60 61 Pour une éducation à l’égalité des genres / Guide de survie en milieu sexiste (Tome 1) 52/ Dortier Jean-FrançoisB, «Y a-t-il un instinct maternel ? », Sciences humaines, 134, janvier 2003. 53/ Badinter ElisabethB, «Le conflit. La femme et la mère », Flammarion, 2010. 54/ Héritier FrançoiseB, «Masculin-Féminin», Odile Jacob, 2007. 55/ Vaillant MaryseB, «Être mère, mission impossible ? », Albin Michel, 2011. Hormones, odeurs, gènes... ces dispositifs biologiques, censés inciter les mères à s’occuper de leurs petits, ne suffisent pourtant pas à faire de toutes les jeunes femmes des mères attentionnées. Sarah Blaffer HrdyB définit dès lors l’amour maternel comme un alliage complexe de facteurs biologiques et de mécanismes de construction sociale, se démarquant en cela du courant sociobiologiste «pur». Elle note ainsi que certaines mères sont négligentes, distantes ou maltraitantes à l’égard de leurs petits. La chercheuse a été l’une des premières à montrer l’importance de l’infanticide dans le monde animal : souris, écureuils, ours ou loups peuvent tuer leur progéniture et il s’agit souvent de mères opérant un choix dans leur portée, abandonnant ou dévorant certains de leurs petits. Dans les sociétés humaines aussi, la réalité de l’infanticide remet en cause l’idée d’un instinct maternel irrépressible. «Dans beaucoup de sociétés, il s’agit d’une pratique courante lorsque l’enfant est handicapé, qu’il n’y a pas de moyen de contraception ou encore faute des ressources nécessaires pour s’occuper d’un enfant. Les infanticides ont été décrits autant chez les Yanomanis du Brésil que chez les Kungs d’Afrique du Sud. On sait également que dans l’Antiquité, tout comme en Asie aujourd’hui, l’infanticide des petites filles a été pratiqué de façon sans doute massive.» 52 «Bien que Sarah Blaffer HrdyB reconnaisse l’influence du contexte social, économique, historique… sur le sentiment maternel, rien de tout cela n’invalide à ses yeux la notion d’instinct. L’amour maternel a une base biologique incontournable: la prolactine, l’hormone de l’allaitement. C’est l’allaitement et la proximité qu’il implique qui forgent des liens puissants entre la mère et son enfant.» 53 - Elisabeth Badinter B Mais si l’allaitement est l’élément déclencheur de l’amour maternel, qu’en est-il des mères qui n’allaitent pas ou peu? Sont-elles de mauvaises mères en devenir? Leur enfant souffrira-t-il de carences affectives? Et, d’un autre côté, comment expliquer le manque d’attachement ressenti par certaines jeunes mères, pourtant allaitantes, vis-à-vis de leur nouveau né, ainsi que les comportements de maltraitance? Une anthropologue, une psychologue, une neurobiologiste et une psychanalyste confirment à l’unanimité: l’instinct maternel n’existe pas. Il y a non seulement confusion de langage entre «instinct maternel» (primaire, animal, irrépressible...) et «amour maternel» (ressenti, psychique, personnel…), mais même l’amour maternel n’a rien d’inné, d’intemporel ou d’universel : il se construit, ou non, selon l’histoire de chaque femme. Françoise Héritier B : L’amour maternel est une construction mentale et sociale. 54 «Le terme instinct, au sens strict, suppose que l’on soit conduit, malgré soi, à un certain type de comportements qui seraient liés à notre espèce. Cela est valable pour les animaux, mais ne l’est pas pour l’espèce humaine. Parce que l’homme est doté d’une conscience, d’un libre-arbitre, de sentiments… Il s’agit donc de volontés, et non d’instincts. Des volontés qui peuvent d’ailleurs être absentes. Faire un enfant est à la fois le fruit de la volonté de se reproduire, c’est-à-dire de transmettre la vie, et la nécessité (et donc la volonté qui l’accompagne) de protection. (…) Ce qui peut exister, ce sont des constructions idéologiques d’ensemble qui nous poussent à nous conformer à la loi de la reproduction - il n’y a qu’à regarder à quel point on culpabilise les jeunes femmes, et parfois même, les jeunes couples, lorsque ceux-ci tardent à avoir des enfants -. Il y a aussi, chez certaines femmes, un fort sentiment de culpabilité qui peut se développer si celles-ci ont l’impression de ne pas fournir ce qui est attendu d’elles. Mais en aucun cas un instinct maternel qui les pousse à la maternité ou à aimer leurs enfants.» Maryse Vaillant B : Le sentiment maternel est le fruit d’une maturation psychique singulière à chaque jeune mère. 55 «L’expérience clinique, et même la simple observation le montre: l’instinct maternel n’existe pas au sens d’instinct inné inscrit dans les gènes et que toute femme aurait au moment d’accoucher, comme c’est le cas chez les autres mammifères. Comme tout être humain, la jeune mère est travaillée par son inconscient, son histoire de fille, l’histoire de sa mère et celle des femmes de sa famille. Son désir d’enfant est lié à son passé, à sa relation au père -ou au géniteur de l’enfant-, ainsi qu’à ses projections sur l’avenir. Il n’y a rien d’instinctif là-dedans, c’est une maturation psychique singulière à chaque jeune mère.
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