24 25 Pour une éducation à l’égalité des genres / Guide de survie en milieu sexiste (Tome 1) Alain Testart B : La division sexuelle du travail est une idéologie. Alain Testart B soutient que la division sexuelle du travail chez les chasseurs-cueilleurs n’est fondée que par une idéologie jouant sur la symbolique du sang, les femmes se trouvant généralement écartées de tous les métiers du sang (chirurgie, métier des armes, chasse, etc.). Une mise en perspective des données ethnographiques recueillies chez les chasseurs-cueilleurs montre que la répartition des tâches entre les hommes et les femmes obéit à une loi simple: les femmes ne sont pas exclues de la chasse, mais seulement des formes de chasse qui font couler le sang. Chez les Inuits ou les Aborigènes, des femmes chassent avec des filets ou des bâtons, mais jamais avec des arcs ou des harpons. Ces données permettent de réfuter l’idée que la division sexuelle du travail chez les chasseurs-cueilleurs serait fondée sur la nature (les femmes ne chasseraient pas en fonction d’une plus faible morphologie) et prouvent qu’elle n’obéit à aucune rationalité économique. Françoise Héritier B : La pression de la sélection. Françoise Héritier B estime que les différences physiques des femmes et des hommes en termes de taille, de poids, de force musculaire, ne sont pas une donnée biologique originelle, mais une différence construite due à «une pression de sélection» imposée par l’homme. Contrairement à celle des hommes, l’alimentation des femmes a toujours été sujette à des interdits, notamment dans les périodes où elles auraient pourtant eu besoin d’un surplus de protéines (réglées, enceintes ou allaitantes). Les femmes ont donc dû puiser dans leur organisme, sans que cela soit compensé par une nourriture plus riche, comme la viande, la graisse… réservées aux hommes. Cette pression de sélection dure vraisemblablement depuis l’apparition de Neandertal, il y a 750 000 ans et a entraîné des transformations physiques chez les femmes et les hommes. Françoise Héritier B ne nie pas l’existence d’une différence physiologique entre hommes et femmes: «Cette différence comporte de nombreuses contraintes et impossibilités: les hommes ne peuvent pas, sauf accident, produire du lait (…) ; seules les femmes ont un utérus et peuvent porter des enfants; il y a des hormones qui correspondent à l’un et à l’autre sexe, etc. Ce sont là des données objectives, qui toutefois ne sont pas dotées de valeur. La valeur et ce que nous appelons le «masculin» et le «féminin» relèvent du regard que porte l’humanité sur le rapport des sexes et des explications qu’elle donne à cette dualité. En découlent des jugements de valeur, des règles de comportement comme le partage des tâches, bref tout ce qui fait les oppositions que l’on considère comme naturelles, mais qui ne le sont pas.» 5 Pierre Bourdieu B : Le processus de déshistoricisation. Pierre Bourdieu B développe une analyse des rapports sociaux entre les sexes cherchant à expliquer les causes de la permanence de la domination masculine dans toutes les sociétés humaines, par un habitus donnant aux femmes et aux hommes un rôle prédéterminé. La domination des hommes sur les femmes se perpétue par un processus de «déshistoricisation» des structures de la division sexuelle. En d’autres termes, ce qui apparaît dans l’Histoire comme une constante, comme éternel et naturel, n’est pas le fruit d’une reproduction biologiquement déterminée, mais incombe aux pressions sociales, incarnées par les institutions, telles que la famille, l’école, la religion, la justice... Ce processus de déshistoricisation tente de se justifier par une approche pseudo-scientifique se basant sur des différences physiologiques, alors qu’il s’agit d’un processus culturel tentant de se donner les aspects d’un processus naturel. 5/ Philosophie Magazine, «Aux origines de la domination masculine », 5/07/2007. Pour aller plus loin…
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