Octobre 2025 | SUD'MAG #29 | 15 GRAND ANGLE ,, Proximité. Cabinets détruits, praticiens épuisés, patients sans recours : la province Sud tente de reconstruire une offre libérale à bout de souffle. La désertification médicale, jusque-là cantonnée à la Brousse, s’est étendue comme une tache d’huile sur tout le territoire. Désormais, même dans le Grand Nouméa, certaines spécialités sont devenues quasi inaccessibles, et les délais d’attente surréalistes. La crise de mai 2024 a servi de catalyseur. « C’est tout un pan du secteur libéral qui s’est effondré en quelques semaines, avec des praticiens contraints de fuir, des plateaux techniques hors d’usage et des patients relégués vers les urgences hospitalières déjà saturées », rappelle Christophe Bergery. Face à ce chaos, la province Sud a repris la main. En 2022, elle avait déjà posé les fondations de sa politique d’incitation à l’installation, initialement dédiée aux médecins libéraux. Deux ans plus tard, « ce texte est devenu l’un des piliers de la stratégie sanitaire provinciale, élargi aux chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes et orthophonistes. L’idée : reconstituer un maillage territorial de proximité en soutenant financièrement les praticiens qui choisissent de s’implanter dans les zones sous-dotées ». « IL FAUT QUE LES JEUNES PUISSENT SE PROJETER DANS UN AVENIR SOIGNANT ICI, PAS AILLEURS» Christophe Bergery, secrétaire général adjoint de la collectivité Regroupement. Concrètement, les aides vont de 1,5 million de francs pour les professions paramédicales à 6 millions pour les médecins. En parallèle, un dispositif de soutien à l’équipement des cabinets a permis d’injecter 24,3 millions de francs sur les deux dernières années, couvrant aussi bien les rééquipements post-émeutes que les achats de matériel médical lourd. Ces mesures ont d’abord été conçues pour l’intérieur et l’île des Pins, mais la crise a poussé la Province à étendre le périmètre d’éligibilité à certaines zones du Grand Nouméa, comme Païta ou Dumbéa, elles aussi fragilisées. Au-delà du soutien individuel, la stratégie provinciale vise à favoriser le regroupement des praticiens autour de structures mutualisées permettant de partager locaux, matériel et frais généraux. Pour ces regroupements, le plafond d’aide a été porté à 8 millions de francs, et peut désormais atteindre 16 millions lorsqu’il s’agit d’investissements qualifiés d’innovants sur le plan technologique. « Cette évolution est plus qu’un geste symbolique : elle marque la volonté d’ancrer la médecine calédonienne dans la modernité, rappelle Sonia Backès. Les équipements éligibles à cette aide majorée concernent, par exemple, l’imagerie numérique, la chirurgie assistée, ou les dispositifs connectés de télésuivi ». Pour être éligibles, ils devront démontrer leur caractère innovant selon cinq critères : nouveauté technologique, finalité thérapeutique, optimisation du parcours patient, réponse à un besoin mal couvert et bénéfice médico-économique. Cette incitation à la modernisation répond à une double logique : faire face à l’urgence sanitaire tout en préparant l’avenir. Car si la situation actuelle perdure, elle pourrait devenir économiquement insoutenable. Le Livre blanc de la FPLS le rappelle avec une froide lucidité : la raréfaction des soignants, combinée à la flambée des EVASAN, représente une bombe à retardement budgétaire. Une seule évacuation vers Sydney pour un patient cardiaque coûte entre 1 et 2 millions de francs ; un transfert lourd pour accidentologie, jusqu’à 8 millions. Sans redéploiement local des soins, ces montants menacent directement les finances de la protection sociale et de la Province ellemême, gestionnaire de l’Aide Médicale Sud. Pour limiter ce gouffre, la collectivité mise donc sur la territorialisation de l’offre : regrouper, équiper, fidéliser. Une approche qui rompt avec la logique fragmentée du système de santé calédonien, longtemps paralysé par les rivalités institutionnelles. « Il fallait un acteur qui prenne des décisions rapides, quitte à bousculer les habitudes. La province Sud a pris ce rôle », confie la présidente. L’avenir passera sans doute par une alliance : innovation technologique et coordination territoriale. L’un sans l’autre n’aurait aucun sens. Car moderniser un cabinet à Païta ou à Bourail n’a d’impact que si les patients y ont accès, les spécialistes s’y relaient et les données circulent. La province Sud a donc fait le pari du regroupement intelligent, misant sur l’innovation non pas comme gadget, mais comme levier de survie collective. LE KIT ATTRACTIVITÉ EN PRATIQUE • Billet d’avion et aide au logement • Prime à l’installation (jusqu’à 500000 F) • Carte cadeaux Sud Tourisme • Prise en charge des frais de déplacement du conjoint • Engagement de 18 mois minimum LES CHIFFRES CLÉS DE LA SANTÉ 25 000 bénéficiaires de l’Aide Médicale Sud (AMS) 216 infirmiers manquants 140 médecins en déficit sur le territoire 24,3 millions de francs versés en aides à l’installation et à l’équipement libéral 4 milliards de francs de dépenses directes d’Aide Médicale Sud en 2024
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