68 69 Pour une éducation à l’égalité des genres / Guide de survie en milieu sexiste (Tome 1) 71/ Friedan Betty, «The Feminine Mystique » (La Femme mystifiée), Gonthier ,1964 72/ Propos tenus dans l’émission du journaliste Bill Moyers «The world of ideas », 1988. 73/ Lettre du 7 juillet 1981 adressée à Macmillan Publishing, éditeur américain de «L’Amour en plus ». dans l’opinion publique à l’époque, mais soutient l’action des combats féministes naissants. En 1963, dans «The Feminine Mystique» (La Femme mystifiée), Betty FriedanB s’intéresse au sort des mères au foyer et au renfermement sur soi que peut entraîner l’absence d’activité publique: «déclin de l’autonomie, déperdition du capital culturel, engourdissement de l’esprit d’initiative.» 71 La fonction maternelle entraînerait dès lors la dégradation des femmes, en tant qu’individus autonomes et pensants. Suite au succès de son livre, Betty FriedanB est incitée à fonder un mouvement féministe inspiré du modèle de la «National Association for the Advancement of Colored People», une association de lutte contre les discriminations raciales. Elle fonde alors la «National Organization for Women» (NOW signifiant aussi Maintenant) qui joue un rôle primordial sur la scène politique et culturelle américaine dans les années 1960 et 1970 et influencera les combats féministes européens. Durant le 20e siècle, les femmes vont donc peu à peu prendre de la distance avec la maternité. Ne souhaitant plus être considérées comme des corps reproductifs, certaines femmes, sous l’impulsion des mouvements féministes, cassent les représentations classiques de la bonne mère. À la fin du 20e siècle, les femmes obtiennent le droit de disposer de leur corps, avec l’accès à la contraception et la dépénalisation de l’avortement. La maternité (re)devient un choix. Dès lors, la vision et le vécu de la maternité se modifient… et s’idéalisent : les femmes enceintes attendent toutes «un heureux événement», parce qu’elles sont censées désirer leur enfant et avoir planifié leur grossesse. Et puisque l’enfant qui vient est forcément désiré, il mérite toute l’attention de ses parents, particulièrement de sa mère, estimée plus nécessaire à son bon développement. À la fin du 20e siècle, pédiatres et psychologues s’entendent pour affirmer que la présence de sa mère auprès de lui est indispensable au développement harmonieux du jeune enfant. La théorie de l’instinct maternel revient en force et la pression du corps médical s’accroît, par exemple vis-à-vis de l’allaitement, qui devient indispensable à la bonne condition physique et psychique du nourrisson. Un processus de culpabilisation des mères qui travaillent, toujours actif de nos jours, se met en marche. En 1972, parait le best-seller mondial «Tout se joue avant 6 ans» (How to Parent) du psychologue américain Fitzhugh Dodson. L’auteur, spécialiste de l’éducation, y expose sa conviction de l’importance des premières années dans le développement de la personnalité d’un enfant. Selon lui, le type et la nature des stimulations reçues par un jeune enfant détermineront en grande partie la suite de ses apprentissages. Et qui, mieux que sa mère, serait plus compétent-e pour apporter au jeune enfant les stimulations dont il a besoin? Théorie renforcée par Thomas Berry Brazelton, médiatique pédiatre des années 1980-1990, connu de nombreux parents américains grâce à ses ouvrages de vulgarisation, mais surtout grâce à son émission télévisée «What Every Baby Knows» (Ce que tous les bébés savent), qui affirme ainsi en 1988: «Si les enfants n’ont pas cela (que la mère reste à la maison près de son enfant durant la première année de sa vie), ils deviendront insupportables à l’école et n’y réussiront jamais; ils rendront tout le monde furieux; ils deviendront plus tard des délinquants et éventuellement des terroristes!» 72 Quant au psychanalyste pour enfants Bruno Bettelheim, il répondra en ces termes à la demande de l’éditeur d’Elisabeth BadinterB d’écrire la préface de son ouvrage «L’Amour en plus», en 1981: «Toute ma vie j’ai travaillé avec des enfants dont la vie avait été détruite parce que leur mère les haïssait (…). La démonstration qu’il n’y a pas d’instinct maternel – bien sûr qu’il n’y en a pas, sinon ils n’auraient pas été si nombreux à avoir besoin de mes services – ne servira qu’à libérer les mères de leur sentiment de culpabilité, seul frein qui permette de sauver certains enfants de la destruction, du suicide, de l’anorexie, etc. Je ne veux pas prêter mon nom à la suppression du dernier rempart offrant à beaucoup d’enfants malheureux une protection contre la destruction.» 73 L’enfant-roi, l’enfant «projet de vie», mérite donc toute l’attention de sa mère. Son bonheur, présent et futur, nécessite qu’elle mette sa carrière professionnelle entre parenthèses pour rester auprès de lui, au moins les premières années de sa vie. L’État met d’ailleurs en place plusieurs dispositifs favorisant la présence de sa mère auprès du jeune enfant (congés parental, d’allaitement, de maternité, travail à temps partiel…). «Désormais, parce que la femme a, la plupart du temps, le choix, les attentes que la société a envers elle sont surdimensionnées, mais égale-
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