Mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences conjugales

CENTRE HUBERTINE AUCLERT Centre Francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes (52) PARTIE 6 / RENFORCER LE RÔLE DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE DANS LA DÉTECTION DES ENFANTS CO-VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES FOCUS Comprendre les mécanismes des violences conjugales pour éviter une « double peine » pour les victimes Puisque les auteurs de violences conjugales sont majoritairement absents vis-à-vis des services sociaux et que les victimes en sont les principales interlocutrices112, ce sont les responsabilités de la victime, et dans la majorité des cas celles de la mère, qui sont principalement examinées113. De plus, l’idéologie de la primauté maternelle assigne les femmes à être, pour leur enfant, les pourvoyeuses principales de soins. Ainsi, ce sont davantage les mères (et non les pères) qui seront plus facilement jugées responsables de désordres familiaux114 et qui font l’objet central d’investigations vis-à-vis de leurs compétences parentales. Face au manque d’articulation entre le statut de femme et de mère-victime, les difficultés des mères sont beaucoup plus soulignées que celles des pères, ce qui tend à sur-responsabiliser la mère115, soit d’une incapacité à protéger les enfants aussi longtemps qu’elle reste avec l’auteur des violences, soit d’une surprotection lorsqu’elle souhaite se protéger et/ou marquer une distance par rapport à lui116. En procédant à une dissociation de la sphère de l’enfant (parentalité) et celle de l’adulte (conjugalité), les interventions sociales se retrouvent cloisonnées en considérant les deux sphères comme régies par des logiques différentes. Ce cloisonnement implique que les auteurs de violences conjugales peuvent être considérés comme capables de préserver leurs enfants. Ainsi, même si les violences conjugales sont considérées comme un facteur de danger, elles restent une « zone aveugle, limitant sérieusement la portée des mesures prises pour protéger l’enfant »117. En effet, « le repérage et la prise en compte des enfants victimes de violences conjugales ne peuvent être pensées qu’au travers du seul prisme de la protection de l’enfance ou de la lutte contre les violences au sein du couple »118. Deux situations types peuvent alors avoir lieu quand il y a une séparation des deux sphères : / Ne pas prendre en compte la parentalité au cours du suivi de la victime peut mettre en danger la mère (et l’enfant). Elle pourrait être tentée de reprendre une vie commune en constatant les éventuelles difficultés d’être mère célibataire avec ses enfants victimes de violences. En considérant la parentalité, le lien établi permet de lui venir en aide sur cette problématique, mais également de responsabiliser l’agresseur et de l’interroger en tant que parent. / Ne pas prendre en compte les violences exercées par le partenaire peut sur-responsabiliser la mère alors qu’elle subit une violence qui n’est pas dénoncée ; de plus, avoir des enfants peut encourager le désir de maintenir les liens familiaux. En considérant les violences conjugales, il est possible de mettre l’accent sur le bien-être de l’enfant et amener à une prise de conscience de la nécessité d’une séparation119. En somme, il est nécessaire de prévenir l’imposition d’une « double-peine » à la victime qui est à la fois victime de violences conjugales en tant que partenaire (conjugalité) et mère (parentalité), ainsi il faut éviter de culpabiliser et de sur-responsabiliser la mère-victime vis-à-vis de la protection de ses enfants. Ils et elles doivent donc être reconnu·es comme étant non pas seulement des témoins, mais des victimes directes, même lorsqu’ils et elles ne sont pas la cible du parent violent.

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