SudMag, octobre 2025

14 | SUD'MAG #29 | Octobre 2025 SANTÉ la province Sud en première ligne Médecins partis, infirmiers épuisés, structures fragilisées : la santé calédonienne encaisse le choc. En première ligne, la province Sud agit, car son rôle est de répondre aux priorités même au-delà de ses compétences. Elle recrute, soutient, équipe, rouvre, modernise. Sans attendre les grandes réformes, elle rebâtit sur le terrain un accès aux soins devenu compliqué, mais vital. I l y a encore quelques années, la Nouvelle-Calédonie pouvait se vanter d’un système de santé équilibré, bien que perfectible. Mais la crise du 13 mai 2024 a tout fait basculer. Cabinets brûlés, pharmacies pillées, départs massifs de praticiens : le territoire a perdu une part considérable de ses forces vives. Selon la Fédération des professions libérales de santé (FPLS), 60 structures médicales ont été touchées, dont 23 pharmacies, 12 cabinets d’orthophonistes, 6 cabinets de kinésithérapeutes, 5 pharmacies, 4 opticiens et 13 cabinets de médecins incendiés. Le territoire a perdu en un an près de 30 orthophonistes sur une centaine, 28 % des sages-femmes libérales et 16 % des effectifs médicaux. Mesures incitatives. Ce naufrage a accéléré un phénomène déjà bien amorcé : la désertification sanitaire. L’étude Quidnovi (2022) révélait déjà que 61 % des libéraux peinaient à recruter du personnel qualifié et 46 % avaient du mal à se faire remplacer. Dans certaines spécialités, la situation est devenue absurde : un seul ophtalmologiste pour 38500 habitants, quatre dermatologues libéraux dont deux à temps partiel, et aucune sage-femme au nord de Koné-Tiwaka. « C’est une véritable saignée, estime Sonia Backès, présidente de la province Sud. Pour arrêter l’hémorragie, nous devons agir rapidement. Oui, la pénurie de médecins ne touche pas seulement la Nouvelle-Calédonie, mais les exactions du 13 mai n’ont fait qu’amplifier le phénomène. Nous avions déjà du mal à maintenir le personnel médical en place. Nous devons désormais aussi le faire venir. Toutes les mesures incitatives mises en place ces derniers mois nous y encouragent ». Soigner la crise du soin. Les chiffres donnent le vertige. Rien qu’au Médipôle, des plages de bloc opératoire sont annulées chaque semaine, faute d’infirmiers de bloc. À cette pénurie dramatique s’ajoute la fatigue accumulée : selon le sondage FPLS– Quidnovi, 16 % des professionnels concernés par les gardes sont en situation de détresse, et un sur deux chez les spécialistes. Dans ce contexte, la province Sud a décidé d’enclencher une contre-offensive : attirer, accueillir, fidéliser. Son «kit attractivité», lancé début 2025, vise à relancer le recrutement infirmier, aujourd’hui le maillon le plus fragile du système. Il comprend une aide à l’installation, une prise en charge partielle du logement, le billet d’avion allerretour, une prime à la spécialisation, et même des «cartes cadeaux Sud Tourisme» pour adoucir l’arrivée sur le territoire. Les bénéficiaires s’engagent en contrepartie à exercer au moins 18 mois dans un établissement de santé du territoire. « Ce dispositif ne relève pas du luxe, mais de la survie », souligne la présidente. Car le risque n’est plus seulement celui de la fuite des talents, mais de la rupture pure et simple de la chaîne de soins. Parallèlement, les bourses d’études pour les élèves infirmiers ont été revalorisées jusqu’à 90000 francs mensuels, et un dispositif d’aide au stage hors territoire permet désormais de soutenir ceux qui se forment enMétropole ou dans le Pacifique. L’expérimentation, prévue jusqu’en 2027, doit permettre de reconstituer un vivier local, avec un objectif clair : que la prochaine génération d’infirmiers soit formée ici, dans les établissements de la province Sud. Le pari est audacieux, mais nécessaire, dans un contexte où, selon la FPLS, 30 % des élèves infirmières abandonnent dès la première année dans l’Hexagone, et où la Calédonie doit désormais rivaliser avec des pays bien plus attractifs. « Il faut que les jeunes puissent se projeter dans un avenir soignant ici, pas ailleurs », confie Christophe Bergery, secrétaire général adjoint de la collectivité.

RkJQdWJsaXNoZXIy MjE1NDI=