SudMag, octobre 2025

GRATUIT L'ACTUALITÉ DE LA PROVINCE SUD www.sudmag.nc | #029 | Octobre 2025 SANTÉ SOIGNER À NOUVEAU PARTOUT

| 3 ÉDITO RESPONSABLE DE LA PUBLICATION : Sonia Backès | RÉDACTEUR EN CHEF : Nicolas Pannier | RÉDACTION : Direction de la communication de la province Sud. PHOTOS : Nicolas Bonneau, Fabrice Wenger, Nicolas Petit | MONTAGE : Com'Kris. IMPRESSION : 35 000 exemplaires - EIP Éditions & Impressions du Pacifique, sur du papier géré durablement FSC | ISSN 2497-6903. RETROUVEZ-NOUS EN LIGNE Toute l’actualité de la province Sud à tout moment, disponible sur votre ordinateur, tablette et smartphone : sudmag.nc Dites-nous ce que vous en pensez ! Donnez-nous votre avis sur le SudMag que vous avez entre les mains afin que les prochains numéros répondent toujours à vos attentes. Formulaire en ligne : province-sud.nc/form/suggestion-sudmag Octobre 2025 | SUD'MAG #29 Santé et sécurité : deux sujets souvent traités séparément, mais qui, dans les faits, racontent la même histoire. Celle d’une collectivité qui cherche à se protéger, à se reconstruire, à mieux vivre ensemble. Qu’il s’agisse de prévenir la violence ou de favoriser l’accès aux soins, de renforcer la présence médicale ou de lutter contre les faits de délinquance, tout commence par un même geste : prendre soin. Prendre soin, rénover et moderniser des centres médico-sociaux, pour que chaque admninistré de la province Sud trouve un accueil de proximité, humain et digne. En cinq ans, les CMS ont été modernisés, et de nouveaux équipements voient le jour pour répondre à la croissance des besoins. C’est aussi accompagner les médecins et les infirmiers qui s’engagent en Brousse, encourager les vocations, développer la télémédecine et renforcer la prévention — notamment dans la santé des femmes et des enfants, où chaque geste de sensibilisation peut sauver une vie. Prendre soin, c’est aussi protéger. Protéger nos jeunes, nos familles, nos agents de terrain. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en deux ans, les violences contre les forces de l’ordre ont presque doublé, et près d’un tiers des vols avec violence à Nouméa impliquent désormais des mineurs. Ces données ne sont pas que des statistiques : elles traduisent un malaise profond, une société fragilisée, où le sentiment d’insécurité touche chacun. Face à cela, la Province agit au-delà de sa compétence, en renforçant les dispositifs de prévention, en soutenant les communes dans leurs équipements de sécurité, en favorisant la médiation, la réinsertion et la cohésion. La santé et la sécurité ne sont pas deux politiques parallèles, mais les deux faces d’un même engagement. Celui d’une Province qui agit, non seulement pour réparer, mais aussi pour prévenir, apaiser et reconstruire le lien entre les habitants. Parce qu’au fond, tout commence là : dans cette attention portée à l’autre, dans ce souci du bien commun, dans ce choix résolu de croire que le collectif peut être une force. Prendre soin, c’est protéger la vie, sous toutes ses formes. Et c’est bien la mission première de la province Sud en cette période de reconstruction du bien vivre ensemble. Sonia Backès, présidente de l’assemblée de la province Sud.

4 | #29La lettre d’information de la province Sud pour rester informé chaque semaine Abonnez-vous en suivant le lien : province-sud.nc/mon-compte SOMMAIRE SUD'MAG #29 | Octobre 2025 Décryptage SUDSÉCURITÉ pour protéger les foyers Grand angle 5. ZOOM SUR 6. DÉCRYPTAGE Sécurité : la province déploie une stratégie ambitieuse et pragmatique 14. GRAND ANGLE Santé : répondre aux priorités et soigner le secteur 20. ACTUALITÉS Job d’été 2025, les inscriptions sont lancées 21. L’avenir en ligne de mire, la troisième promo du mentorat télémaque démarre 22. Budget participatif, l’école Yvonne Lacourt inaugure son projet 23. Sous les pergolas et au CDI, le collège Tuband retrouve sa sérénité 24. Le Lycée Lapérouse à Paris ! 26. SUR LE TERRAIN Logement social. En faire moins mais mieux ! 28. Un foyer pour la jeunesse à Bourail 30. Nouméa Women's Forum, 5e édition 42. VIVRE MA PROVINCE Économie circulaire, relance d’un appel à projets 43. Reconstruction en province Sud, des démarches simplifiées et rapides 45. Talents calédoniens, inspirer pour bâtir l’avenir 46. Déconnexion, authenticité et partage : Les nouvelles attentes des calédoniens 48. LES PHOTOS DU MOIS 50. LES VIDÉOS DU MOIS Sur le terrain SANTÉ, la province Sud en première ligne LOGEMENT SOCIAL En faire moins mais mieux ! 6. 14. 26.

ASSEMBLÉE DE PROVINCE, Les élus s’engagent pour reconstruire et protéger ZOOM SUR Sécurité : prévenir et protéger. La sécurité a constitué un axe central des débats. Le nouveau plan provincial de prévention de la délinquance 2025-2028 fixe un cap clair : mieux coordonner les acteurs, prévenir la délinquance juvénile, lutter contre les violences intrafamiliales, apaiser l’espace public et promouvoir la citoyenneté. En complément, l’initiative «SudSécurité» apporte une réponse immédiate aux inquiétudes des ménages. En finançant la sécurisation des logements des particuliers (portes, volets, alarmes, vidéosurveillance), la Province protège les familles tout en dynamisant les entreprises locales spécialisées. Objectif : faire de la Province un territoire où l’on se sent plus en sécurité. Plus d’information dans notre dossier, P.6 à 13. Logement : repenser l’équilibre. Les émeutes ont mis en lumière les fragilités du logement social à outrance et accéléré la vacance dans certains quartiers. Plutôt qu'accroître mécaniquement l’offre, la province Sud engage une stratégie de transformation : réduire le nombre de logements sociaux dans les zones saturées, mobiliser le parc vacant, diversifier les parcours résidentiels et résorber les squats. Cette approche pragmatique vise à recréer des quartiers attractifs et mixtes, adaptés aux besoins des familles, des jeunes, des personnes âgées ou en situation de handicap. Plus d’information P. 26. Santé : un maillage renforcé. La raréfaction des professionnels de santé reste un défi majeur. Après avoir ciblé les médecins et chirurgiens-dentistes, la Province élargit désormais son dispositif d’aide à l’installation aux sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes et orthophonistes. Ce soutien financier doit renforcer le maillage territorial et garantir une prise en charge équitable pour tous, notamment dans les zones éloignées du Grand Nouméa. L’assemblée a aussi prolongé une convention avec la commune duMont-Dore pour assurer le suivi médical des policiers municipaux. Une décision ponctuelle, mais symbolique, qui illustre la volonté provinciale de prendre soin de ceux qui veillent chaque jour sur la sécurité des habitants. Plus d’information dans notre dossier complet, P.14 à 17. L’assemblée de la province (APS) du 11 septembre dernier a confirmé une orientation claire : celle d’une collectivité en action face aux défis immenses laissés par les émeutes de mai 2024 et par la crise sociale et économique qui en découle. La séance a marqué une étape importante dans la volonté provinciale de restaurer la confiance, de sécuriser les habitants et de reconstruire durablement. Plus qu’une simple séance, cette assemblée témoigne d’une conviction : l’avenir de la province Sud se construira par des politiques ciblées, cohérentes et déterminées.

6 | SUD'MAG #29 | Octobre 2025 Portes fracturées, fenêtres arrachées, maisons incendiées, effractions à répétition, vols en pleine journée… Les émeutes de mai 2024 ont laissé de lourdes traces dans les quartiers résidentiels de la province Sud. À la crise économique s’est ajoutée une vague d’intrusions et de cambriolages qui a ébranlé le sentiment de sécurité des habitants. Pour y répondre, la province Sud déploie un nouveau dispositif inédit : SudSécurité, une aide directe à la sécurisation des logements et des particuliers. Entrée en vigueur prévue en janvier 2026. Le principe est simple : permettre aux propriétaires (occupants ou bailleurs) de renforcer la sécurité domestique des maisons grâce à un crédit en points, convertible en équipements de protection (portes blindées, volets, grilles, alarmes, caméras). Ce dispositif, qui sera soutenu financièrement par la collectivité, repose sur la plateforme numérique, Sud Pro, déjà ouverte pour les professionnels et qui mettra en relation les bénéficiaires et des prestataires locaux agréés. « Il ne peut y avoir de reconstruction sans sécurité, affirme SoniaBackès, présidentede la province Sud. Avec SudSécurité, nous voulons répondre vite et concrètement aux inquiétudes des Calédoniens. Nous travaillons déjà depuis plusieurs années à l’aide aux renforcements des effectifs de police dans les communes, à la mise en place de caméras et la sécurisation des commerces. Force est de constater que les vols, les effractions et les délits touchent de plus en plus les particuliers. Il nous fallait trouver une réponse adaptée et surtout supportable pour la Province ». Le dispositif permettra d’obtenir jusqu’à 240 crédits-points, équivalant à 240 000 francs. Ces crédits couvriront 20 % du montant des équipements seuls ou 30 % s’ils sont fournis et installés par l’entreprise. Le plafond de travaux subventionnables est fixé à 800 000 francs. Attention, un foyer ne peut bénéficier de l’aide qu’une seule fois, pour sa résidence principale, en logement individuel. Selon le bilan de la délinquance 2025, les cambriolages de résidences ont augmenté de 28 % par rapport à 2023, notamment dans les zones urbaines et périurbaines. Le Grand Nouméa concentre une part importante des intrusions, avec des pics à Magenta et Tuband, pour des vols souvent motivés par l’alcool ou des biens de première nécessité. Il est impératif d'inverser rapidement cette tendance. Soutien. Le soutien à l’économie locale est l’autre pilier de SudSécurité. En réservant le dispositif aux prestataires installés en province Sud, la collectivité entend soutenir les artisans, les entreprises de proximité, et plus largement l’activité dans les secteurs du bâtiment, de la domotique et de la sécurité. Pour certains entrepreneurs, ces marchés représentent une bouffée d’oxygène dans un contexte encore tendu. La plateforme Sud Pro jouera un rôle central dans l’activation du dispositif. Pensée comme une interface simple, fluide et sécurisée, elle permettra aux particuliers de déposer leur dossier, suivre l’état de leur demande, et choisir les prestataires référencés. Elle SUDSÉCURITÉ pour protéger les foyers

Octobre 2025 | SUD'MAG #29 | 7 DÉCRYPTAGE favorise également la transparence et le contrôle du dispositif en temps réel par les services provinciaux. Plus largement, SudSécurité s’inscrit dans une dynamique globale portée par le Plan Provincial de Prévention de la Délinquance 2025–2028. Ce plan stratégique comporte cinq priorités : protéger la jeunesse, lutter contre les violences intrafamiliales, prévenir les addictions, sécuriser l’espace public et promouvoir la citoyenneté. La sécurisation des logements participe à plusieurs de ces axes, en apportant une réponse directe aux atteintes aux biens, à la désocialisation et au sentiment d’abandon souvent exprimé dans les quartiers périphériques. Le programme sera déployé par vagues successives, dans la limite des crédits votés par l’assemblée de la province Sud. Chaque campagne donnera lieu à une évaluation des résultats et des retours terrain. Des ajustements sont prévus pour adapter le dispositif aux besoins exprimés. Le message est clair : la sécurité ne doit plus être un privilège, mais un droit garanti à tous. Et pour cela, il faut des outils opérationnels, accessibles, compréhensibles, activables. SudSécurité coche toutes ces cases, avec une ambition forte : replacer la confiance au cœur des foyers, et faire de la maison un refuge inviolable. ,, LA SÉCURISATION DES LOGEMENTS EST UNE RÉPONSE DIRECTE AUX ATTEINTES AUX BIENS. LA SÉCURITÉ NE DOIT PLUS ÊTRE UN PRIVILÈGE. Sonia Backès, présidente de la province Sud AssoSécurité, pour les associations Face à la recrudescence des intrusions, dégradations et vols qui affectent de nombreux locaux associatifs, la province Sud crée également un dispositif inédit baptisé AssoSécurité. Cette mesure vise à accompagner les structures de terrain dans la protection de leurs espaces. AssoSécurité s’adresse aux associations propriétaires de leurs locaux, situées en province Sud, et dont l’activité principale relève du sport, de la culture, de la santé, des loisirs ou de l’environnement. L’aide prend la forme d’une subvention pouvant couvrir jusqu’à 50 % des dépenses engagées, dans la limite d’un million de francs. Concrètement, les associations pourront faire financer des équipements de sécurité comme des portes renforcées, des grilles, des volets, des systèmes d’alarme ou de vidéoprotection. La demande s’effectue en ligne, via un formulaire dématérialisé accessible sur le site de la province Sud. Une enveloppe budgétaire de 50 millions de francs a été spécialement inscrite pour permettre le déploiement de ce programme dès le 1er décembre 2025. L’aide sera accordée dans la limite des crédits disponibles et selon les règles fixées par le règlement budgétaire de la collectivité. « Avec ce dispositif, la Province affirme une volonté claire : ne pas laisser les associations seules face à l’insécurité, et reconnaître leur rôle essentiel dans la cohésion sociale et la vie des quartiers. Pour les structures concernées, souvent fragiles financièrement, AssoSécurité représente un levier concret pour renforcer leur présence et leur sérénité sur le terrain » indique la présidente Sonia Backès. • Jusqu’à 240 000 F CFP d’aide (240 crédits-points). • Équipements éligibles : volets, grilles, portes blindées, alarmes, caméras de surveillance, serrures multipoints. • Conditions : être propriétaire occupant ou propriétaire bailleurs d’un logement individuel, occupé en résidence principale et situé en province Sud. • Plateforme : SUD PRO (dépôt de dossier, suivi, choix du prestataire). • Taux d’aide : 20 % si fourniture seule, 30 % si fourniture + installation (pas de financement de pose seule). • Plafond de travaux subventionnables : 800 000 F CFP. • Réservé aux prestataires locaux agréés par la province Sud. • Mesure encadrée par le Plan Provincial de Prévention de la Délinquance 2025–2028. En pratique

8 | SUD'MAG #29 | Octobre 2025 La montée de la violence juvénile • +96,6 % de violences contre les forces de l’ordre (ADAP) entre mi-2023 et mi-2025 : 110 gendarmes et 2 policiers blessés. • +86,3 % d’incendies volontaires, souvent liés à des actes de vandalisme ou des tensions post-émeutes. • +28 % de cambriolages de résidences, notamment dans les zones urbaines et périurbaines. • +12,1 % de victimes de violences intrafamiliales (VIF) en deux ans, avec une part inquiétante de mineurs touchés (13 % en zone police, 22 % en zone gendarmerie). • À Nouméa, 29 % des vols avec violence impliquent des mineurs. C’est une stratégie à la fois ambitieuse et pragmatique que la province Sud déploie pour la période 20252028 : son nouveau Plan Provincial de Prévention de la Délinquance (PPPD) se veut un levier majeur de reconquête de la tranquillité publique. Dans un contexte post-émeutes marqué par une forte attente des citoyens en matière de sécurité, la collectivité affiche des priorités claires : agir sur les causes de la délinquance juvénile, sécuriser les équipements publics, mieux accompagner les victimes et prévenir les récidives. L a jeunesse est au cœur de toutes les attentions, tant des signaux de fragilité se sont multipliés ces dernières années. Pour enrayer les dérives dès les premiers symptômes, la Province entend renforcer la détection précoce en milieu scolaire. Des travailleurs sociaux interviendront directement dans les établissements dès que l’absentéisme d’un élève dépassera cinq demi-journées. En parallèle, les dispositifs éducatifs alternatifs seront renforcés avec, par exemple, la possibilité de faire effectuer jusqu’à 20 heures de Travaux Non Rémunérés (TNR) au sein des structures provinciales, sur décision du conseil de discipline dans les collèges. En dehors du cadre scolaire, les jeunes bénéficieront d’une offre d’accompagnement étoffée. Le programme Clic & Mouv’, qui propose des activités éducatives, sportives et culturelles pour les 11–17 ans, sera étendu avec une montée en puissance assumée, comme l’explique Léa Tripodi, élue provinciale à l’origine du dispositif : « Ce que nous proposons avec Clic & Mouv’, c’est une alternative concrète à l’errance et à l’ennui. Offrir un cadre valorisant aux jeunes, c’est aussi les tenir éloignés des mauvaises influences ». Autres moyens mobilisés : le soutien aux dispositifs de proximité comme Sport Action, les chantiers d’insertion, ou encore les aides aux communes pour structurer des projets occupationnels à destination de leur jeunesse. La prévention se décline ainsi à plusieurs niveaux, dans une logique de continuité éducative. Un centre d’accueil. Autre innovation majeure annoncée : l’ouverture en 2026 d’un dispositif d’accueil d’urgence pour mineurs, qui permettra une mise à l’abri immédiate des jeunes en situation critique. SÉCURITÉ, la Province continue de muscler sa stratégie

Octobre 2025 | SUD'MAG #29 | 9 DÉCRYPTAGE ,, Objectifs ? Protéger, évaluer, orienter. « Ce centre offrira un cadre temporaire mais structurant. Il s’agit d’agir tôt, efficacement et humainement », insiste Nicolas Pannier, secrétaire général de la province Sud. « Ce que nous voulons éviter, c’est la rupture totale avec le système éducatif ou familial. » Un second dispositif d’accueil est également à l’étude pour prendre en charge les mineurs en errance nocturne, en lien avec les communes, les travailleurs sociaux et les services judiciaires. NOUS AVONS LA RESPONSABILITÉ D’ASSURER UN CADRE DE VIE APAISÉ. Sonia Backès, présidente de la province Sud En parallèle de la prévention, la sécurisation des lieux sensibles reste une priorité. La Province a déjà placé des vigiles dans dix collèges classés à risque, en attendant la finalisation des travaux de sécurisation passive et active. Ces établissements font l’objet d’audits réguliers, intégrés dans un schéma global de tranquillité publique. Ce schéma couvre également les transports (présence de médiateurs, actions contre les incivilités), les établissements de nuit, les quartiers résidentiels et certains secteurs commerciaux. Il est co-construit avec les communes et les bailleurs sociaux, dans une logique de coordination renforcée. « Nous avons la responsabilité d’assurer un cadre de vie apaisé. Cela passe par la sécurisation, bien sûr, mais aussi par une action sociale résolue », souligne Sonia Backès, présidente de l’assemblée de la province Sud. « La sécurité est un préalable au vivre-ensemble, et elle ne peut reposer uniquement sur les épaules des forces de l’ordre. » Réinsérer. Le PPPD prévoit également la poursuite des stages de responsabilisation pour auteurs de violences, la réalisation de TIG et TNR sur le terrain, et le développement de parcours innovants, comme celui destiné aux jeunes suivis par la DPJEJ, qui pourront expérimenter un accompagnement à l’entrepreneuriat. Les violences intrafamiliales ne sont pas oubliées : la Province entend renforcer les actions du Relais, son service dédié à la prise en charge des victimes et auteurs. Elle envisage également la création de lieux d’accueil physique temporaire pour les conjoints violents, et le développement de passerelles avec les autorités coutumières lorsque cela est pertinent. Ce nouveau PPPD se distingue par sa logique de co-construction. Communes, éducateurs, associations, forces de sécurité, services sociaux, autorités coutumières : tous sont mobilisés autour d’une même stratégie, et doivent prendre leur part de responsabilité. L’objectif n’est pas seulement de contenir la délinquance, mais d’agir sur ses causes pour éviter qu'elle ne s'enracine. EN CHIFFRES 225 familles accompagnées en Aide Éducative à Domicile (303 enfants concernés). 92 jeunes engagés en Service Civique en 2023. Objectif : 150 en 2026. 10 collèges sensibles sécurisés par des vigiles en attente de travaux. 19 493 inscrits au programme Clic & Mouv’, dont 2 004 utilisateurs actifs. 5 postes d’éducateurs spécialisés financés dans les collèges prioritaires. 37 jeunes signalés en errance nocturne. 958 orientations vers des stages de responsabilisation pour auteurs de violences (2021–2023). 5 195 heures de TIG et TNR réalisées par 182 personnes. 73 % des collèges publics ont participé à l’enquête « Bien dans mes claquettes ». 2026 : ouverture prévue d’un centre d’accueil d’urgence pour mineurs en difficulté. Gil Brial, 2e vice-président de la province Sud Pourquoi ce nouveau plan de prévention est-il si stratégique pour la province Sud ? Parce qu’il s’inscrit dans un contexte où la demande de sécurité est forte, légitime, et doit recevoir des réponses concrètes. Ce plan articule prévention, accompagnement social, sécurisation des espaces publics et travail partenarial. L’idée n’est pas seulement de « gérer » la délinquance, mais de l’empêcher de s’installer, de la faire reculer. Le centre d’accueil pour mineurs en 2026, c’est une innovation ? Oui. Aujourd’hui, on manque d’outils adaptés pour mettre à l’abri immédiatement un jeune en situation critique. Ce centre permettra une prise en charge rapide, une évaluation éducative, et une orientation vers des solutions durables. Il s’agit d’agir tôt, efficacement et humainement. Comment faire vivre ce plan sur le terrain ? En mobilisant tout le monde : les communes, les établissements scolaires, les associations, les forces de sécurité. Rien ne se fera sans cela. Ce plan n’est pas un document technocratique : c’est un socle opérationnel, construit pour et avec ceux qui agissent au quotidien dans les quartiers, dans les écoles, dans les familles. Et dont les résultats devront être perçus par les habitants. 3 QUESTIONS À...

10 | SUD'MAG #29 | Octobre 2025 Commerces et sociétés cambriolées, vitrines brisées, boutiques incendiées…En province Sud, les commerçants ont été parmi les premières cibles de la vague de violences de mai 2024. Au traumatisme a rapidement succédé la nécessité d’agir, de réparer, de rassurer. Et surtout de prévenir. En province Sud, l’aide à la sécurisation des entreprises n’a pas attendu 2024. La province Sud a mis en place un dispositif d’aide. Un levier qui, année après année, s’est étoffé, simplifié, élargi, et qui prend aujourd’hui une place centrale dans la politique publique de lutte contre les atteintes aux biens. Mais le travail n’est pas terminé, et les exactions de mai 2024 ont fragilisé une grande partie du tissu économique calédonien, dont la majorité se trouve en province Sud. Plus d’un an après les événements de mai 2024, les commerces, durement touchés, peinent à retrouver leur niveau d’avant-crise. Les derniers chiffres publiés par l’IEOM montrent une reprise en cours, mais lente et inégale. Au2e trimestre2025, selonuneenquêtemenée par l’institut, 34 % des entreprises déclaraient encore un niveau d’activité inférieur ou égal à 50 % de leur niveau habituel. Elles étaient 37 % au trimestre précédent. Si la tendance s’améliore légèrement, 11 % des structures interrogées affirmaient ne pas avoir redémarré leur activité ou l’avoir fait à un niveau très faible. À peine 3 % déclaraient une activité en hausse. Protection. À l’origine, ce dispositif visait à accompagner les commerces victimes de cambriolages ou menacés de l’être, en finançant une partie de leurs équipements de sécurité : systèmes d’alarme, vidéoprotection, rideaux métalliques, coffres, portes blindées, grilles de protection, éclairage périmétrique, etc. La collectivité prend en charge jusqu’à 50 % des dépenses engagées, dans la limite d’un million de francs. Depuis sa création, ce sont plus de 74 millions de francs qui ont été versés à 205 entreprises, dont 36 dossiers pour la seule année 2024. Le commerce, qui concentre la majorité des demandes, représente 70 % des bénéficiaires. « Les modifications successives du dispositif ont permis de l’adapter aux réalités du terrain, explique Nicolas Pannier, secrétaire général de la collectivité. Dès 2019, il est élargi à d'autres secteurs d’activité, dont les pharmacies, bijouteries, stations-service ou encore les restaurants. En 2020, la possibilité d'intégrer des audits de sûreté est ouverte ». En 2021 puis 2024, face à l'augmentation des demandes et à l'aggravation des actes de délinquance, les conditions sont encore simplifiées et la liste des équipements éligibles s’allonge. Le dispositif s’étend même aux sociétés civiles immobilières, aux groupements d’entreprises et aux professions libérales. SÉCURISATION DES COMMERCES un dispositif solide

Octobre 2025 | SUD'MAG #29 | 11 DÉCRYPTAGE 2024 : l’année noire des entreprises calédoniennes Selon l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), l’année 2024 restera comme l’une des plus graves crises économiques qu’ait connue la Nouvelle-Calédonie depuis la fin des années 1980. Dès les émeutes du 13 mai, l’économie s’effondre sous le choc des pillages, incendies et blocages prolongés. Les commerçants de la province Sud sont en première ligne. Une enquête IEOM menée entre le 24 mai et le 6 juin 2024 révèle que 88 % des entreprises interrogées ont été directement impactées par les violences. Parmi elles, 56 % font état d’une perte de chiffre d’affaires supérieure à 50 %, et une sur deux envisageait déjà, dès juin, des licenciements ou une baisse durable d’activité. Au second trimestre 2024, l’indicateur du climat des affaires (ICA) s’effondre à 77,9, soit une chute de 18 points, atteignant un niveau inférieur à celui observé pendant la crise COVID. Dans son rapport publié en juillet, l’IEOM indique que 40 % des commerces ont dû interrompre leur activité pendant plusieurs semaines, faute d’accès ou à cause des dégradations. Le tableau de bord du troisième trimestre confirme l’ampleur des dégâts : près de 13 000 emplois privés ont été détruits entre mai et septembre. La majorité des entreprises commerciales n’ont pas retrouvé leur niveau d’activité à la rentrée. Le crédit aux entreprises est en net recul, tout comme l’investissement. Enfin, dans son rapport annuel de décembre 2024, l’IEOM chiffre la baisse globale du chiffre d’affaires des entreprises à –12 % sur l’année, tous secteurs confondus. Le commerce, la restauration et les services de proximité sont les plus touchés, notamment dans l’agglomération de Nouméa. La province Sud concentre près de 70 % des aides d’urgence versées dans le cadre du plan de soutien économique post-crise. Indispensable. Les chiffres sont éloquents : depuis sa mise en place, plus de 92 % des demandes ont été acceptées. Une enquête réalisée en 2023 auprès de 141 bénéficiaires montre que 96 % d’entre eux se déclarent satisfaits ou très satisfaits, notamment sur la simplicité des démarches et la qualité du suivi par les services provinciaux. Surtout, les retours terrain indiquent une baisse sensible des actes délictueux dans les mois suivant l’installation des dispositifs de sécurité. La répartition géographique montre une concentration des aides à Nouméa, où l’activité économique est la plus dense, mais des communes comme Bourail, Dumbéa, La Foa ou Païta en ont également bénéficié. En Brousse, les dossiers concernent principalement des commerces d’alimentation, d’habillement, des stationsservice, des bars, des coiffeurs, des officines de santé et des restaurateurs… Signe de la pérennisation du dispositif, 20 millions de francs ont été inscrits au budget 2025. La date de clôture fixée initialement au 1er janvier 2026, a été repoussée à 2027. Parmi les pistes à l’étude : une réduction du nombre de pièces justificatives, un élargissement à de nouveaux secteurs d’activité, et plus de matériels éligibles. La police et la gendarmerie, associées aux réflexions, se disent favorables à cette évolution. Au-delà de l’aide financière, c’est un accompagnement global qui est proposé aux professionnels : conseils, audits, contacts directs avec les référents sûreté, délais de traitement réduits… Ce partenariat étroit entre acteurs publics et tissu économique vise à créer un climat de confiance et de résilience. La collectivité entend bienmontrer qu’elle reste aux côtés des commerçants, pilier essentiel du lien social et de la vitalité urbaine. « Alors que l’insécurité reste l’un des premiers freins à l’activité, ces mesures offrent une réponse concrète, immédiate et ciblée. En sécurisant les commerces, on protège aussi les emplois, la vie de quartier, et l’attractivité des communes », indique Naïa Wateou, élue provinciale et présidente de la Commission du développement économique.

12 | SUD'MAG #29 | Octobre 2025 Depuis 2019, la province Sud a mis en œuvre plusieurs initiatives pour renforcer la sécurité publique et soutenir les forces de police. En parallèle les dispositifs de soutien à la sécurisation des communes ne cessent d’évoluer. Dans son dernier rapport publié à mi-année 2025, la direction de la sécurité publique tire la sonnette d’alarme : les violences contre les forces de l’ordre ont bondi de 96,6 % en deux ans. Outrages, caillassages, blessures volontaires : les agents dépositaires de l’autorité publique sont devenus des cibles régulières, notamment dans l’agglomération du Grand Nouméa, où plus de 70 % des faits sont concentrés. En parallèle, les incendies volontaires ont presque doublé (+86,3 %), traduisant une montée des tensions post-émeutes et une banalisation des actes de destruction. Autre signal préoccupant : la part des mineurs impliqués dans les actes de violence ne cesse d’augmenter. À Nouméa et Dumbéa, près de 3 vols avec violence sur 10 sont commis par des mineurs. Dans le même temps, les violences intrafamiliales, continuent de progresser (+12,1 %), avec une part croissante de jeunes victimes, notamment en zone gendarmerie. Cambriolages en hausse, incendies à répétition, agressions contre les autorités, souffrance sociale des mineurs : l’année 2025 confirme une fragilisation du tissu social calédonien. Ce constat renforce la légitimité du plan provincial, qui cherche à rompre ces dynamiques avant qu’elles ne s’enkystent. Nouveaux locaux. Sur le terrain, le 18 septembre dernier, la présidente de la province Sud était notamment aux côtés du maire de La Foa, Florence Rolland, des représentants des forces de l'ordre et des coutumiers pour inaugurer le nouveau bâtiment de la police municipale. Ce projet cofinancé par la province Sud à hauteur de 10 millions de francs (80 % du coût total) et la commune, offre désormais aux agents un outil sécurisé, adapté et fonctionnel, au service de la prévention, de la sécurité et de la tranquillité de tous. « Bien que la sécurité ne relève pas directement de sa compétence, Communes et forces de police, UN SOUTIEN RENFORCÉ Sécurité rurale La violence et les vols ne frappent pas que les centres urbains. Depuis mai 2024, de nombreuses exploitations agricoles de la province Sud — notamment à La Foa, Bourail et Païta — ont subi des actes de vandalisme et de pillage. Vols de matériel agricole, destruction de serres, clôtures arrachées, cheptels dérobés : les pertes, souvent non assurées, fragilisent des exploitants déjà confrontés à une conjoncture difficile. Face à l’urgence, la province Sud a décidé de mettre en place un concours exceptionnel en soutien aux agriculteurs sinistrés. L’aide peut atteindre jusqu’à 60 % du montant des réparations ou des remplacements nécessaires, avec un plafond fixé à 8 millions de francs par dossier. Le dispositif en cours de finalisation est doté d’un budget estimé à 20 millions de francs. Ce plan d’intervention s’ajoute aux mesures déjà existantes pour la relance économique en milieu rural. Il témoigne de la volonté de la Province de ne laisser aucun territoire en marge de la sécurité, y compris les zones agricoles les plus isolées.

Octobre 2025 | SUD'MAG #29 | 13 DÉCRYPTAGE la province Sud est heureuse de contribuer à renforcer ce maillon essentiel pour garantir la tranquillité des concitoyens », a souligné la présidente de la Province. Pour Florence Rolland, « ce projet n'aurait pu voir le jour sans l’appui de la province Sud. La sécurité est un travail commun et partenarial entre concitoyens et institutions ». Dans son engagement pour garantir la tranquillité des habitants, la collectivité soutient également la commune à hauteur de 50 % pour deux gardes champêtres, « véritables relais de proximité entre les habitants et les forces de l'ordre », a ajouté la présidente. Avec cette réalisation, la province Sud réaffirme son engagement en faveur de la sécurité, de la tranquillité et de la protection de tous les habitants. Aides multiples. La commune de La Foa n’est pas la seule à bénéficier du soutien de la province Sud. À Nouméa, la collectivité a engagé plus de 200 millions de francs pour appuyer la police municipale : acquisition de caméras piétons, gilets pare-balles, casques, boucliers, renforcement de la brigade canine, et création de postes supplémentaires. Une enveloppe complémentaire a permis de renforcer l’éclairage public dans plusieurs quartiers sensibles comme Ouémo ou Ducos. À Dumbéa, ce sont près de 100 millions de francs qui ont été investis sur trois ans pour équiper les agents en VTT, matériels de protection, soins pour les chiens de la brigade cynophile et déploiement de caméras. Le fonctionnement des brigades spécialisées (environnement, école, cyno) représente plus de 282 millions de budget communal, partiellement compensé par la province Sud. Au Mont-Dore, la province accompagne depuis 2019 une stratégie multisites : surveillance du littoral, lutte contre les dépôts sauvages, contrôle des ERP, patrouilles de nuit et sécurisation des établissements scolaires. En 2025, les interventions cofinancées ont dépassé les 42 millions de francs, avec plus d’une dizaine d’agents mobilisés. Farino, commune rurale, a également bénéficié d’une aide ciblée pour l’installation d’un dispositif de vidéoprotection sur un carrefour stratégique, en lien avec des problématiques de braconnage et de circulation illégale. Une action modeste en apparence, mais emblématique de la stratégie de la Province : appuyer les maires, quel que soit le territoire, dans leur rôle de garant du lien social. Un nouvel espace pour la police municipale de Nouméa Installée depuis décembre au 9 rue Frédéric-Surleau, dans l’ancien bâtiment de l’état-major des FANC, la police municipale de Nouméa dispose désormais d’un équipement à la hauteur de ses missions. L’édifice, entièrement réhabilité, comprend un centre de commandement opérationnel, un chenil pouvant accueillir jusqu’à 10 chiens, une salle d’entraînement, un hall d’accueil, ainsi qu’un parking sécurisé de 37 véhicules et 10 motos. Un projet ambitieux de 495 millions de francs, dont 50 financés par la province Sud. Lors de l’inauguration, Sonia Backès a rappelé l’implication forte de la collectivité : « Je suis très heureuse d’avoir pu participer à hauteur de 80 millions pour les caméras de vidéosurveillance, de 60 millions pour l’éclairage de certains quartiers comme l’Anse Vata ou la Baie des Citrons, et évidemment les 50 millions pour ce bâtiment. » Pour la présidente de l’assemblée de Province, cette présence policière renforcée est « un signal indispensable pour restaurer la confiance des Nouméens ». Alcool : la province Sud veut briser le tabou Boire tue, mais surtout déstabilise. Dans un territoire où l’alcool est devenu un facteur majeur de violences, la province Sud prend le sujet à brasle-corps. À travers son nouveau Plan provincial de prévention de la délinquance (PPPD), elle lance une série de mesures inédites issues de la convention citoyenne sur la place de l’alcool en Nouvelle-Calédonie, avec une ambition claire : réduire durablement le facteur alcool dans les faits de délinquance. La Province entend faire évoluer les comportements. Dans sa ligne de mire : les habitudes de consommation dès le plus jeune âge, mais aussi les dérives collectives. Elle veut ouvrir le débat sur une batterie de mesures radicales comme interdire l’alcool dans les enceintes sportives. Créer des services de transport sécurisés après les soirées festives. Rendre obligatoires les activités sportives et culturelles pour les jeunes, avec des réductions tarifaires ciblées. Créer une "carte d’achat d’alcool" informatisée, avec quotas et niveaux d’autorisation. Limiter les lieux et jours de vente d’alcool en cas de besoin. Revoir l’âge légal d’achat et revoir le packaging et la fiscalité de l’alcool local. Autant de sujets mis sur la table. Pour accompagner cette stratégie, la Province entend également former des ambassadeurs « No-Addict » issus du monde sportif et artistique, et renforcer les compétences parentales via des conférences, des groupes de parole et des interventions en milieu scolaire. L’objectif est clair : faire de la lutte contre l’alcoolisme un enjeu collectif, ancré dans la prévention, l’éducation, mais aussi la régulation.

14 | SUD'MAG #29 | Octobre 2025 SANTÉ la province Sud en première ligne Médecins partis, infirmiers épuisés, structures fragilisées : la santé calédonienne encaisse le choc. En première ligne, la province Sud agit, car son rôle est de répondre aux priorités même au-delà de ses compétences. Elle recrute, soutient, équipe, rouvre, modernise. Sans attendre les grandes réformes, elle rebâtit sur le terrain un accès aux soins devenu compliqué, mais vital. I l y a encore quelques années, la Nouvelle-Calédonie pouvait se vanter d’un système de santé équilibré, bien que perfectible. Mais la crise du 13 mai 2024 a tout fait basculer. Cabinets brûlés, pharmacies pillées, départs massifs de praticiens : le territoire a perdu une part considérable de ses forces vives. Selon la Fédération des professions libérales de santé (FPLS), 60 structures médicales ont été touchées, dont 23 pharmacies, 12 cabinets d’orthophonistes, 6 cabinets de kinésithérapeutes, 5 pharmacies, 4 opticiens et 13 cabinets de médecins incendiés. Le territoire a perdu en un an près de 30 orthophonistes sur une centaine, 28 % des sages-femmes libérales et 16 % des effectifs médicaux. Mesures incitatives. Ce naufrage a accéléré un phénomène déjà bien amorcé : la désertification sanitaire. L’étude Quidnovi (2022) révélait déjà que 61 % des libéraux peinaient à recruter du personnel qualifié et 46 % avaient du mal à se faire remplacer. Dans certaines spécialités, la situation est devenue absurde : un seul ophtalmologiste pour 38500 habitants, quatre dermatologues libéraux dont deux à temps partiel, et aucune sage-femme au nord de Koné-Tiwaka. « C’est une véritable saignée, estime Sonia Backès, présidente de la province Sud. Pour arrêter l’hémorragie, nous devons agir rapidement. Oui, la pénurie de médecins ne touche pas seulement la Nouvelle-Calédonie, mais les exactions du 13 mai n’ont fait qu’amplifier le phénomène. Nous avions déjà du mal à maintenir le personnel médical en place. Nous devons désormais aussi le faire venir. Toutes les mesures incitatives mises en place ces derniers mois nous y encouragent ». Soigner la crise du soin. Les chiffres donnent le vertige. Rien qu’au Médipôle, des plages de bloc opératoire sont annulées chaque semaine, faute d’infirmiers de bloc. À cette pénurie dramatique s’ajoute la fatigue accumulée : selon le sondage FPLS– Quidnovi, 16 % des professionnels concernés par les gardes sont en situation de détresse, et un sur deux chez les spécialistes. Dans ce contexte, la province Sud a décidé d’enclencher une contre-offensive : attirer, accueillir, fidéliser. Son «kit attractivité», lancé début 2025, vise à relancer le recrutement infirmier, aujourd’hui le maillon le plus fragile du système. Il comprend une aide à l’installation, une prise en charge partielle du logement, le billet d’avion allerretour, une prime à la spécialisation, et même des «cartes cadeaux Sud Tourisme» pour adoucir l’arrivée sur le territoire. Les bénéficiaires s’engagent en contrepartie à exercer au moins 18 mois dans un établissement de santé du territoire. « Ce dispositif ne relève pas du luxe, mais de la survie », souligne la présidente. Car le risque n’est plus seulement celui de la fuite des talents, mais de la rupture pure et simple de la chaîne de soins. Parallèlement, les bourses d’études pour les élèves infirmiers ont été revalorisées jusqu’à 90000 francs mensuels, et un dispositif d’aide au stage hors territoire permet désormais de soutenir ceux qui se forment enMétropole ou dans le Pacifique. L’expérimentation, prévue jusqu’en 2027, doit permettre de reconstituer un vivier local, avec un objectif clair : que la prochaine génération d’infirmiers soit formée ici, dans les établissements de la province Sud. Le pari est audacieux, mais nécessaire, dans un contexte où, selon la FPLS, 30 % des élèves infirmières abandonnent dès la première année dans l’Hexagone, et où la Calédonie doit désormais rivaliser avec des pays bien plus attractifs. « Il faut que les jeunes puissent se projeter dans un avenir soignant ici, pas ailleurs », confie Christophe Bergery, secrétaire général adjoint de la collectivité.

Octobre 2025 | SUD'MAG #29 | 15 GRAND ANGLE ,, Proximité. Cabinets détruits, praticiens épuisés, patients sans recours : la province Sud tente de reconstruire une offre libérale à bout de souffle. La désertification médicale, jusque-là cantonnée à la Brousse, s’est étendue comme une tache d’huile sur tout le territoire. Désormais, même dans le Grand Nouméa, certaines spécialités sont devenues quasi inaccessibles, et les délais d’attente surréalistes. La crise de mai 2024 a servi de catalyseur. « C’est tout un pan du secteur libéral qui s’est effondré en quelques semaines, avec des praticiens contraints de fuir, des plateaux techniques hors d’usage et des patients relégués vers les urgences hospitalières déjà saturées », rappelle Christophe Bergery. Face à ce chaos, la province Sud a repris la main. En 2022, elle avait déjà posé les fondations de sa politique d’incitation à l’installation, initialement dédiée aux médecins libéraux. Deux ans plus tard, « ce texte est devenu l’un des piliers de la stratégie sanitaire provinciale, élargi aux chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes et orthophonistes. L’idée : reconstituer un maillage territorial de proximité en soutenant financièrement les praticiens qui choisissent de s’implanter dans les zones sous-dotées ». « IL FAUT QUE LES JEUNES PUISSENT SE PROJETER DANS UN AVENIR SOIGNANT ICI, PAS AILLEURS» Christophe Bergery, secrétaire général adjoint de la collectivité Regroupement. Concrètement, les aides vont de 1,5 million de francs pour les professions paramédicales à 6 millions pour les médecins. En parallèle, un dispositif de soutien à l’équipement des cabinets a permis d’injecter 24,3 millions de francs sur les deux dernières années, couvrant aussi bien les rééquipements post-émeutes que les achats de matériel médical lourd. Ces mesures ont d’abord été conçues pour l’intérieur et l’île des Pins, mais la crise a poussé la Province à étendre le périmètre d’éligibilité à certaines zones du Grand Nouméa, comme Païta ou Dumbéa, elles aussi fragilisées. Au-delà du soutien individuel, la stratégie provinciale vise à favoriser le regroupement des praticiens autour de structures mutualisées permettant de partager locaux, matériel et frais généraux. Pour ces regroupements, le plafond d’aide a été porté à 8 millions de francs, et peut désormais atteindre 16 millions lorsqu’il s’agit d’investissements qualifiés d’innovants sur le plan technologique. « Cette évolution est plus qu’un geste symbolique : elle marque la volonté d’ancrer la médecine calédonienne dans la modernité, rappelle Sonia Backès. Les équipements éligibles à cette aide majorée concernent, par exemple, l’imagerie numérique, la chirurgie assistée, ou les dispositifs connectés de télésuivi ». Pour être éligibles, ils devront démontrer leur caractère innovant selon cinq critères : nouveauté technologique, finalité thérapeutique, optimisation du parcours patient, réponse à un besoin mal couvert et bénéfice médico-économique. Cette incitation à la modernisation répond à une double logique : faire face à l’urgence sanitaire tout en préparant l’avenir. Car si la situation actuelle perdure, elle pourrait devenir économiquement insoutenable. Le Livre blanc de la FPLS le rappelle avec une froide lucidité : la raréfaction des soignants, combinée à la flambée des EVASAN, représente une bombe à retardement budgétaire. Une seule évacuation vers Sydney pour un patient cardiaque coûte entre 1 et 2 millions de francs ; un transfert lourd pour accidentologie, jusqu’à 8 millions. Sans redéploiement local des soins, ces montants menacent directement les finances de la protection sociale et de la Province ellemême, gestionnaire de l’Aide Médicale Sud. Pour limiter ce gouffre, la collectivité mise donc sur la territorialisation de l’offre : regrouper, équiper, fidéliser. Une approche qui rompt avec la logique fragmentée du système de santé calédonien, longtemps paralysé par les rivalités institutionnelles. « Il fallait un acteur qui prenne des décisions rapides, quitte à bousculer les habitudes. La province Sud a pris ce rôle », confie la présidente. L’avenir passera sans doute par une alliance : innovation technologique et coordination territoriale. L’un sans l’autre n’aurait aucun sens. Car moderniser un cabinet à Païta ou à Bourail n’a d’impact que si les patients y ont accès, les spécialistes s’y relaient et les données circulent. La province Sud a donc fait le pari du regroupement intelligent, misant sur l’innovation non pas comme gadget, mais comme levier de survie collective. LE KIT ATTRACTIVITÉ EN PRATIQUE • Billet d’avion et aide au logement • Prime à l’installation (jusqu’à 500000 F) • Carte cadeaux Sud Tourisme • Prise en charge des frais de déplacement du conjoint • Engagement de 18 mois minimum LES CHIFFRES CLÉS DE LA SANTÉ 25 000 bénéficiaires de l’Aide Médicale Sud (AMS) 216 infirmiers manquants 140 médecins en déficit sur le territoire 24,3 millions de francs versés en aides à l’installation et à l’équipement libéral 4 milliards de francs de dépenses directes d’Aide Médicale Sud en 2024

16 | SUD'MAG #29 | Octobre 2025 Ils sont l’un des visages les plus concrets de la santé publique. Dix centres médico-sociaux (CMS) maillent aujourd’hui la province Sud, de Nouméa à Yaté, en passant par l'île des Pins, Bourail ou Thio. Discrets, ces lieux incarnent une idée simple et pourtant essentielle : permettre à chaque habitant, où qu’il vive, d’accéder à un soin ou un accompagnement. Début septembre, la commune de Thio a retrouvé un médecin. Installé pour quatre mois au CMS, il sera assisté par une infirmière du réseau itinérant de la province Sud. Pour le docteur Guédon, « les patients ont droit aux soins, quelle que soit la petite commune isolée qu’ils habitent. Donc on va essayer de faire le maximum ». Depuis un an, la commune ne bénéficiait que d’une visite de médecin par semaine. Un bus affrété deux fois par semaine transportait aussi les patients vers La Foa ou Boulouparis. Si tous les dispensaires de la province Sud sont désormais pourvus, les contrats restent courts et la sécurité demeure préoccupante. « C’est compliqué de recruter en province Sud notamment sur trois zones : l’île des Pins, Thio et Yaté, explique Patricia Pèdre, directrice adjointe de la DPASS. Parce que leur réputation est quand même très abimée. J’espère que l’on pourra rapidement tourner la page et que tous retrouveront des soins adaptés. » Le lien établi avec le CMS de La Foa va perdurer avec des visites maintenues tous les jeudis, et également en tribus plus isolées. Depuis juillet 2024, le CMS avait malheureusement été déserté par les professionnels de santé par mesure de sécurité. Les CMS, ce sont des portes ouvertes sur la vie quotidienne : on y vient pour un vaccin, une consultation de suivi, une aide sociale, un conseil de nutrition, une écoute psychologique. Médecins, infirmiers, assistants sociaux, éducateurs, sages-femmes, psychologues : ces équipes pluridisciplinaires prennent en charge les familles, les personnes âgées, les jeunes, les précaires, tous ceux qui ne trouvent pas leur place dans le circuit hospitalier ou libéral. En Brousse, leur rôle est vital. À Yaté, Thio ou Bourail, ils sont parfois le seul recours médical à moins d’une heure de route. Comme tout le système de santé calédonien, les CMS ont été fragilisés par les événements de mai 2024. Plusieurs structures ont dû fermer temporairement, parfois endommagées, toujours privées de personnel. Depuis, la réouverture s’est faite progressivement et souvent à horaires réduits : le CMS de Païta a repris du service fin mai, celui de Dumbéa-sur-Mer en juin, tout comme Montravel et Boulari. Ces réouvertures symbolisent la volonté de la province Sud de reconstruire la santé de proximité avant tout. « Même avec des moyens réduits, il fallait rouvrir vite. C’est dans les CMS que les gens retrouvent un interlocuteur, un repère », confie Jean-Baptiste Friat, directeur de la DPASS. Au-delà du retour à la normale, la Province a engagé une modernisation en profondeur. Le nouveau CMS de Thio, inauguré récemment après 120 millions de francs de travaux, en est l’exemple le plus visible. Bâtiment climatisé, accessibilité PMR, salle de soins polyvalente, espace d’accueil social : la structure illustre une vision renouvelée de la santé territoriale. D’autres CMS ont été rénovés ou réorganisés, notamment à Dumbéa-sur-Mer, où la Direction de l’emploi et du logement (DEL) a intégré les locaux. Objectif : créer un guichet unique regroupant santé, logement, insertion et accompagnement social. Cette approche intégrée préfigure ce que la Province appelle déjà «le modèle CMS 2.0» : des lieux ouverts, polyvalents, capables de répondre aux besoins concrets du quotidien. Une équipe, mille missions. Chaque CMS est un petit monde en soi. Les équipes accueillent les enfants pour les visites scolaires, vaccinent les seniors, accompagnent les femmes enceintes, soutiennent les familles en difficulté, orientent vers des aides sociales. Les CMS de Nouméa et du Grand Nouméa (Montravel, Kaméré, Boulari, Païta) absorbent la majorité du flux, tandis que ceux de l’intérieur (La Foa, Bourail, Thio, Yaté) jouent le rôle de sentinelles du territoire. Dans un contexte de pénurie de soignants, maintenir ces structures en activité relève presque du défi. La province Sud s’appuie sur le dispositif d’incitation à l’installation pour attirer des praticiens qui exerceront en partie dans les CMS. À terme, la collectivité veut renforcer le lien entre CMS et téléconsultation, pour pallier le manque de spécialistes et assurer la continuité des soins, notamment pour les patients chroniques. Reste à leur donner les moyens humains d’exister pleinement. Car sans médecins, sans assistantes sociales, sans infirmiers, les murs rénovés ne suffiront pas. Mais pour beaucoup de familles, un CMS qui rouvre, c’est déjà une forme de retour à la normalité. Dans un territoire qui panse encore ses plaies, les CMS ne soignent pas seulement les corps : ils recousent la société. CENTRES MÉDICO-SOCIAUX, la santé de proximité reprend souffle Trois internes dès novembre Trois internes en médecine générale seront accueillis en province Sud du 3 novembre 2025 au 3 mai 2026 dans le cadre de leur stage ambulatoire en soins primaires autonomes (SASPAS). Rémi Gachet sera affecté à l’UPASS de Bourail, Castille Gerbouin rejoindra l’UPASS de La Foa et Estelle Minvielle-Lavigne exercera au CMS de Païta. Leur présence permettra d’apporter un renfort médical de proximité dans ces communes, tout en leur offrant une expérience de terrain essentielle pour leur formation. La province Sud prend en charge l’ensemble des frais liés à leur accueil : un aller-retour en avion entre leur CHU de rattachement et la Nouvelle- Calédonie, sur la base d’un tarif économique, un logement avec charges comprises ou une indemnité compensatrice plafonnée à 63000 F par mois, ainsi que l’indexation de leur rémunération pouvant atteindre 300000 F par mois. Les frais de déplacement engagés lors des missions sont également remboursés et les gardes et astreintes indemnisées conformément à la réglementation. Ces dépenses, qui figurent au budget 2025 de la province Sud, s’inscrivent dans un dispositif toujours en vigueur qui vise à soutenir la formation médicale, à renforcer l’accès aux soins pour la population et à encourager l’installation durable de jeunes praticiens sur le territoire.

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