84 85 Pour une éducation à l’égalité des genres / Guide de survie en milieu sexiste (Tome 1) 89/ Françoise HéritierB, Le Figaro Magazine, juillet 2011. 90/ «Glossaire de la parenté », Revue L’homme, no 154-155, 2000. 91/ Beate Wagner-HaselB, «Le matriarcat et la crise de la modernité », dans Mètis, Anthropologie des mondes grecs anciens, vol. 6, n°1-2, 1991. 92/ Austen MirceaB, «Les sociétés matriarcales à travers le monde », www.madmoizelle.com, 18 septembre 2014. des Amazones telle qu’elle est présentée ne relève que du mythe horrifié des Grecs.» 89 - Françoise HéritierB La seule certitude est qu’il n’y a aucune preuve scientifique, à ce jour, que des sociétés dans lesquelles les femmes détenaient tout le pouvoir, à la fois dans leur famille et dans les autres institutions sociales, aient jamais existé. «Matriarcat - Gynécocratie: situation, dont il n’existe pas d’exemples attestés, où l’autorité est exercée exclusivement ou principalement, par les femmes». 90 Il est intéressant de noter que la théorie du «matriarcat originel» a été instrumentalisée par des courants politiques très différents, ce qui tend à expliquer qu’elle ait perduré dans l’imaginaire collectif via les médias et ce, malgré son manque de crédibilité. Depuis la publication de l’ouvrage de Johann Jacob BachofenB jusqu’à aujourd’hui, cette théorie a notamment servi d’inspiration pour dénoncer les dérives du progrès et de la technique, BachofenB lui-même étant un pourfendeur de certains aspects de la modernité: son organisation économique capitaliste, son industrialisation et son rationalisme exacerbé. À sa suite, d’autres auteur-e-s conservateurs-conservatrices (d’influence socialiste comme libérale) prônent le «retour» à une forme de matriarcat fantasmé. Des féministes essentialistes s’en font également l’écho dans leur critique des rapports de domination de l’humain sur la Nature, et des hommes sur les femmes. Ils-elles reprennent de BachofenB l’idée d’un matriarcat qui ne serait pas une violence des femmes sur les hommes, mais plutôt un état d’harmonie entre les humains et la Nature, marqué par un pouvoir des femmes plus important et un culte de la féminité. Inversement, la théorie du «matriarcat originel» sert également à maintes reprises de repoussoir pour les personnes hostiles aux avancées des droits des femmes, en présentant ces luttes comme des régressions de la «grande» Histoire... 91 Que sait-on des sociétés organisées selon un modèle non-patriarcal? «Une société matriarcale, ce n’est pas vraiment ce qu’on imagine! On ne trouve pas vraiment de trace d’un peuple amazone où l’intégralité des pouvoirs symboliques, économiques, politiques et/ou militaires auraient/ seraient détenus exclusivement par des femmes. Ainsi le terme matriarcat, construit pour s’opposer à celui plus connu de patriarcat, ne permet pas, pris sans nuance, de décrire une culture existante ou ayant existé. (...) Il existe pourtant bien des peuples qui, en matière de répartition des rôles genrés dans la société, ont pris des voies radicalement différentes des nôtres.» 92 - Austen MirceaB Comme expliqué dans ce qui précède, plutôt que de parler de sociétés matriarcales, il serait plus juste de parler de sociétés matrifocales, c’està-dire centrées sur la mère et sur la famille maternelle. De nombreuses sociétés matrifocales ont existé à travers les époques et les continents. Certaines ont perduré jusqu’à nos jours, malgré les pressions subies pour qu’elles se conforment à un modèle plus «conventionnel» patriarcal. Ainsi, aux différentes époques de la colonisation européenne, notamment en Amérique, en Afrique et en Asie, ce type d’organisation sociale matrifocale est fort décrié par les colons, qui cherchent à imposer ce qu’ils-elles considèrent comme «l’ordre naturel des choses», c’est-à-dire que l’homme ait le pouvoir sur la femme... de la même manière que le colon «civilisé» blanc est supérieur aux «sauvages» autochtones! Parmi les sociétés matrifocales, on peut distinguer plusieurs modes d’organisation, certains pouvant co-exister : • matrilinéaire, lorsque la filiation se fait par la mère; • matrilocale ou uxorilocale, lorsque les femmes sont au centre de leur famille et y restent même après une union (selon les cas, ce sont les conjoints qui viennent vivre dans la famille de la femme ou bien les deux conjoint-e-s restent dans leurs familles respectives) ; • avunculaire, lorsque ce sont les oncles maternels et non les pères biologiques qui jouent un rôle important dans l’éducation de l’enfant, aux côtés de la mère biologique. Voici quelques exemples de sociétés toujours traditionnellement matrifocales.
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