SudMag #23, avril 2025

12 SUD'MAG #23 | Avril 2025 Renforcer lesmoyens humains, déployer les innovations numériques à plus large échelle, et poursuivre le travail partenarial engagé avec les acteurs économiques et sociaux. Ces trois objectifs fixés par la DEL de la province Sud ont été largement malmenés l’année dernière suite aux violence initiées depuis le 13 mai et qui a touché en premier lieu l’emploi en province Sud. « Du jour au lendemain, des familles se sont retrouvées sans revenus et le chômage partiel est loin d’être accessible à tous. Avec 9 500 demandeurs d’emploi actifs en mars 2025, la province Sud fait face à une hausse de 35 % en un an, explique Marie Benzaglou, directrice de la DEL. Certaines de nos antennes ont été directement touchées. Certains de nos agents aussi et pourtant, dès la mi-juin, nous avons réouvert, et au même titre que nos demandeurs d’emploi, nous avons été émotionnellement impactés. La première chose que nous avons dû gérer, c’est l’état de choc », ajoute Christophe Bergery, secrétaire général adjoint.. Des mots durs, mais qui soulignent une réalité qui semble vouloir s’installer dans la durée. « Si depuis dix mois nous avons sû réagir en urgence notamment en travaillant et en ouvrant désormais en continu, nous sommes aujourd’hui confrontés à une forte augmentation du nombre de demandeurs d’emploi. Il n’y a qu’à regarder le hall pour comprendre l’ampleur de la situation». 9500 demandeurs En effet, l’accueil de la DEL de Ducos, c’est le même scénario qui se répète depuis sa réouverture en juin dernier. Les guichets ne désemplissent pas. Si l’effervescence est visible, l’inquiétude des administrés est également palpable. Ici, ils viennent chercher des réponses, parfois immédiates, à leur difficulté. Pour Jean-Claude, 43 ans et quatre enfants, habitant de Robinson « la situation est très compliquée. J’étais salarié sur la zone de Kenu-In et pour moi venir ici, c’est un peu chercher de l’aide pour trouver un emploi. Ce n’est pas la première fois que je viens, mais moralement, c’est difficile à accepter ». Travailler sur la confiance en soi, la revalorisation de son expérience et prendre conscience que l’aide publique si elle ne peut pas tout, reste une force. Le “vivier” de la province Sud est éclectique et regroupe « toutes les catégories socio‑professionnels, tient à souligner l’équipe encadrante. Les entreprises ne doivent pas avoir une mauvaise image de notre vivier. Nous avons des personnes très “employables” et notre travail consiste à aider les deux parties à se rencontrer ». Pour y parvenir, la DEL s’est dotée de nouveaux outils pour répondre avec agilité au marché du travail calédonien. Mais il faut parfois aussi reconstuire la confiance en soi. Pour y parvenir, la DEL a lancé un ensemble de formation et coaching ouverts aux demandeurs d’emploi. Gaëlle Nastasi, l’une des formatrices agrées, a entièrement repensé son atelier “Softs Skills” suite aux émeutes. « J’ai créé de nouveaux modules au sein de cet atelier car j’ai vu arriver un public fragilisé par la situation, souvent en perte de confiance et sans avoir conscience de toutes les compétences qu’ils peuvent avoir développé au cour de leur carrière. Demander à une personne qui a travaillé dans la même société depuis 20 ans de retrouver un emploi, c’est pour certains une démarche qu’ils jugent impossible. Il faut s’adapter à un nouveau ryhtme, de nouvelles méthodes. Il est important de se prouver à quel point nous sommes capables de rebondir. Je suis là pour les aider et accompagner la direction dans cette voie ». Postuler utile… Une voie qu’il n’est pas toujours facile de trouver pour les demandeurs d’emploi. À l’exemple de Thérèsa, licenciée en mai dernier suite à l’incendie de la société qui l’employait depuis une vingtaine d’années. « Pour moi ça a été un choc total. Je me suis retrouvée à près de 50 ans sans emploi. Après 50 CV sans réponse, j’ai décidé de me faire aider dans mon parcours. J’ai eu le réflèxe de m’inscrire en ligne auprès de la DEL et j’ai ensuite suivi un atelier d’employabilité et une formation plus longue pour me reconvertir. Aujourd’hui j’ai retrouvé un CDD, mais je vais continuer à me former. Je n’ai pas le choix. » Un « choix » que c’est également imposé Kévin qui, à 40 ans et père de deux enfants, a décidé de prendre un nouveau départ. « Je travaillais sur Goro et les allers-retours ne correspondaient plus à ce que je voulais pour moi et mes enfants. Mais se retrouver sur le marché du travail pour entamer une reconversion, il faut beaucoup de volonté si on est seul. J’ai décidé de prendre contact avec la DEL pour changer de métier et vivre sur Nouméa car dans mon expérience précédente, le secteur est devenu compliqué. Je passe d’opérateur logistique à brancardier et après une formation et toute la paperasse administrative, je suis maintenant dans l’attente de réponses des employeurs ». Pour les demandeurs d’emplois, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans un marché en total mutation depuis le début des exactions. La DEL propose de multiples services qui ne se limitent pas « venir pointer, loin de là ! précise Marie Benzaglou. Nous aidons aux démarches administratives, à la reconversation, à la création d’entreprise, au développement des compétences professionnelles et aux techniques de recherche d’emploi. Nous avons choisi de poursuire notre accompagnement de proximité. Il est nécessaire de venir nous voir car on voit beaucoup de personnes qui ne savent pas s’y prendre ou qui ont besoin d’aider pour postuler utile. ». Avec 45 conseillers emploi/logement et 3 conseillers insertion, la DEL propose un suivi personnalisé. 65 % sont polyvalents, capables de traiter à la fois les problématiques d’insertion professionnelle et d’accès au logement. Depuis sa création, la DEL a renforcé sa présence hors de Nouméa, doublant presque ses effectifs dans l’agglomération et les communes rurales. Une organisation mise à mal depuis mai 2024. … et maximiser ses chances Même si la palette de solutions et opportunités proposées par la DEL n’est pas exhaustive, elle a le mérite de pouvoir répondre quasi de manière quasi individualisée à chaque demandeur d’emploi. La difficulté actuelle réside dans le nombre de demandeurs face à un marché du travail restreint, mais il ne faut pas se décourager. Pour Antoine, à 57 ans, la pilule reste difficile à avaler. Ce cadre n’avait jusqu’à présent rencontré aucune difficulté pour trouver du travail, « mais dans la situation actuelle, après mon licenciement et avoir cherché sans résultat, j’ai fini par récemment contacter la DEL car j’avais le sentiment que ma carrière professionnelle en tout cas en Nouvelle-Calédonie était terminée. Les conseillers m’aident aujourd’hui à ouvrir le champ des possibles pour me reconvertir. Reprendre une entreprise, faire un bilan de compétence ou encore changer de secteur ou de profession. Voire même me mettre à mon compte ! J’ai compris qu’il fallait s’ouvrir à de nouvelles opportunités pour maximiser mes chances de rebondir et pour cela il est nécessaire d’être accompagné ». Ne pas se sentir seul. Ne pas s’isoler, c’est aussi l’une des missions de la direction de l’Emploi et du Logement. Et pourquoi pas se former en partenariat avec les organismes présents sur le territoire. C’est le choix de Charlotte qui a décidé de se lancer « dans une formation individuelle avec la CCI. Je ne savais pas que la DEL pouvait m’aider à financer en partie cette formation et cela a été un grand soulagement. Je remplissais l’ensemble des critères pour y parvenir et j’ai décidé de faire de mon licenciement quelque chose de positif. Il faut absolument avancer et se réinventer ».

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