26 En exploration au fil des eaux

Retour dans le passé… La biodiversité évolue au cours temps. Cette évolution, permanente, s'observe et s’étudie grâce à l’étude des roches, des pollens et des fossiles. Que nous racontent-ils sur les espèces et paysages de la région du Grand Sud ? Que nous disent les fossiles ? Les fossiles retrouvés dans le Grand Sud témoignent d’un milieu tropical riche, typique des forêts humides pour le secteur de la Rivière des Pirogues, et des maquis sur terrains ultramafiques pour le secteur de la Plaine des Lacs. Des fossiles de feuilles de fougères, de rameaux de conifères peuvent d’ailleurs être observés au niveau du parking des Chutes de la Madeleine. Mais, aucun fossile typique des zones marécageuses… Ce qui signifie qu’il y a environ 20 millions d’années, la région des Grands Lacs n’avait pas le même faciès13. Que nous disent les roches ? Les roches nous indiquent qu’il y a plusieurs millions d’années, les rivières de Yaté, Kwé Binyi et Kwé étaient déjà bien individualisées et s’écoulaient vers l’est. Puis, en raison de la subduction du Vanuatu qui a débuté à l'Est de la Nouvelle-Calédonie il y a 12 Ma, la zone « Unia-Goro » s'est soulevée légèrement, provoquant un barrage et l'accumulation d’eau et la formation fluvio-lacustre14 du Grand Sud telles que nous les connaissons aujourd’hui (Pierre Maurizot, 2023). Yaté Kwé Kwé Binyi Bloc Unia Goro Gorges de raccordement Bloc Unia Goro Yaté Déversoir Récif soulevé Capture Pirogues Kwé Kwé Binyi 13 Faciès : aspect. Pour les géologues, faciès est un terme général qui est utilisé pour décrire, notamment, une roche ou un minéral. 14 Formations fluvio-lacustres (géologie, sols et végétation) spécifiques des zones où l’on rencontre cours d’eau et étendue d’eau stagnantes. Des fossiles de gouttes de pluies Des traces fossiles d’impacts de gouttes de pluie ont même été observées au niveau du bassin de la mine des japonais ! 27 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

De nombreuses espèces ont élu domicile dans les habitats des zones humides : des poissons, des mollusques et des crustacés bien sûr, mais également des mousses, des fougères, des champignons, des insectes, des oiseaux ou encore des lézards. Certaines de ces espèces sont menacées d'extinction car elles sont micro-endémiques et leur population est peu importante. La liste rouge L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) établit chaque année un inventaire mondial de l'état de conservation global des espèces végétales et animales. Celui-ci s'appuie sur une série de critères précis15 permettant d'évaluer le risque d'extinction des espèces. Son principal objectif est d'alerter le public, les gestionnaires et les pouvoirs publics sur l'ampleur du risque d'extinction qui frappe de nombreuses espèces et la nécessité urgente de développer des politiques de conservation. Outil de référence, la liste classe les espèces dans l’une des sept catégories suivantes : 15 La taille de la population, la disparition de son habitat naturel et le nombre d'individus qui ont atteint la maturité sont quelques-uns des critères utilisés par l’UICN. Liste rouge de l’UICN menacé EX EW CR EN VU NT LC �teint Préoccupation mineure Entre les espèces éteintes, et celles non menacées (préoccupation mineure), il existe 3 catégories pour lesquelles le niveau de menace est significatif : Ce sont les espèces en danger critique d'extinction. Ce sont les espèces considérées comme en danger. Ce sont les espèces vulnérables. La diversité des espèces 28 En exploration au fil des eaux

La classification des espèces Classification des espèces vivantes (Média Larousse) Les organismes vivants sont classés dans des groupes, puis dans des sous-groupes en fonction de caractéristiques qu’ils ont en commun. Depuis quelques années, la classification n’est plus uniquement basée sur l’observation de caractères observables mais sur des caractères issus de disciplines scientifiques telles que la biochimie, la paléontologie, l’embryologie, et la génétique… La classification phylogénétique apporte des informations sur le degré de parenté entre les êtres vivants et donc sur l'évolution des espèces. 29 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Les végétaux se différencient des champignons et des animaux par leur capacité à assimiler de la matière minérale (eau, sels minéraux) et la transformer en matière organique, avec laquelle ils vont fabriquer leurs feuilles, racines, tiges. On dit qu'ils sont autotrophes. Principe de la photosynthèse16 Grâce à l’énergie du soleil, en combinant les molécules de dioxyde de carbone aux molécules d’eau, le végétal synthétise des molécules organiques (sucres simples) et rejette du dioxygène. Le règne végétal comprend plusieurs grands groupes : les diatomées, les algues vertes, les lichens, les mousses, les fougères, et les plantes à graines parmi lesquelles les gymnospermes (conifères) et les angiospermes (plantes à fleurs). Ces grands groupes reflètent l’histoire de l’évolution des végétaux qui au cours du temps ont acquis certains caractères leur permettant de passer du milieu aquatique originel au milieu terrestre. 16 Processus par lequel les végétaux synthétisent des matières organiques grâce à l'énergie lumineuse, en absorbant le gaz carbonique de l'air et en rejetant l'oxygène. Lumière Photosynthèse Molécules organiques CO₂ H₂O + sels minéraux Algues vertes Milieu marin originel Milieu aérien Colonisation du milieu aérien Bryophytes Ptéridophytes Gymospermes Spermatophytes Angiospermes Système racinaire Système racinaire + Vaisseaux conducteurs de sève Système racinaire + Vaisseaux conducteurs de sève + Cônes Système racinaire + Vaisseaux conducteurs de sève + Feurs Des crachats de lune Premiers organismes capables de réaliser la photosynthèse, les algues bleues ou nostocs forment des sortes de plaques gélatineuses marron que l'on peut observer au fond des dolines. Le règne végétal 30 En exploration au fil des eaux

Les diatomées rendent de nombreux services écosystémiques : • Elles sont un des premiersmaillons de la chaîne alimentaire pour certaines espèces qui s'en nourrissent • Elles contribuent à la production de 20% de l'oxygène atmosphérique • Très sensibles aux perturbations physiques et chimiques de l'eau, elles sont aussi de bons indicateurs de la santé des cours d'eau. En Nouvelle-Calédonie, le taux d’endémisme de la famille des Diatomées est de 40%. Parmi ces dernières, 49% sont inféodées aux substrats ultramafiques, et donc présentes dans le Grand Sud. Gomphonema sp. - Creek Pernod Les diatomées Les diatomées sont des micro-algues unicellulaires. Elles sont présentes dans tous les milieux aquatiques, tant qu’il y a de la lumière : mares, rivières, étangs, lacs, en eau douce, saumâtre ou encore marine (Histoire des diatomées, 2016). Dans le monde, 18 672 espèces de diatomées ont déjà été décrites par les scientifiques (Données 2023, AlgaeBase), et environ 8 000 espèces resteraient à découvrir. De formes et de taille très variables (les plus grandes peuvent mesurer jusqu’à 1 mm), leur corps est formé de deux coques siliceuses qui s’emboîtent pour former une enveloppe dans laquelle se trouve la cellule. Une méthode d’échantillonnage particulière Pour échantillonner les diatomées, les scientifiques grattent à l'aide d'une brosse à dent, le tapis d'algues (biofilm) accumulé sur la surface des roches. Mastogloia sp.Mamié - Creek de Yaté Epithemia miranda 31 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Les plantes aquatiques : hydrophyte, hélophyte et hygrophyte Les plantes aquatiques sont classées en plusieurs catégories selon leur affinité pour l’eau. - Les hydrophytes vivent totalement immergées dans l’eau. Elles peuvent flotter librement ou être enracinées dans le sol comme la fougère aquatique de Franc. - Les hélophytes ou semi-aquatiques se développent dans un sol gorgé d’eau, mais restent quasi-totalement émergées. C’est le cas de la sphaigne. - Les hygrophytes, poussent sur terre mais dans des sols très humides. Hélophytes Eriocaulon neocaledonicum Retrophyllum minus Hydrophytes Utricularia uliginosa Blechnum francii Hygrophytes Cunonia deplanchei Greslania rivularis Eriocaulon neocaledonicum Nom commun : coton-tige Milieu de vie : dolines, bords des cours d’eau, lacs Plante semi-aquatique qui vit dans les eaux peu profondes et claires. Elle peut résister à des assèchements réguliers de plusieurs mois par an. Elle doit son nom scientifique et commun à son allure de « coton-tige » avec ses fleurs blanches en forme de boule qui affleurent à la surface de l’eau, et qui peuvent parfois fleurir sous l'eau d'octobre à décembre. Utricularia uliginosa Nom commun : utriculaire de la Plaine des Lacs (ou utriculaire à fleurs violettes) Milieu de vie : dolines, marais, cours d’eau à courant faible, suintements permanents, bords de creeks Plante carnivore aquatique, présente uniquement dans les zones humides du Grand Sud, à la Plaine des Lacs et au Creek Pernod notamment. Moins connue que les droséras en raison de sa petite taille, elle est pourtant relativement commune. Pour capturer ses proies, elle dispose d’un piège très perfectionné. De petites vésicules ressemblant à des ampoules de 1 ou 2 mm submergées dans l’eau ou la boue sont équipées d’un clapet muni de cils « détecteurs ». Lorsqu’une proie effleure un des cils, le clapet s’ouvre et aspire la proie en un millième de seconde. Les plantes aquatiques 32 En exploration au fil des eaux

Blechnum francii Nom commun : fougère aquatique de Franc Milieu de vie : doline et cours d’eau Fougère endémique exclusivement aquatique qui s’enracine dans le lit des rivières à des profondeurs pouvant atteindre jusqu’à 10 mètres. Plus elle pousse profond, plus ses frondes sont longues (elles peuvent atteindre 60 cm). Découverte en 1912 par Isodore Franc dans la Rivière Bleue, elle y a depuis disparu en raison de la construction du barrage de Yaté. Sphagnum sp. Nom commun : sphaigne Milieu de vie : tourbières Les sphaignes sont des mousses très particulières à l’origine de la formation des tourbières. Elles jouent un rôle important dans la régulation des écoulements d’eau car elles peuvent se gorger d’eau et stocker jusqu’à 90% de leur poids en eau (Suprin, 2011). Seules deux ou trois espèces de sphaignes sont présentes en Nouvelle-Calédonie, dont une récemment découverte sur les bords du Lac Xéré Wapo : la sphaigne de la Plaine des Lacs. Malgré une prospection intense des dolines de ce secteur, elle n’a pu être trouvée qu’autour de ce lac, à proximité immédiate de la fosse minière. Les hépatiques, des mousses particulières Autrefois classées avec les mousses, les hépatiques ressemblent à des algues ou bien des mousses aplaties. Dans la nouvelle classification phylogénétique, les hépatiques forment un groupe à part appelé Marchantiophytes. L’archipel néocalédonien figure parmi les quatre territoires du globe les plus riches en hépatiques (Von Konrat et al. 2008). Danger d'extinction Vulnérable Endémique Protégée Rare Rare, en danger critique Danger critique d'extinction 33 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Certaines plantes des zones humides figurent sur la liste rouge de l’UICN et sont donc menacées à des degrés divers : en danger critique d’extinction (CR), en danger d’extinction (EN) ou vulnérable (VU). Les redlistées Dacrydium guillauminii Nom commun : queue de chat Milieu de vie : berges de la Rivière des Lacs Petit arbuste de 1 à 2 m, à croissance lente, qui pousse exclusivement les pieds dans l’eau. Ce sont ses feuilles en forme d’aiguilles très touffues qui lui ont valu ce surnom de queue de chat qui lui aurait été donné par l'historien Luc Chevalier. C’est un des conifères les plus rares au monde : la population la plus importante se situe sur le site de la réserve naturelle des Chutes de la Madeleine et quelques individus peuvent être observés au niveau des berges de la Rivière des Lacs. Geissois bradfordii Milieu de vie : Rivière Bleue Décrite relativement récemment (2007), une seule population de cette espèce est connue à ce jour. Celle-ci est localisée dans une zone très restreinte du Parc de la Rivière Bleue, en sous-bois de forêt humide le long des berges de la rivière. Dracophyllum cosmelioides Nom commun : dragonnier nain Milieu de vie : berges des cours d’eau et des lacs Arbrisseau endémique du sud de la Grande Terre. Il est reconnaissable à ses fleurs rouges et à ses feuilles très étroites et regroupées formant une sorte de pinceau. Comme la plupart des espèces vivant sur les berges des cours d’eau ou rivière, il est très vulnérable en cas d’assèchement. 34 En exploration au fil des eaux

Retrophyllum minus Nom commun : bois bouchon Milieu de vie : berges de rivières et bords de creeks Petit conifère archaïque reconnaissable à son tronc évasé vers le bas. Il est endémique de la Plaine des Lacs et ses environs. Il pousse les pieds dans l’eau, le long des rives des cours d’eau et des petits lacs où il forme de petites souspopulations. Autrefois, son bois était utilisé par les mineurs pour la confection des bouchons (bois léger). Cunonia deplanchei Milieu de vie : marécages, maquis hydromorphes sur substrat ultramafique Arbuste présent uniquement dans le Grand Sud, sur terrains miniers au niveau de la Plaine des Lacs et du Creek Pernod notamment. Ses inflorescences rouges-roses très voyantes ont une forme de brosse à bouteille et portent entre 30 et 60 fleurs. Myodocarpus touretteorum Milieu de vie : marais Arbustemicro-endémique de la Plaine des Lacs. Il affectionne les zones humides et marais sur substrat ultramafique. Cette espèce, abondante dans les zones marécageuses, ne semble aujourd'hui pas directement menacée. Mais sa faible aire d'occupation et le développement potentiel de l'exploitation minière au Creek Pernod font que l'espèce est considérée comme quasi-menacée (NT). Danger d'extinction Vulnérable Endémique Protégée Rare Rare, en danger critique Danger critique d'extinction 35 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Située à l’interface entre le milieu aquatique et le milieu terrestre, la ripisylve abrite de nombreuses espèces végétales adaptées à une alternance de période d'assèchement et d’inondation avec parfois des courants très forts. Greslania rivularis Milieu de vie : berges des cours d’eau Herbacée endémique appartenant au groupe des bambous. Présente dans le Grand Sud, notamment sur les berges de la Rivière Bleue où elle très commune, elle peut atteindre 4 m de haut, ce qui en fait la plus grande espèce de bambou endémique. Homalium kanaliense var. kanaliense Milieu de vie : berges innondées Arbuste endémique dont la variété kanaliense n’est présente que dans le sud de la Grande Terre, notamment au niveau de la Plaine des Lacs. Il est reconnaissable à ses feuilles coriaces et dentées et à ses petites fleurs blanches ou verdâtres qui attirent les abeilles. (Suprin, 2011). Les autres curiosités 36 En exploration au fil des eaux

Boronia pancheri Milieu de vie : cours d’eau et maquis hydromorphes Arbrisseau d’environ 50 cm, possèdant des fleurs roses et blanches et de petites feuilles coriaces. Ses racines très ancrées et ses branches souples lui permettent de résister aux crues et aux courants violents (Suprin, 2011). Le « cousin » niaouli Les zones de marais constituent l’habitat d’origine du niaouli. Son implantation dans des zones plus sèches a été favorisée par le feu. De cette espèce est extraite une huile essentielle : le goménol, huile antiseptique et antibactérienne. Elle permet aussi de traiter les problèmes respiratoires et est utilisée en soin de la peau, notamment pour traiter les infections cutanées. Melaleuca brongniartii Milieu de vie : formations rivulaires Arbrisseau exclusivement présent au sud de la Grande Terre, sur les berges de la Rivière Bleue et de la Plaine des Lacs. Son tronc puissant et flexible lui permet de résister à la violence des crues. Son écorce papyracée, c’est-à-dire composée de feuillets superposés, rappelle celle de son « cousin », le niaouli (Melaleuca quinquenervia). Danger d'extinction Vulnérable Endémique Protégée Rare Rare, en danger critique Danger critique d'extinction 37 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

Planchonella baillonii Milieu de vie : formations rivulaires, laisses des rivières, creeks du Grand Sud Principalement présent dans le sud de la Grande Terre, cet arbuste a souvent un port penché en raison de la force des courants auxquels il doit résister. Ses fleurs rose foncé ont une odeur d’œillet ou de clou de girofle. Cloezia buxifolia Milieu de vie : maquis hydromorphes, berges des cours d’eau Arbrisseau uniquement présent dans l’extrême sud de la Grande Terre, sur les sols ultramafiques. Il est reconnaissable à ses petites feuilles coriaces et ses petites fleurs jaunes généralement regroupées par 2 ou 3. Xanthostemon myrtifolius Milieu de vie : formations rivulaires Cet arbuste, très commun dans le sud de la Grande Terre, est reconnaissable à ses fleurs jaunes ou rouges aux grandes étamines. Sa silhouette peut faire penser à celle d'un bonsaï géant. Podocarpus novae-caledoniae Nom commun : podocarpus de rivière Milieu de vie : berges des cours d’eau, suintements permanents exclusivement sur terrain minier Conifère buissonnant dont les fruits sucrés, mais rares, sont comestibles. Son écorce se détache en petites plaques rouge sombre (Suprin, 2011). Cette espèce aisément cultivable peut être utilisée comme plante ornementale. Les autres curiosités 38 En exploration au fil des eaux

Garcinia amplexicaulis Milieu de vie : maquis hydromorphes Commun dans les secteurs humides des maquis miniers, cet arbrisseau peut aussi se développer sur tout type de substrat (à part la savane et les zones sèches du littoral). Sa morphologie varie selon le milieu dans lequel il croît. En milieu humide, il développe une base renflée, le lignotuber ; bourrelet riche en amidon des racines. Son fruit comestible a un goût de pomme et de raisin fermenté. Autrefois, la sève de cet arbrisseau était utilisée par les Kanak, pour faire des pièges à glu pour chasser les oiseaux. (Suprin, 2011). Danger d'extinction Vulnérable Endémique Protégée Rare Rare, en danger critique Danger critique d'extinction 39 Direction du Développement Durable des Territoires de la province Sud I En exploration au fil des eaux

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