Mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences conjugales

CENTRE HUBERTINE AUCLERT Centre Francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes (65) Ces assassinats peuvent avoir lieu lors d’un contact concernant l’enfant, et en sa présence. Il paraît complexe de demander à la victime de voir et maintenir le contact avec son agresseur pour le bien-être de l’enfant, sans protection et dispositifs adaptés135. Faire savoir les dangers de la coparentalité après la séparation dans le contexte des violences conjugales Le pouvoir asymétrique et les agressions qui caractérisent les violences conjugales ne permettent pas la négociation indispensable à la coéducation de l’enfant, puisque les requis structurels pour ce mode d’interaction sont absents. La relation conjugale se transposant également dans la relation parentale, la parentalité devient aussi un lieu d’exercice de la violence136. / Karen Sadlier, docteure en psychologie clinique : « La coparentalité est difficile à exercer en cas de violences conjugales. La négociation n’étant pas possible avec le partenaire, il faut prendre des décisions face à un coparent imprévisible qui risque de disqualifier ses décisions ou de les utiliser comme prétexte pour un nouveau passage à l’acte. L’emprise handicape le parent victime et l’empêche de prendre une position légitime et protectrice. La séparation, loin de mettre un terme aux violences conjugales, est une situation qui peut les exacerber, qui plus est en utilisant l’enfant comme moyen de pression »137. Après la séparation du couple, l’agresseur peut tenter d’instrumentaliser l’enfant dans le but de maintenir le contrôle sur son ex-partenaire. Celui-ci peut poser des questions à son enfant pour savoir ce que fait l’autre parent, où elle vit, si elle est à nouveau en couple, etc. Ce type de question pousse également les enfants à souffrir d’un conflit de protection : soit ils ou elles répondent aux questions du parent-agresseur et mettent le parent-victime en danger réel, soit ils ou elles refusent de répondre et risquent des violences verbales et/ou physiques, ou encore du chantage affectif138. La coparentalité post-séparation peut ainsi conforter l’agresseur dans l’emprise qu’il exerce sur son ex-partenaire et sur ses enfants139. Enfin, le parent-auteur de violences peut se saisir de l’autorité parentale conjointe comme un « droit de véto » pour continuer à exercer un rapport de domination sur sa partenaire, empêchant toute décision éducative qui va dans l’intérêt de l’enfant140. / Édouard Durand, magistrat, juge des enfants : « Je pense que les violences conjugales font partie de cette catégorie où il ne faut pas d'exercice conjoint de l'autorité parentale. Même quinze ans après la séparation du couple. Parce que l'autorité parentale conjointe est le moyen juridique par lequel l'agresseur va continuer à maintenir l'emprise et la domination... sur la mère et sur les enfants »141. Selon E. Durand, sans remettre en cause le principe légitime de coparentalité de manière générale, il est nécessaire de prendre en compte que la recherche d’emprise conduit le parent-auteur des violences à utiliser l’autorité parentale non dans l’intérêt de l’enfant, mais comme un instrument de pouvoir sur le parent-victime et l’enfant indissociablement. Les violences créent une situation distincte des autres circonstances de séparation d’un couple, y compris les plus conflictuelles142. PARTIE 8 / RENFORCER L'APPLICATION DE LA LOI SUR L'AUTORITÉ PARENTALE PERMETTANT DE GARANTIR L'INTÉRÊT ET LA SÉCURITÉ DE L'ENFANT EN CAS DE VIOLENCES CONJUGALES

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