Fiches pratiques sur la conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique

Mars 2018 Fiches pratiques sur la conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique

Introduction

Mode d’emploi Ces fiches ont pour objectif de proposer à chaque personne travaillant dans la fonction publique (les trois fonctions publiques sont concernées) un outil pratique afin d’agir en cas de harcèlement sexuel. Cet outil comprend 3 parties : • une fiche juridique précise sur la définition légale du harcèlement sexuel et les obligations des employeurs publics en matière de prévention et de protection de leurs agents et agentes. Cette fiche propose également des mesures de prévention du harcèlement sexuel. • 7 « fiches réflexes » sur la conduite à tenir en cas de harcèlement sexuel à destination : des victimes, des employeurs, de la DRH, des managers, des collègues de travail témoins, des membres du CHSCT et des représentants et représentantes du personnel ; • 5 « fiches outils » : exemples de modèles de lettre, d’attestation, etc. à destination de l’ensemble des acteurs, afin de faciliter les démarches de la victime et de l’ensemble du collectif de travail.

Introduction 11 Fiche : Cadre juridique 15 Fiches : réflexes 33 Fiche réflexe n°2 à destination de l’autorité administrative ou de l’employeur 40 Fiche réflexe n°3 de la direction ou du service des ressources humaines 48 Fiche réflexe n°4 à destination des managers 56 Fiche réflexe n°5 à destination de collègues de travail, témoins d’une situation de harcèlement sexuel dans le cadre professionnel 62 Fiche réflexe n°6 à destination des membres du CHSCT 68 Fiche réflexe n°7 à destination des représentants et représentantes du personnel 74 Fiches outils 83 Fiche outil n°1 modèle de lettre de saisine du Procureur de la République (art. 222-33 du code pénal) 84 Fiche outil n°2 compte-rendu d’échanges – Situation de risques psychosociaux 86 Fiche outil n°3 rapport circonstancié de signalement d’une situation de harcèlement 88 Fiche outil n°4 témoignage d’une situation de harcèlement (art. 202 du code de procédure civile) 90 Fiche outil n°5 écouter pour que les agentes et agents parlent et parler pour une prise en charge efficiente 92 Annexes 96 Annexe n°1 une pluralité d’acteurs et actrices de prévention pour intervenir en cas de harcèlement sexuel 98 Annexe n°2 sources et textes 104 Table des matières

- 8 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique

Quatre femmes travaillent au service de la communication de la Mairie de V. et elles ont toutes été harcelées et agressées sexuellement par le Directeur de la communication M. A. Les manifestations sont de trois ordres : • Des manifestations non verbales caractérisées par le regard libidineux décrit par chacune des victimes ; • Des manifestations physiques caractérisées par des contacts physiques : l’obligation de danser pour Mme X. ou la prendre dans ses bras pour Mme Y ; • Des manifestations verbales telles que : • Des remarques sur le physique connotées sexuellement : « vous êtes sexy », « vous m’excitez avec votre robe en dentelle », « vous avez une jolie silhouette », « vous devenez bonne ». • Des questions intrusives et/ou dénigrements sur la vie sexuelle de Mme X. : « êtes-vous épanouie sexuellement ? », « tu es raide, tu dois être un mauvais coup » • Des confidences sexuelles imposées : « je suis un bon amant » • Des demandes de baisers, de fellation ou de fessée • Des propositions sexuelles explicites : « couchez avec moi, comme ça je pourrai penser à autre chose », « nous pourrions coucher ensemble ». M. A. est renvoyé devant le Tribunal correctionnel seulement un mois et demi après le dépôt de plainte des victimes, et « prié » de quitter la Mairie par le Maire. Le Tribunal condamne M. A. à 18 mois d’emprisonnement dont 6 mois ferme. (Source : rapport d’activité de l’AVFT, 2015)

- 10 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique Rédaction Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) Service Droits des Femmes (SDFE) Stéphanie RIQUARD et Clémence ARMAND Contributions Philippe BARBEZIEUX (IGAS) Cécile BATOU-TO VAN (Ministère de la fonction publique – DGAFP) Clotilde BELFORT-WOOD (Ministère sociaux - Conseillère nationale de prévention) Soraya BERICHI (Ministère sociaux - Psychologue du travail) Romain BLANCHARD (Défenseur des droits) Isabelle BOSSON (Ministère de l’intérieur – DGCL) Florence CAYLA ((Ministère de la fonction publique – DGAFP) Julien COMBOT (Ministère de la fonction publique – DGAFP) Eléonore DUBOIS (Ministère sociaux – DGOS) Pierre-Benjamin GRACIA (Ministère sociaux – DGOS) Véronique GUENEAU (Ministère sociaux - Conseillère technique nationale) Sophie GUILBOT-CHRISTAKI (Ministère de la fonction publique – DGAFP) Dr Williams JOSSE (Ministère sociaux - Médecin de prévention/ médecin du travail coordonnateur national des Ministères sociaux, Médecin expert statutaire et agréé) Caroline KRYKWINSKI (Ministère de la fonction publique – DGAFP) Christophe LABEDAYS (Ministère de la fonction publique – DGAFP) Myriam LEHEILLEIX-ZINK (Ministère sociaux – DRH) Catherine MARTIN (Ministère de la fonction publique – DGAFP) Peggy PERRIEUX (Ministère de l’intérieur – DGCL) Valérie PLOMB (Ministère de la fonction publique – DGAFP) Emmanuel SAVARIN (Ministère de la fonction publique – DGAFP) Sandrine STAFFOLANI (Ministère de la fonction publique – DGAFP) Nina VENTURA (Défenseur des droits) Nos remerciements vont aux employeurs publics des trois versants de la fonction publique qui ont participé à l’élaboration de ces fiches pratiques. Ces fiches complètent le guide de prévention et traitement des situations de violences et de harcèlement dans la fonction publique réalisé par la DGAFP (paru le 25 novembre 2016), l’action du Défenseur des droits sur le harcèlement sexuel, ainsi que la circulaire CPAF1805157C du 9 mars 2018 relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique. La démarche d’appropriation des fiches réflexes : La circulaire de la Ministre de la fonction publique du 22 décembre 2016 relative à la politique d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique ainsi que la circulaire du 9 mars 2018 relative à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans la fonction publique s’appuient sur ces fiches pratiques, lesquelles seront diffusées largement auprès des services pour sensibiliser l’ensemble des encadrantes et encadrants, responsables RH et représentantes et représentants du personnel à la lutte contre le harcèlement sexuel en milieu professionnel. Il est nécessaire que les responsables RH, les membres du CHSCT et les acteurs et actrices opérationnels de la santé et sécurité au travail (médecine de prévention/ du travail, psychologue du travail, services sociaux, préventeur et préventrice) soient formés, notamment sur le cadre juridique du harcèlement et sur l’accompagnement des victimes. Ces fiches peuvent, par ailleurs, être intégrées au règlement intérieur de l’organisme public, au projet de service, au livret d’accueil et au document unique d’évaluation des risques professionnels.

Introduction Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique - 11 - Introduction Les agissements de harcèlement portent gravement atteinte à la dignité humaine. Le respect des droits et libertés fondamentaux de la personne impose aux employeurs des trois fonctions publiques un devoir absolu de sanctionner et de prévenir de tels agissements. Dans ce cadre, les droits interne et communautaire1 définissent l’obligation pour les employeurs de protéger les travailleurs et travailleuses contre le harcèlement sur le lieu de travail qui peut revêtir différentes formes, notamment psychologique et/ou sexuelle. La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 1er juin 2016 a précisé l’obligation de sécurité en matière de prévention dans ces termes : « Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et psychique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser »2 . Des situations de harcèlement sous-déclarées Les situations de harcèlement sexuel sont certainement en large part sous-déclarées et donc sous traitées. Une étude réalisée par l’IFOP en janvier 2014 pour le compte du Défenseur des droits3 montre que le harcèlement sexuel au travail n’est pas un phénomène marginal : 20% des femmes actives, soit 1 femme sur 5, disent avoir été confrontées à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle et 20 % des femmes et des hommes déclarent connaître au moins une personne ayant été victime de harcèlement sexuel dans le cadre de son travail. Le harcèlement touche les femmes dans la même proportion dans le secteur public (19% des femmes de 18 à 64 ans interrogées) que dans le privé (21%). Le sondage Elabe de 2016 confirme cette tendance avec 28% des femmes et 7% des hommes déclarant avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel4 . Les recours devant la justice sont très peu fréquents. En effet près de 30% des femmes actives qui ont été victimes de harcèlement n’en parlent à personne. Moins d’un quart en font part à la direction ou à l’employeur, et seulement 5% des cas sont portés devant la justice. Lors de son audition du 2 juin 2016 par les rapporteurs de la Commission des lois de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, Jacques TOUBON, Défenseur des droits indiquait que, depuis l’adoption de cette loi, il n’a été saisi que de 18 dossiers en emploi privé et de 12 dossiers en emploi public, ce qui reste très peu au regard de l’ampleur du phénomène. 1 Le droit communautaire comprend notamment les directives suivantes:- directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ; directive 89/391/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ; directive 2006/54/ CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail. 2 Arrêt n° 1068 du 1er juin 2016 (14-19.702) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2016:SO01068. 3 http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd_etu_20140301_harcelement_sexuel_synthese.pdf 4 http://elabe.fr/les-francais-et-le-harcelement-sexuel-sondage-elabe-pour-bfmtv/

- 12 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique Dans une société d’économie mixte, une DRH témoigne : « Une de nos collaboratrices est venue nous voir car un de ses collègues lui faisait très régulièrement des plaisanteries sur son physique et ses relations sexuelles supposées, qu’elle trouvait très déplacées. Elle n’osait pas lui en parler, mais cela lui pesait énormément. Elle ne souhaitait pas porter plainte contre lui. Elle ne voulait pas qu’il soit condamné ou sanctionné, mais simplement que cette situation cesse. L’auteur des faits a été reçu par la DRH qui a rappelé la loi. Il n’était pas conscient que ces blagues constituaient un délit et que sa collègue souffrait de la situation. Les agissements ont immédiatement cessé et la collaboratrice a indiqué être très soulagée. Depuis, la SEM a mis en place une politique de prévention du harcèlement sexuel. » (Source : réseau des entreprises et des administrations pour l’égalité, 06/10/2016) Sécuriser le collectif de travail Afin de sécuriser le collectif de travail, il est nécessaire d’objectiver les risques de harcèlement sexuel qui peuvent êtres subies par les agentes et les agents dans le cadre professionnel de la fonction publique, et de formuler des recommandations pratiques aux employeurs. Le harcèlement est la répétition de propos et de comportements ayant pour but ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime. Cela se traduit par des conséquences sur la santé physique ou mentale de la personne harcelée. Le présent guide porte sur le harcèlement sexuel, même si harcèlement sexuel et harcèlement moral sont souvent liés5. L’autorité administrative en charge de la protection des agents et agentes est chargée de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents et agents placés sous son autorité. A ce titre, elle se doit, comme l’y incitent les circulaires n°SE1 2014-1 du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique, et n°CPAF1805157C du 9 mars relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique de « prendre toutes mesures appropriées visant à faciliter la prévention et le repérage des faits de harcèlement », à l’instar de ce que prévoit l’article L.1153-5 du code du travail6 pour les employeurs privés et les employeurs publics dont le personnel est employé dans les conditions de droit privé. La circulaire de 2018 prévoit notamment de déployer à partir de 2018 un ambitieux plan de prévention et de formation à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et d’informer et sensibiliser le plus grand nombre d’agents et agentes sur les situations de violences et les acteurs à mobiliser. Ainsi, le 25 novembre 2017, dans le cadre de la grande cause du quinquennat pour l’égalité entre les femmes et les hommes, le Président de la République s’est engagé à ce que soit mis en œuvre un plan d’action ambitieux contre les violences sexuelles et sexistes, dans tous les domaines de la vie sociale et économique du pays. A l’issue du comité interministériel à l’égalité entre les femmes et les hommes du 8 mars 2018, présidé par le Premier ministre, des mesures phares ont été annoncées afin de lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique, et notamment : • La mise en place d’un dispositif de signalement et de traitement des violences sexistes et sexuelles dans toutes les administrations, collectivité territoriales et établissements publics hospitaliers, • Déployer un plan de formation à la prévention des violences sexistes et sexuelles dans la fonction publique 5 Marie-France HIRIGOYEN, psychiatre et spécialiste française du harcèlement moral, explique dans son livre éponyme, que le harcèlement sexuel est la conséquence quasi inéluctable d’un intense harcèlement moral, Le harcèlement moral, Marie-France HIRIGOYEN, Poche ,2011. 6 L’article 1153-5 du Code du travail dispose que« l’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner. »

Introduction Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique - 13 - Ces fiches complètent le guide de prévention et de traitement des situations de violences et de harcèlement dans la fonction publique réalisé par la DGAFP (janvier 2017), l’action du Défenseur des droits sur le harcèlement sexuel ainsi que la circulaire relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique du 9 mars 2018. Elles ont été élaborées en concertation avec un comité d’experts et d’expertes constitué en équipe pluridisciplinaire : la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), la Direction générale des collectivités locales (DGCL), la Direction générale de l’Offre de soins (DGOS), le Défenseur des droits, le médecin de prévention coordonnateur national, la psychologue du travail, la conseillère nationale de prévention et la conseillère technique nationale des Ministères sociaux, le réseau déconcentré des droits des femmes. La création de fiches réflexes répond aux besoins des divers acteurs et actrices du collectif de travail et permet de mettre en place une véritable démarche d’appropriation, en lien avec la Direction générale de l’administration et de la fonction publique.

- 14 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique La fiche cadre juridique à été élaborée par le défenseur des droits. R

- 15 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique Fiche : Cadre juridique Annexess Cadre juridique

> RECONNAITRE > PREVENIR > SANCTIONNER

cadre juridique Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique - 17 - « Les agissements de harcèlement portent gravement atteinte à la dignité humaine. Le respect des droits et libertés fondamentaux de la personne impose aux employeurs des trois fonctions publiques un devoir absolu de sanctionner et de prévenir de tels agissements »7 . Est considérée comme agent ou agente victime, l’agent ou l’agente public, le ou la fonctionnaire stagiaire, toute personne en formation, en stage ou des candidates et candidats à un recrutement, à un stage. Reconnaitre La définition légale Le harcèlement sexuel est défini de manière identique dans le code pénal, le code du travail et dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires8. Ces textes en donnent une double définition : le harcèlement sexuel qui repose sur la répétition d’actes (1) et celui qui résulte d’une pression grave sur la victime dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle (2). Par ailleurs, une troisième définition du harcèlement sexuel découle du droit de la non-discrimination (3). En effet, en droit français le harcèlement sexuel est assimilé à une discrimination liée au sexe. 1. Le harcèlement sexuel constitué par des actes répétés « Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui : - soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ; - soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. » Code pénal, article 222-33-I-II ; code du travail, article L.1153-1 ; Loi du 13 juillet 1983, article 6 ter ; code de la défense, article L.4123-10-1. ▪ ▪ Les agissements peuvent être de différents types Les formes les plus fréquentes de harcèlement sexuel sont verbales : plaisanteries obscènes, compliments appuyés ou critiques insistantes sur le physique, le comportement, la tenue vestimentaire ; questions intrusives adressées à la personne harcelée sur sa vie sexuelle et confidences impudiques de la personne harceleuse sur sa propre vie sexuelle ou amoureuse ; dénigrement de la conjointe ou du conjoint de la personne harcelée ; volonté de la personne harceleuse de créer une intimité inadaptée, incongrue, précipitée. Ces faits peuvent également s’exprimer par écrit (lettres, SMS, courriels) ou à travers des supports visuels. Dans ces derniers cas, il peut s’agir d’images ou vidéos à caractère pornographique, érotique ou suggestif directement envoyées à la personne harcelée, volontairement laissées à sa vue ou montrées depuis son ordinateur, sa tablette numérique, son téléphone, etc ... 7 Extrait de la circulaire n° SE1 2014-1 du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique. 8 S’agissant des militaires, ce sont les dispositions du code de la défense qui s’appliquent à savoir l’article L.4123-10-1. IL N’EST PAS NECESSAIRE QU’IL Y AIT UNE RELATION HIERARCHIQUE ENTRE L’AUTEUR DES FAITS ET LA VICTIME. L’auteur peut être un collègue, un formateur, un fournisseur, un client ou un usager du service.

- 18 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique Des signes non verbaux ou des attitudes peuvent également être explicites : dévisager ou détailler avec insistance le physique de la personne, siffler, adopter une gestuelle à connotation sexuelle, imposer continuellement sa présence en dehors des nécessités professionnelles ou rechercher une promiscuité physique (volonté d’embrasser systématiquement à titre de salut ou poignée de main insistante, se positionner de sorte que la personne harcelée n’ait pas d’issue physique, sollicitation pour réajuster des vêtements ou une coiffure, recherche d’une proximité dans les ascenseurs, les files d’attente, les véhicules, près de l’espace de travail). Des contacts physiques non constitutifs d’agressions sexuelles9 peuvent caractériser – sous couvert de gestes anodins, désintéressés, bienveillants ou accidentels – un harcèlement sexuel : poser la main sur l’épaule ou sur le genou, toucher les cheveux ou un vêtement, jambes qui se heurtent ou se frôlent sous la table, chatouillis, pincements, chahuts, etc. ▪ ▪ Les agissements peuvent ne pas être directement sexuels mais « connotés » sexuellement. Ainsi, des agissements non explicitement sexuels (propositions d’aller au restaurant, au cinéma, de partir en week-end) peuvent être considérés comme du harcèlement sexuel dans certains contextes. ▪ ▪ La condition de répétition des actes exige simplement que les faits aient été commis à au moins deux reprises. Elle n’impose pas qu’un délai minimum sépare les actes commis. Les actes peuvent être répétés dans un très court laps de temps. ▪ ▪ La loi n’exige pas que la victime ait fait connaître de façon expresse et explicite à l’auteur des faits qu’elle n’était pas consentante. ▪ ▪ Le terme « imposer » écrit dans les textes signifie que les agissements sont subis et non souhaités par la victime. Un silence permanent face aux agissements, une gêne manifeste, des conduites d’évitement (comme éviter les déplacements professionnels en présence de la personne harceleuse ou éviter les déjeuners collectifs auxquels elle participe) sont assimilables à une absence de consentement. ▪ ▪ Le harcèlement sexuel peut être commis hors du temps et lieu de travail. Une personne harcelée est donc légitime à se plaindre d’agissements qui interviendraient soit dans son environnement professionnel, soit dans sa vie privée, soit concomitamment dans les deux cadres. La responsabilité de l’employeur est tout de même engagée. 9 Cf. passage sur les infractions apparentées qui ne relèvent pas du harcèlement sexuel en page 13. PAS DE CONFUSION ENTRE LE HARCELEMENT SEXUEL ET LA SEDUCTION ! Tenter de faire croire aux victimes et aux autres qu’il s’agit de séduction est précisément une stratégie mise en œuvre par les personnes harceleuses pour décrédibiliser la parole des personnes harcelées et garantir ainsi leur impunité. Or, la séduction suppose un accord manifeste. En l’absence de consentement, il s’agit de harcèlement sexuel ! BIEN SOUVENT LA VICTIME N’EST PAS EN CAPACITE D’EXPRIMER EXPRESSEMENT UNE CONTESTATION. Le lien professionnel tend à empêcher les salariées et salariés et agentes et agents d’exprimer leur absence de consentement aussi explicitement qu’elles/ils le souhaiteraient, car elles/ils craignent, souvent à juste titre, des représailles professionnelles.

cadre juridique Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique - 19 - Exemple Les messages électroniques et les propos à caractère sexuel adressés par un ou une manager à ses subordonnées ou subordonnés à l’heure du déjeuner et lors de soirées organisées après le travail peuvent caractériser des agissements de harcèlement sexuel. La Cour de cassation considère, en effet, que des propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées qui sont commis par un salarié ou une salariée à l’égard de personnes avec lesquelles il ou elle est en contact en raison de son travail ne relèvent pas de sa vie personnelle. Cass. soc. 19 octobre 2011, n°09-72.672 ▪ ▪ Pour être punissables, il faut également que ces propos ou gestes produisent un effet négatif sur la personne harcelée : • une atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, • et/ou l’instauration d’une situation intimidante, hostile ou offensante. Chacun de ces effets est constitutif d’un harcèlement sexuel. L’atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant peut être constituée par des propos ou comportements ouvertement sexistes, grivois, obscènes. Exemple Pascale, agente, partage son bureau avec deux autres collègues de son service et son supérieur hiérarchique. De manière répétée, ce dernier lance des propos tels que « ici ça manque de fornication », « jeudi c’est sodomie » qu’il qualifie de « cri de guerre » proféré presque tous les jeudis « pour détendre l’atmosphère ». Outre ces expressions à connotation sexuelle lancées à la cantonade, Pascale fait également l’objet de déclarations la visant personnellement telles que « quand tu contractes tes mâchoires, tes seins remontent ». En l’espèce, le juge a considéré que « la répétition de ces diverses ‘taquineries’, tantôt à connotation sexuelle, tantôt moqueuses voire quasiment insultantes, visant expressément et personnellement la plaignante et faisant toujours de près ou de loin référence à son physique […] était intrinsèquement de nature à humilier ou offenser la personne qui en était la cible » et a reconnu le harcèlement sexuel. Tribunal correctionnel d’Aix en Provence, 30 novembre 2015, n°15/3466 La situation intimidante, hostile ou offensante peut être constituée par un comportement qui a pour conséquence de rendre insupportables les conditions de travail de la victime. Exemple Sofia est journaliste dans un quotidien régional. Elle est quotidiennement témoin de propos connotés sexuellement tenus par des collègues masculins. Plusieurs fois par jour, ils se lancent des insultes sexistes et/ou miment bruyamment des rapports sexuels. Sofia doit aussi supporter les photos à caractère sexuel affichées sur les murs de la rédaction ainsi que celles qui font office d’économiseurs d’écran sur les ordinateurs de ses collègues. En l’espèce, même si la salariée n’a pas été personnellement visée par le harcèlement sexuel, cette dernière a été exposée à des propos et comportements non souhaités à caractère sexuel ayant pour conséquence de rendre insupportables les conditions de travail de la victime. Cour d’appel d’Orléans, 7 février 2017, n°15/02666 – Décision du Défenseur des droits n°2016-212 du 29 juillet 2016

- 20 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique 2. Harcèlement sexuel résultant de la commission d’un seul acte « Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. » Code pénal, article 222-33-I-II ; code du travail, article L.1153-1 ; Loi du 13 juillet 1983, article 6 ter ▪ ▪ La notion de pression grave recouvre des situations très variées, dans lesquelles une personne tente d’imposer un acte de nature sexuelle à la victime en contrepartie : • Soit d’un avantage comme l’obtention d’un emploi, d’une augmentation ou d’un contrat à durée indéterminée ; • Soit de l’assurance qu’elle évitera une situation particulièrement dommageable telle qu’un licenciement ou une mutation dans un emploi non désiré. La pression peut être constituée par un acte unique ! Exemple « proposer » une relation sexuelle à un candidat ou une candidate à l’occasion d’un entretien de recrutement est assimilé au harcèlement sexuel. En l’espèce, la pression est caractérisée par le fait que le recruteur tente d’imposer un acte de nature sexuelle à la victime en contrepartie de l’obtention d’un emploi. ▪ ▪ La finalité peut être réelle ou apparente. Autrement dit, il n’est pas nécessaire que l’auteur ou l’auteure recherche véritablement un acte de nature sexuelle à partir du moment où il ou elle l’a laissé entendre. ▪ ▪ Il n’est pas non plus nécessaire que l’acte soit recherché directement au profit de l’auteur ou auteure du harcèlement. Il peut l’être au profit d’un tiers.

cadre juridique Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique - 21 - 3. La définition du harcèlement sexuel selon la loi du 27 mai 2008 À côté de ces deux définitions énoncées dans le code pénal, le code du travail et dans la loi du 13 juillet 1983, une troisième définition est énoncée à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 200810 . En effet, le harcèlement sexuel est assimilé à une discrimination fondée sur le sexe. « (…) tout agissement à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » Loi n°2008-496 du 27 mai 2008, article 1 Deux arrêts rendus en matière de harcèlement sexuel respectivement par le Conseil d’Etat11 et la Cour de cassation confirment que le harcèlement peut être constitué par un acte unique. Exemple Aya a été embauchée en qualité de garde d’enfants à domicile par Caroline, mère de deux enfants. Alors que Caroline travaille à l’extérieur et reste absente de son domicile dans la journée, son mari Hervé rentre régulièrement et rencontre ainsi plus souvent Aya. Un jour, après le déjeuner, Hervé demande à Aya de venir au lit avec lui pour faire la sieste, ce qu’elle refuse promptement. En l’espèce, la Cour a considéré que l’invitation à venir partager une sieste constitue bien, au sens de la loi, un agissement à connotation sexuelle ayant pour effet de créer un « environnement hostile et offensant à son égard ». Cour de cassation, 17 mai 2017, n° 15-19300 Ainsi, trois définitions du harcèlement sexuel coexistent en droit français. Celle visée à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 est plus large que celles du code pénal, du code du travail et de la loi du 13 juillet 1983 en ce que d’une part, elle n’implique pas que les agissements soient répétés et d’autre part, elle ne requiert aucune pression grave sur la victime. Elle permet donc d’inclure des cas d’actes uniques de harcèlement sexuel, sans qu’il y ait nécessité de pression « grave ». Les infractions apparentées qui ne relèvent pas du harcèlement sexuel L’expression « harcèlement sexuel » est parfois indûment employée en lieu et place d’une pluralité de violences qui vont des injures sexistes au viol. Outre le harcèlement sexuel, les principales violences à caractère sexuel sont : • L’injure (Article R. 621-2 du code pénal) • La pornographie/messages contraires à la décence (Article R. 624-2 du code pénal) • L’exhibition sexuelle ou sa tentative (Article 222-32 du code pénal) • L’agression sexuelle ou sa tentative (Article 222-22 du code pénal) • Le viol ou sa tentative (Article 222-23 du code pénal) Plusieurs formes de violences peuvent se cumuler. 10 Cf. https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/a-la-une/2016/06/avis-du-defenseur-des-droits-sur-la-loi-relative-au-harcelement-sexuel 11 Conseil d’Etat, 15 janvier 2014, La poste SA c. MB, n°362495 CETTE DEFINITION PLUS LARGE DU HARCELEMENT SEXUEL N’EST PAS INVOCABLE DEVANT LE JUGE PENAL. Elle ne peut être invoquée que devant le juge administratif ou civil.

- 22 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique Exemple Des injures sexistes et une exhibition sexuelle peuvent caractériser un harcèlement sexuel. Néanmoins, il importe de veiller à retenir la qualification la plus haute dès lors que les éléments constitutifs de cette violence seront réunis. Exemple Si l’auteur ou auteure des faits a effectivement obtenu, sous la contrainte ou la menace, un contact physique à connotation sexuelle avec la victime, il ne s’agit pas de harcèlement sexuel mais d’agression sexuelle ou de tentative d’agression sexuelle. Plus concrètement, un attouchement sur une partie intime du corps réalisé par surprise, violence, menace ou contrainte est une agression sexuelle même si les deux infractions ne sont pas exclusives l’une de l’autre. ▪ ▪ Agressions sexuelles Les agressions sexuelles sont définies par les articles 222-27 à 222-30 du code pénal comme « un acte à caractère sexuel sans pénétration commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise ». Exemple caresses ou attouchements de nature sexuelle imposés (attouchements sur les seins/ fesses d’un ou une collègue, masturbation imposée, prise de photos ou visionnage d’images à caractère pornographique sous contrainte…) Depuis 2013, constitue également une agression sexuelle « le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à se livrer à des activités sexuelles avec un tiers » (Article 22222-2 du code pénal). Les agressions sexuelles autres que le viol constituent des délits passibles de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. La peine est augmentée jusqu’à 7 ou 10 ans lorsque l’agression est commise avec une ou plusieurs circonstances aggravantes (acte commis par le conjoint ; victime particulièrement vulnérable : personne infirme, malade, enceinte ; utilisation d’une arme…) La juridiction compétente est le tribunal correctionnel. La victime majeure doit déposer plainte dans un délai de 6 ans après l’agression sexuelle. Au-delà, les faits sont prescrits. Ce délai est porté à 20 ans après la majorité de la victime si l’agression sexuelle a été commise sur une personne mineure de moins de 15 ans ou sur un mineur par un ascendant, une personne ayant autorité, ou par plusieurs personnes. ▪ ▪ Viols et tentatives de viols Le viol est défini par l’article 222.23 du code pénal comme « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise » Le viol concerne tout acte sexuel avec pénétration « de quelque nature qu’il soit » : ceci désigne toute pénétration sexuelle, qu’elle soit vaginale, anale (sodomie) ou orale (fellation), ou pénétration sexuelle par la main ou des objets. Le viol est un crime passible de 15 ans d’emprisonnement. La peine peut être de 20 ans d’emprisonnement si le viol est commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes susmentionnées. La juridiction compétente est la cour d’assises. La victime peut demander le huis clos. La victime majeure doit déposer plainte dans un délai de 20 ans après le viol. Ce délai est porté à 20 ans après la majorité de la victime si le viol a été commis sur une personne mineure. Au-delà de ce délai, les faits sont prescrits.

cadre juridique Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique - 23 - En bref Pour être reconnu, le harcèlement sexuel exige : Le harcèlement sexuel peut être reconnu même en l’absence : - d’agissements explicitement sexuels - d’une relation hiérarchique entre l’auteur des faits et la victime - d’une contestation expresse de la victime - d’agissement commis sur le lieu de travail - d’un acte recherché au profit de l’auteur du harcèlement - de conscience de l’auteur des conséquences de ses actes Non-invocable devant le juge pénal

- 24 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique Prévenir Outre les sanctions des comportements de harcèlement et les mesures de protection des victimes de tels agissements, tout employeur public est tenu de prendre les mesures préventives appropriées pour garantir la santé et la sécurité de ses agentes et agents, conformément aux dispositions de l’article 23 de la loi n°83-634 du 13 juillet 198312 . A ce titre, les employeurs publics doivent se conformer aux obligations définies par les articles L.4121-1, L.4121-2 et L.4121-3 du code du travail. Ainsi, aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Ces mesures nécessaires comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Les actions de prévention des risques professionnels Les risques professionnels sont liés à l’activité professionnelle et aux conditions de travail. Ils peuvent prendre différentes formes (stress, violences internes ou externes à l’organisation) et se traduisent par une dégradation des conditions de travail et des relations sociales au travail, une dégradation de l’état de santé et peuvent dans certains cas provoquer une maladie ou un accident. Le code du travail impose notamment à l’employeur d’éviter, d’évaluer et de combattre les risques à la source, de donner des instructions appropriées aux agentes et agents, dans une logique de prévention, afin d’assurer leur sécurité et de protéger leur santé physique et mentale. De plus, l’accord-cadre relatif à la prévention des risques psychosociaux (RPS) dans la fonction publique, signé le 22 octobre 2013, oblige chaque employeur à élaborer un plan d’évaluation et de prévention des RPS. Les actions d’information et de formation 1. L’information L’article L.1153-5 du code du travail indique que « l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel. Le texte de l’article 222-33 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche ». Si cette mesure relative à l’affichage dans les lieux de travail ne constitue pas une obligation pour l’employeur public (à l’exception des employeurs publics dont le personnel est employé dans les conditions de droit privé), celui-ci peut tout à fait la mettre en œuvre dans le cadre de sa démarche de prévention. En effet, comme énoncé dans la circulaire n° SE1 2014-1 du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique « les employeurs publics sont incités à prendre toutes mesures appropriées visant à faciliter la prévention et le repérage des faits de harcèlement ». 12 Voir décret n°82-453 du 28 mai 1982 pour la fonction publique d’Etat, du décret n°85-603 du 10 juin 1985 pour la fonction publique territoriale et l’instruction n°DGOS/RH3/DGCS/4B/2014/321 du 20 novembre 2014 pour la fonction publique hospitalière. Si la responsabilité de la protection de la santé des agentes et agents incombe juridiquement à l’administration employeuse, les démarches de prévention doivent également associer les autres acteurs et/ou instances spécialisées sur ces sujets tels que les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les médecins de prévention, les assistants et assistantes et conseillers et conseillères de prévention, les agentes et agents chargés de fonctions d’inspection.

cadre juridique Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique - 25 - Outre l’affichage du texte de l’article 222-33 du code pénal qui énonce la définition du harcèlement sexuel et les sanctions encourues, l’administration peut également informer les agentes et agents sur les coordonnées des acteurs de prévention, les voies de recours, la protection fonctionnelle etc. Cela peut se faire par voie d’affichage mais également par la mise à disposition de documentation dans un livret d’accueil, sur l’intranet, lors d’une réunion d’information etc. 2. La formation La formation initiale comme la formation continue des agentes et agents publics revêtent une importance stratégique en matière de prévention du harcèlement sexuel ou moral. A cet effet, le protocole d’accord du 8 mars 2013 relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique prévoit que les employeurs publics doivent mettre en place des formations spécifiques pour mieux connaître, prévenir et traiter le harcèlement sexuel. Cette obligation est réaffirmée dans la circulaire relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique du 9 mars 2018. Les publics prioritairement concernés : La circulaire contre les violences sexistes et sexuelles dans la fonction publique du 9 mars 2018 précise les publics ciblés prioritairement par la formation : En matière de formation initiale, toute nouvelle recrue dans la fonction publique recevra une formation dédiée à ce sujet, qui pourra s’inscrire au sein de la thématique plus générale de la santé et de la sécurité au travail et/ou de la culture managériale. Cette formation viendra en complémentarité avec la formation des élèves des écoles de service public dans le cadre de leur formation initiale. En matière de formation continue, il convient de proposer des formations sur ce thème le plus largement possible et notamment aux agentes et agents des services de ressources humaines, aux agents et agentes en situation d’encadrement, aux référents et référentes Egalité et Diversité aux représentants et représentantes du personnel, aux membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)13. En effet, les obligations légales qui résultent de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel doivent être intégrées dans tous les actes de gestion des ressources humaines et de management. Ces formations doivent notamment permettre de mieux identifier des situations de harcèlement sexuel, de traiter de l’obligation de protection de l’agente et agent public, de la prise en charge de la victime et des sanctions encourues. Les objectifs de formation : • Maîtriser le cadre juridique des agissements sexistes, du harcèlement sexuel ou moral, et des violences sexuelles (définition juridique, sanctions disciplinaires et, le cas échéant, pénales, charge de la preuve, protection fonctionnelle) • Prévenir les situations de harcèlement sexuel (outils de prévention à développer, etc.). • Réagir à une situation de harcèlement sexuel (en tant que témoin – collègue, en tant que représentant et représentante du CHSCT, responsable hiérarchique – ou comme victime). 13 L’article 10 de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales prévoit une disposition spécifique pour maintenir sans limitation de durée les CHSCT dans la FPH. La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a publié des référentiels de formation sur l’égalité professionnelle afin d’aider les employeurs publics à mettre en place les actions de sensibilisation prévues par le protocole du 8 mars 2013 et part la circulaire du 9 mars 2018.

- 26 - Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés Selon l’article L.4121-2-7 du code du travail, l’employeur doit : « Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ». Exemple Le fait de recruter des femmes dans des secteurs d’activité à prédominance masculine contribue à la mixité des emplois et par conséquent à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes. Néanmoins, de nombreuses études montrent que le sexisme est la première difficulté à laquelle les femmes sont confrontées lorsqu’elles exercent un « métier d’homme » où les stéréotypes et les rapports sociaux semblent plus particulièrement figés. C’est la raison pour laquelle, le recrutement d’une ou plusieurs femmes dans un environnement de travail masculin constitue un facteur de risques de harcèlement que l’employeur ne peut ignorer. Au contraire, l’employeur doit prendre les mesures de prévention qui s’imposent. Décision du Défenseur des droits MLD-2015-249 du 4 décembre 2015 relative à des faits de harcèlement sexuel d’une fonctionnaire de l’Etat Lorsque l’administration n’a pris aucune mesure adéquate pour prévenir les atteintes à la santé et à la sécurité de ses agentes et agents d’une part, ou pour faire cesser des agissements qui lui ont été signalés et dont elle a pu vérifier la véracité d’autre part, sa responsabilité pour faute peut être engagée devant le juge administratif. Lorsqu’elle est saisie de faits de harcèlement sexuel, l’administration doit donc pour s’assurer de la réalité des faits, diligenter une enquête administrative et procéder à l’audition de toutes personnes susceptibles de lui apporter un éclairage sur les faits dénoncés. Durant cette enquête, elle pourra prendre des mesures conservatoires et décider d’éloigner provisoirement l’auteur présumé des faits de harcèlement sexuel. Elle pourra également accorder la protection fonctionnelle à la personne victime, même si celle-ci n’a pas engagé d’action contentieuse contre l’auteur des faits de harcèlement sexuel. Ces mesures ne préjugent pas des conclusions de l’enquête administrative. Ainsi, dès lors que sa responsabilité est engagée, l’administration devra apporter la preuve qu’elle a mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour prévenir ou faire cesser, le cas échéant, les agissements de harcèlement et tenter de rétablir une situation de travail normale (CE, Sect. 24 novembre 2006, n° 256313, Publié au recueil Lebon ; CAA Nancy, 15 novembre 2007, n°06NC00990). La carence de l’administration constitue donc une faute de service et l’administration peut être condamnée pour sa négligence et son inertie (CAA Paris, 28 mars 2017, n° 16PA03037).

cadre juridique Conduite à tenir dans les situations de harcèlement sexuel au sein de la fonction publique - 27 - SANCTIONNER Sanction pénale Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, il est possible de porter plainte tant que le dernier « fait » date de moins de 6 ans (délai de prescription). 1. Répression du délit de harcèlement sexuel Les faits de harcèlement sexuel sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende maximum14. Ces peines peuvent être portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende en cas de circonstances aggravantes. Ces aggravations sont prévues lorsque les faits sont commis : • par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ; • sur un mineur ou une mineure de moins de quinze ans ; • sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ; • sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ; • par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. Il est important de souligner que la personne mise en cause peut être condamnée même si elle n’avait pas conscience des conséquences de ses agissements, tant qu’elle a agi volontairement15. Exemple Dès ses premiers jours de travail au sein d’un magasin d’alimentation, Lydie doit faire face au comportement insistant d’un de ses collègues chef de rayon, Sébastien. Après lui avoir fait savoir qu’elle était mignonne, qu’elle avait de beaux yeux, il lui a proposé, à plusieurs reprises, d’aller prendre un verre après le travail malgré les refus réitérés de Lydie. Il lui a également fait des propositions explicites de nature sexuelle et a tenté des rapprochements physiques. Suite à une plainte déposée par Lydie et une autre employée, Sébastien a été condamné pour harcèlement sexuel par le tribunal correctionnel puis par la cour d’appel. Sébastien a alors saisi la Cour de cassation en invoquant l’article 121-3 du code pénal. Selon lui, il n’avait pas eu conscience d’avoir imposé son comportement aux deux victimes. A cet égard, la Cour relève que même s’il a mésestimé la portée de ses agissements, Sébastien a, en connaissance de cause, imposé aux victimes, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle les ayant placées dans une situation intimidante, hostile ou offensante objectivement constatée. Le pourvoi de Sébastien a donc été rejeté par la Cour de cassation. Cass. crim. 18 novembre 2015, n° 14-85591 14 III de l’article 222-33 du code pénal 15 En effet, l’article 121-3 du code pénal dispose, en son premier alinéa, qu’ « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre »

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