Guide de survie en milieu sexiste

46 47 Pour une éducation à l’égalité des genres / Guide de survie en milieu sexiste (Tome 1) 33/ Philippe BrenotB «Existe-t-il un besoin sexuel ? », conférence, Nanterre, 12 octobre 2005. 34/ Idem. 35/ Idem. 36/ Élisa BruneB, citée dans Causette 55, avril 2015. Existe-t-il un besoin sexuel chez les êtres humains? La sexualité est un facteur important de la vie humaine, soumise à d’importantes normes morales, religieuses, légales… L’être humain inscrit sa sexualité dans l’entretien de liens sociaux et affectifs qui dépassent largement le cadre du comportement de reproduction. Ainsi, penser que «le sexe, c’est naturel» est une erreur (discours que tiennent certain-e-s pour refuser l’idée de cours d’éducation sexuelle, puisqu’il n’est pas utile de comprendre les mécanismes d’une chose qui va de soi). En réalité, le sexe est culturel : la sexualité est le fruit d’un apprentissage où les idées reçues ne manquent pas! Il y a donc parfois amalgame entre l’acte de reproduction, physiologique et le comportement sexuel de l’être humain, où les dimensions affectives, sociales, morales... entrent en jeu. Si l’on part de la définition d’un besoin comme étant assujetti à des impératifs d’ordre naturel, on ne distingue que peu de besoins chez l’être humain: la faim, la soif, les fonctions d’élimination, le sommeil, la protection contre le froid ou la chaleur. Si l’être humain n’élimine pas, est privé de nourriture ou de sommeil, au bout de quelques jours, voire quelques heures, un problème surgira qui mettra sa vie en danger. Mais si l’être humain n’a pas de relation sexuelle pendant une semaine, un mois, un an, dix ans ou même durant toute sa vie, il ne se passera rien. Sa santé ne sera, à aucun moment, mise en danger. L’abstinence existe, prônée par certaines religions ou croyances, de même que le célibat et le veuvage, sans que cela produise un quelconque dommage corporel… En cela, la relation sexuelle n’est donc pas un besoin pour l’être humain. Par contre, certain-e-s (ce n’est pas une généralité) vont se sentir très frustré-e-s d’un manque de relations sexuelles. Il s’agit dans ce cas de frustration et non de besoin, distinction fondamentale. «Le sexe est-il un besoin ? Je dis non. Il a été ainsi défini dans une période de machisme et de domination masculine pour imposer le désir masculin aux femmes, de façon impérative. Et la domination masculine n’est toujours pas terminée. » 33 Philippe Brenot B, psychiatre, anthropologue et sexologue, évoque régulièrement la notion de «besoin sexuel de l’être humain», souvent qualifiée aussi «d’instinct sexuel»... pour la démonter. «Freud a beaucoup parlé d’instinct, de pulsion, de besoin, mais ce que nous savons aujourd’hui de l’instinct est très loin de ce qu’il disait. Freud était certainement juste en 1905, mais il ne l’est plus forcément aujourd’hui. (...) La neurobiologie, par exemple, nous dit que l’instinct sexuel n’existe pas. En effet, il n’y a pas vraiment d’instinct de reproduction, pas de gènes qui dirigent une telle pulsion, mais une conformité anatomique et des processus de renforcement, qui permettent que le coït s’accomplisse et que se reproduise l’espèce. Mais pas d’instinct au sens premier du terme, qui se réaliserait par un acte obligatoire. (…) S’il existait un instinct, tous les individus s’accoupleraient.» 34 Les hommes ont-ils plus besoin de faire l’amour que les femmes ? Évoquer l’existence d’un besoin sexuel chez l’être humain cache généralement une sous-affirmation, largement admise par l’opinion publique, répandue dans les médias et relayée par diverses études pseudo-scientifiques: les hommes ont plus besoin d’avoir des relations sexuelles que les femmes. Traduction: «Les hommes ne pensent qu’à ça!» «L’homme est soumis à son besoin sexuel tandis que la femme aurait une plus grande capacité à se contrôler et à dissimuler ses pulsions. Ces pauvres hommes, eux, ne peuvent malheureusement pas se contrôler ! (…) Le besoin sexuel a bon dos (…), il permet de justifier des comportements, des opinions…» 35 Plusieurs études et recherches récentes remettent en question ce cliché des besoins sexuels actifs de l’homme (en opposition à la sexualité passive de la femme). Élisa Brune B constate ainsi que les différences concernant les comportements sexuels sont beaucoup plus importantes au sein d’un groupe de femmes et au sein d’un groupe d’hommes, qu’entre les hommes et les femmes. «Les pulsions n’appartiennent aucunement à un groupe plutôt qu’à l’autre.» 36 Il ne s’agit donc pas de différence physiologique entre désir masculin et féminin, mais bien de ce qui est culturellement admis et encouragé comme comportements sexuels chez l’homme et la femme dans notre société.

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