Juin 2025 | SUD'MAG #25 7 L'équipe du Médipôle devant le jardin botanique proposé au budget participatif. Un effet levier Pour Nicolas Pannier, secrétaire général de la collectivité, « le budget participatif en province Sud n’a pas seulement permis de financer des projets : il a modifié en profondeur la manière dont les habitants perçoivent leur pouvoir d’agir. Il a aussi fait évoluer les pratiques institutionnelles. Moins visible que les inaugurations ou les conventions, ce changement culturel est pourtant l’un des effets les plus puissants du dispositif. Ce qui distingue le budget participatif des politiques d’investissement classiques, c’est sa capacité à cibler des besoins très locaux ». Autre impact mesurable : le regain de vitalité de certaines associations. Pour elles, le dispositif est un véritable tremplin. Il donne accès à un financement structurant, oblige à formaliser un projet, à se constituer en personne morale, à faire équipe. Il redonne de la confiance. Dans certains cas, des associations en sommeil ont été relancées. Dans d’autres, de nouveaux collectifs sont nés autour d’un projet précis. Chaque projet est aussi une aventure éducative. Déposer une idée, suivre son instruction, dialoguer avec l’administration, suivre un chantier, rendre compte de son impact… Cela demande des compétences. Et cela en développe. Le budget participatif devient ainsi un outil d’éducation populaire, mais aussi de professionnalisation. Il rapproche le citoyen de la décision publique, sans filtre ni idéologie. Il le met en situation de responsabilité, de négociation, de gestion. « Je n’ai jamais autant appris que depuis que nous nous sommes lancés avec notre APE pour des pergolas dans l’école de nos enfants », confie Eric, porteur du projet à Nouméa. « Je comprends mieux comment fonctionnent les institutions, comment on passe de l’idée au budget, comment on priorise. Et maintenant, je peux aider d’autres APE à faire pareil ». Un changement de posture institutionnelle Côté province, le changement est tout aussi réel. Les agents impliqués dans le dispositif ont dû adapter leurs pratiques. Être plus à l’écoute, plus pédagogues, plus souples aussi. Passer du rôle d’instructeurs à celui de facilitateurs. « Ce n’est pas toujours simple, mais c’est très enrichissant », explique un agent du service Aménagement. « On sort du cadre classique. On entre dans un dialogue. On apprend à dire non sans décourager, à expliquer les contraintes sans fermer la porte. » Cette nouvelle relation à l’usager‑citoyen est un marqueur fort. Elle oblige l’administration à se réinventer dans ses relations de proximité, à rééquilibrer le rapport au savoir, et à faire preuve de pédagogie. Dans un contexte souvent anxiogène en Nouvelle-Calédonie, le budget participatif est un signal positif. Il montre que des choses fonctionnent, que des citoyens et des élus peuvent collaborer, que l’action publique peut être lisible, utile, partagée. Il participe à restaurer une forme de confiance, là où tout semble parfois bloqué. Il permet de parler politique autrement : par les actes, par les projets, par le concret. Bien installé dans les zones urbaines, le budget participatif est aussi une opportunité pour développer le tissu associatif des communes plus rurales. Pour cela, la Province envisage d’intensifier les actions de sensibilisation hors des grands centres. Une rencontre a été organisée à Nouméa, mais aussi à La Foa, au plus près des habitants pour faire tomber les freins psychologiques (« ce n’est pas pour nous », « on ne saura pas remplir le dossier », etc.) et techniques (manque d’équipement informatique, maîtrise du langage administratif écrit…). Au-delà du budget participatif lui-même, l’objectif de la province est clair : faire émerger une culture plus vaste de la participation citoyenne. Cela passe par l’éducation — en introduisant la logique de projet dans les collèges et lycées —, par la formation des agents publics, par la valorisation des expériences réussies. Une promesse d’avenir Côté Province, les équipes saluent la qualité des interactions. « Ce dispositif change aussi notre façon de travailler. On est dans l’échange, dans le sur-mesure. C’est de la co-construction. » Marion Bastogi insiste : « Ce qui nous frappe, c’est la sincérité des projets. On n’est pas dans l’effet d’annonce. Ce sont des gens qui veulent vraiment améliorer quelque chose autour d’eux. Notre rôle, c’est de rendre cela possible. » Alors que la cinquième édition vient d’être lancée, l’enjeu est clair : poursuivre l’élan, élargir encore le cercle des participants, aller chercher celles et ceux qui ne se sentent pas légitimes à proposer. Dans les quartiers populaires, chez les jeunes, chez les personnes âgées. Car c’est là, souvent, que résident les meilleures idées. Le taux de sélection a lui aussi évolué, passant de 24 % en 2020 à 45 % en 2023. Cela s’explique par une meilleure compréhension des critères par les participants, un accompagnement renforcé et une volonté affirmée de faire vivre le dispositif. À terme, le budget participatif pourrait s’inscrire dans un écosystème plus large : chat en ligne, conventions citoyennes, budgets climat, co‑construction des politiques publiques… Autant d’outils complémentaires pour renforcer la démocratie locale. Avec cette cinquième édition, la province Sud confirme son engagement en faveur d’une gouvernance plus ouverte, plus collaborative, plus moderne. Le budget participatif n’est pas une mode. C’est un signal fort envoyé à tous les habitants : ici, vos idées comptent. Vos voix sont entendues. Et votre Province est aussi votre levier d'action.
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