1 Comprendre les transidentités Un guide à l’usage des personnes cis
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3 Bienvenue dans cette brochure sur les transidentités ! Qu’est-ce que la transidentité? Que vivent les personnes trans au quotidien? Comment parler à une personne trans, ou comment l’accompagner dans ses démarches ? Qu’est-ce que le genre, et comment se manifeste-il dans notre société? Vous trouverez ici des réponses à ces questions ainsi qu’à beaucoup d’autres que vous vous posez sans doute sur le thème des transidentités. Que le but soit de compléter vos connaissances ou tout simplement de vous informer, cette brochure vous permettra de mieux comprendre les personnes transgenres : ce qu’elles vivent au quotidien, les préjugés, les violences et les discriminations dont elles peuvent être victimes, et comment les dépasser et les combattre.Aujourd’hui encore,la transidentitédemeuredans notre sociétéun sujet tabou: or nous avons peur de ce que nous ne connaissons pas, et cette ignorance peut très souvent conduire à de la transphobie.Nous, association Transat,collectif de personnes transgenres basé à Marseille, avons donc écrit cette brochure dans le but de lutter contre cette méconnaissance qui porte, même sans le vouloir, directement atteinte aux personnes transgenres. Cette brochure vous permettra, entre autres, de vous informer de façon fiable, complète et précise sur les transidentités, de savoir agir plus respectueusement avec lespersonnestransetde lesprendreencomptedans laglobalitédessituations sociales,ainsi que de lutter contre leur invisibilisation et contre la transphobie.Bref, de devenir un.e allié.e des personnes trans au quotidien. Pour cela vous trouverez tout d’abord des définitions de base concernant la transidentité, un florilège des questions les plus fréquemment posées sur le sujet, et pour finir des conseils et outils pour savoir comment lutter activement contre la transphobie au quotidien. Bonne lecture!
4 Qui sommes-nous? Présentation de l’association Transat L’association Transat est une association de personnes trans, à visée militante et d’entraide, basée sur Marseille et ses environs, et dont l’objectif est de sensibiliser la société aux problématiques liées à la transidentité, s’entraider entre personnes trans, défendre et plaiderpour lesdroitsdespersonnes trans auprès des institutions,valoriser la parole et la création artistique des personnes trans dans l’espace public, et lutter contre la transphobie. Nous organisons des permanences et des activités pour les personnes trans et leurs proches, dans une démarche de valorisation de l’échange, de soutien, d’écoute,etd’empowerment.Nous organisonsetparticiponsàdesévénements et/ou formations, dans le but de sensibiliser le public aux questions ayant trait à la transidentité, et allons à la rencontre des institutions publiques ou privées pour faire valoir les droits des personnes trans.Nous nous inscrivons dans une approche inclusive, féministe et intersectionnelle, et privilégions autant que possible une posture d’ouverture et de dialogue. Nous Contacter Mail : transat.asso@gmail.com Twitter:@Asso_Transat Facebook:@TransatAsso Instagram:@associationtransat Crédits Recherches et texte: Lee FERRERO, Samuel CASTINEL, Astéria BAREST, Raphaëlle VIVES, Alix ROSSI,Mazikeen RORATO, Julien PLAULT, Soann FIGON Relecture et conseils: Maëlle LEMOINE, Sébastien CHATELEE, Julien PLAULT Illustrations: Loop Tempura Mise en page: Gael LAPASSET Une brochure de l’association Transat
5 Sommaire Partie I - La transidentité, c’est quoi? Quelques définitions Personne trans (femme trans, homme trans, personne non-binaire) Le principe d’autodétermination Personne cisgenre Personne intersexe L’assignation de genre à la naissance et la norme sociale du genre Dysphorie de genre Transition Coming out / Outing Passing Mégenrer / Deadname Transphobie Partie II - Questions fréquentes et quelques chiffres Les personnes trans sont-elles malades? Est-ce un choix de «devenir trans»? Les personnes trans changent-elles de sexe? Les personnes trans changent-elles de genre? Les personnes trans sont-elles “né.e.s dans le mauvais corps”? Les personnes trans souffrent-elles? Les personnes trans sont-elles caricaturales dans leur expression de genre? Les personnes trans sont-elles un phénomène récent? Faut-il être sûr.e avant de faire une transition? Existe-t-il des médecins spécialistes de la transidentité? Y a-t-il plus de femmes trans que d’hommes trans? Les personnes trans sont-elles marginalisées? La transidentité et la transphobie en quelques chiffres Et celles et ceux qui regrettent? Partie III - Lutter contre la transphobie au quotidien: conseils et outils pratiques Quelques conseils de base, valables pour tout le monde Quelques conseils pratiques, pour les associations alliées et les proches de personnes concernées Conseils pour les médecins et les professionnel.le.s de santé Conseils pour les personnels administratifs et d’accueil 7 7 8 9 10 11 13 13 14 14 15 15 17 17 18 18 19 20 21 22 23 23 24 25 25 26 28 31 31 35 37 40
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7 Partie I La transidentité, c’est quoi ? Quelques définitions Posons tout d’abord quelques définitions de base.Pour commencer,une personne transgenre (ou personne trans) est une personne qui ne s’identifie pas au genre qui lui a été imposé (ou assigné) à la naissance. Par exemple: • Une femme trans (MtF) est une personne qui a été assignée homme à la naissance et dont l’identité de genre est féminine. • Un homme trans (FtM) est une personne qui a été assignée femme à la naissance et dont l’identité de genre est masculine. • Une personne non-binaire est une personne dont le genre n’est ni strictement homme ni strictement femme. Le genre d’une personne non-binaire peut-être par exemple: neutre, agenre (sans genre),bigenre (qui a deux genres),de genre fluide (c’est-à-dire qui varie avec le temps)… Il existe une grande variété de mots pour décrire les genres non-binaires. Attention: On appelle les personnes trans par leur genre ressenti, c’est à dire la façon dont elles se pensent et elles se vivent, car l’identité réelle d’une personne relève de sa psychologie (et non de son corps, son apparence ou son comportement). Le genre réel d’une personne est donc celui qu’elle ressent et qu’elle revendique. Cela peut paraître trivial mais au-delà du fait qu’elles sont trans, les personnes trans sont des personnes! Par conséquent, une femme trans (par exemple) est avant tout une femme comme les autres, puisqu’elle s’identifie comme telle. Le fait d’être trans n’est pas une identité de genre en soi. Par contre, les mots “homme”, “femme” et “personne non-binaire” désignent bien des identités de genre.
8 Le principe d’autodétermination L’identité de genre relève exclusivement de l’auto-détermination, c’est-à-dire que c’est celle que la personne pense et dit avoir.Pour être une personne trans, il suffit donc uniquement de ne pas s’identifier (totalement ou partiellement) au genre qui nous a été assigné à la naissance (ou genre d’assignation). L’identité de genre est un donné psychologique, elle ne dépend donc ni du comportement, ni de l’apparence, ni du corps, ni des goûts ou de l’orientation sexuelle de la personne. L’identité de genre de quelqu’un, c’est simplement la façon dont elle se pense, et elle s’identifie. Cela signifie que pour être transgenre, il n’y a besoin d’effectuer aucune démarche, que ce soit du point de vue médical (modifier son corps), administratif (modifier ses papiers) ou même social (se présenter sous une autre apparence). De nombreuses personnes trans n’effectuent d’ailleurs pas de démarches du tout (que ce soit par contrainte ou par choix), et aucune démarche n’est en soi obligatoire ou systématique dans le cadre d’un parcours de transition: les démarches souhaitées dépendront uniquement de la volonté de la personne, et seront différentes d’une personne à l’autre! Cela signifie aussi que puisqu’il est possible d’avoir tout type de corps ou d’apparences indépendamment de son identité, le seul moyen de connaître l’identité de genre de quelqu’un, c’est donc de lui demander. Les termes “transsexuel.le” et “transexualisme” sont historiquement des termes psychiatrisants, ils sont donc à éviter. Ils étaient à l’origine utilisés par les psychiatres et sous-entendaient que la transidentité était une maladie mentale, et qu’il existait des personnes qui en étaient vraiment atteintes et souhaitaient “remettre en conformité leur corps” (les “transsexuels”), par opposition à des personnes qui n’en seraient pas vraiment atteintes mais qui seraient juste délirantes, car elles ne voudraient pas modifier leur corps (les “transgenres”).Cette distinction est totalement transphobe car elle va à l’encontre du principe d’autodétermination (le corps et l’identité de quelqu’un sont deux choses différentes et sans rapport!),c’est pourquoi lemot “transsexuel” est perçu majoritairement comme dégradant et inapproprié. Par ailleurs, le suffixe -sexuel peut induire en erreur en sous-entendant que la transidentité serait une sexualité, ce qui n’est pas le cas. L’identité de genre de quelqu’un n’a aucun rapport avec sa sexualité ou avec son orientation sexuelle. Les termes appropriés pour parler d’une personne concernée par la transidentité sont donc “personne trans” ou “personne transgenre”.
9 Les personnes trans changent-elles de genre? S’ilpeutsemblerévidentque lespersonnestransnechangentpasforcémentde sexe, car elles ne souhaitent pas forcément faire d’opération de réassignation génitale, on pourrait se demander si les personnes trans “changent de genre”. Or, excepté certaines personnes non-binaires qui sont de genre fluide, (c’està-dire que leur identité de genre change au cours du temps), la plupart des personnes trans ne changent pas de genre, elles sont simplement assignées à un genre par la société, qui ne correspond pas à la façon dont elles se vivent. En faisant leur coming out (voir définition page X), elles assument donc simplement leur genre réel, auquel elles s’identifiaient depuis toujours. S’il y a changement c’est donc uniquement du point de vue extérieur de la société, et non pas du point de vue de la personne trans qui ne fait qu’affirmer une identité qu’elle a toujours eue. Il est donc préférable de ne pas parler de “changement de genre” mais plutôt d’affirmation de genre. Pour ces raisons, des termes comme FtM (female to male) et MtF (male to female), ou leurs équivalents non-binaires MtU / FtU (male to unknown / female to unknown) ou MtX / FtX, sont très critiqués, car ils mettent l’accent sur l’assignation de naissance des personnes, et sous-entendraient que les personnes “changent” de genre (seraient “female” et deviendraient “male” par exemple) en faisant des démarches de réassignation. Cette vision témoigne d’une mauvaise compréhension de ce qu’est la transidentité, car l’identité de genre d’une personne ne dépend en aucun cas de l’état de son corps ni des démarches qu’elle aurait effectuées, conformément au principe d’autodétermination (voir encart supra). Rappelons également que la transidentité n’est pas une maladie, ni un trouble mental. L’OMS a d’ailleurs retiré la transidentité du DSM (classification médicale des maladies psychiatriques) en 2018. Par ailleurs, être trans n’est pas un choix (mais nous y reviendrons plus longuement dans la partie II). Pour parler des personnes qui ne sont pas transgenre, on emploie le terme de personne cisgenre (ou personne cis). Une personne cisgenre est donc une personne qui se considère en adéquation avec le genre qui lui a été assigné à la naissance. Par exemple, un homme cisgenre est une personne assignée homme à la naissance et se reconnaissant dans le genre masculin. Le terme cisgenre permet de nommer la norme sociale, et d’éviter de dire qu’il y aurait d’un côté les personnes trans et de l’autre les “personnes normales”, ou alors d’un côté les personnes trans et de l’autre “les autres”. Dire qu’il y existe des personnes transgenres et des personnes cisgenres permet ainsi de décrire les deux réalités comme étant sur un pied d’égalité et de façon respectueuse.
10 Il ne faut pas confondre les personnes trans avec les personnes intersexes, qui sont des personnes dont le développement biologique de corps ne correspond pas aux normes mâle ou femelle. La sexuation du corps d’une personne comporte en effet plusieurs variables: les chromosomes, les caractères sexuels secondaires, les taux hormonaux, les organes génitaux externes ou internes… On considère dans nos sociétés deux catégories de sexuation: • “mâle”: caryotype XY,pilosité et masse musculaire accrue,mue de la voix,pilosité faciale, dominante testostérone, pénis, testicules, spermatozoïdes, prostate… • “femelle”: caryotype XX,seins,masse graisseuse accrue,dominante oestrogènes, vulve, clitoris, vagin, utérus, ovaires, ovules… Notre société considère que tout corps doit correspondre à l’un de ces deux schémas, mais en réalité il s’agit davantage d’un faisceau de facteurs et donc d’un continuum plutôt que de deux cases distinctes. On estime que près d’1,7% des personnes sont intersexes, c’est-à-dire que leur développement biologique ne correspond pas à la norme sociale mâle ou femelle pour une ou plusieurs des variables de la sexuation. Pour désigner les personnes qui ne sont pas intersexes, on parle de personnes dyadiques.Une personne dyadique est donc une personne dont le développement biologique correspond à la norme de corps “femelle” ou “mâle”. A la naissance, les personnes intersexes se voient également assigner un genre (c’est-à-diresont cataloguéescomme“homme”ou“femme”par l’état et lasociété, voir encart “assignation de genre” infra). Souvent, lorsque leurs organes externes ou internes ne correspondent pas suffisamment à la norme des organes “mâle” ou “femelle”, elles sont opérées pour les rendre conformes à la norme sociale, et/ou forcées à prendre des traitements hormonaux, et ce alors que l’intersexuation ne présente aucun risque pour la santé! Ces actes médicaux, souvent vécus comme traumatiques, sont dénoncés par la Cour Européenne des droits de l’Homme comme mutilations infantiles, car les enfants concernés n’ont pas la possibilité d’y consentir. La plupart des personnes trans sont dyadiques (non-intersexes), mais certaines peuvent s’avérer être intersexes. L’intersexuation et la transidentité sont deux faits complètement distincts: l’intersexuation concerne le développement biologique du corps de la personne, tandis que la transidentité concerne l’identité de genre, donc le ressenti psychologique de la personne. Les personnes intersexes peuvent donc être aussi bien transgenres que cisgenres (c’est-à-dire se reconnaître ou pas dans le genre qui leur a été assigné à la naissance). Pour plus d’informations sur l’intersexuation,vous pouvez consulter des ressources d’associations de personnes intersexes,comme le Collectif Intersexe et Allié.e.s.
11 L’assignation de genre à la naissance et la norme sociale du genre Dans notre société, on pense par défaut que les organes génitaux impliquent forcément un certain développement à la puberté, une certaine identité de genre, une certaine orientation sexuelle, ainsi qu’une apparence, des goûts, des comportements précis. C’est ce qu’on appelle la norme sociale de genre. Même sans être transgenre, très peu de personnes correspondent en réalité totalement à ce modèle : par exemple un homme ne va pas forcément aimer le foot, avoir les cheveux courts, boire de la bière, être musclé, avoir de la barbe, aimer les femmesetc.On emploie le sigle LGBTI+ pour désigner l’ensemble des personnes qui ne sont pas conformes à la norme sociale du genre,et qui,parce qu’elles sortent de cette norme, subissent des discriminations. A la naissance d’un bébé, celui-ci va se voir assigner une catégorie de genre parmi deux catégories, la catégorie “homme” ou la catégorie “femme”, selon que le bébé ait entre les jambes un pénis ou une vulve.C’est ce que l’on appelle l’assignation de genre à la naissance. Cette assignation va conditionner toute l’existence de l’enfant en question: sur la base de ses organes génitaux (par exemple, une vulve), on va supposer qu’il va se développer d’une certaine manière à la puberté (avoir des formes, des seins, des menstruations), on va supposer qu’il aura forcément une identité féminine (le médecin dira “c’est
12 une fille”), on va lui attribuer certains goûts et comportements, le traiter et l’éduquer d’une certaine manière (lui acheter des robes, des poupées, peindre la chambre en rose, se projeter “quand elle aura un amoureux” etc). Or rien ne permet en fait de faire toutes ces déductions des organes génitaux! Avoir une vulve ne signifie pas que l’on va avoir un développement corporel femelle,ni qu’on va s’identifier femme,ni qu’on va aimer les hommes ou vouloir jouer à la poupée. On observe que cette catégorisation est binaire,il n’existe que deux catégories, et peu perméable, on doit correspondre à la totalité de la catégorie, qui recoupent comme on l’a vu, des éléments très différents tels que le corps, l’apparence, l’identité, le comportement, les goûts, l’orientation sexuelle…). Mais dans d’autres sociétés, le système de catégorisation genrée n’est pas forcément binaire, certaines sociétés répartissent les individus en 3 catégories, 5 catégories, qui s’organisent selon des stéréotypes de genre différents (par exemple, dans certaines sociétés la chasse est une activité typiquement féminine). Au delà de l’assignation de genre à la naissance, les personnes se voient en fait ré-assigner un genre tout au long de leur vie par des biais sociaux comme le langage,etnotammentsur lecritèredeleurapparence.Parexemple,onappellera plus spontanément une personne avec des cheveux longs “Madame”, et une personne avec de la barbe “Monsieur”: il s’agit d’un réflexe d’assignation de genre. C’est ce même raccourci de pensée qui nous pousse à penser qu’une personne ayant une apparence jugée “masculine” aura forcément un pénis. Nous avons en fait tendance à penser que les organes génitaux, le corps, l’identité de genre, les goûts, les comportements, l’apparence et l’orientation sexuelle d’une personne,quelle qu’elle soit,correspondent forcément de façon conforme au schéma standard “masculin” ou “féminin”. Mais la réalité est que toutes ces choses sont bien distinctes, et que rien ne permet de les lier entre elles.Ce schéma de pensée conduit à l’invisibilisation et à disqualification des identités des personnes trans, qui sont jugées anormales (voire inexistantes) de par leur non-conformité à la norme corps / identité.C’est ce que l’on appelle le cissexisme. On appelle “expression de genre” la façon qu’a une personne d’exprimer son genre, à travers par exemple sa façon de parler, ses vêtements, son attitude, ses goûts, ou son apparence générale. Le fait de juger qu’une personne a une expression de genre (c’est-à-dire finalement, une apparence, un comportement) féminine ou masculine relève du stéréotype de genre. Il ne permet en aucun cas de déduire l’identité de genre de la personne. Une personne avec une expression de genre non conventionnelle pour son genre assigné à la naissance n’est donc pas forcément une personne transgenre: un
13 garçon peut bien aimer porter du maquillage et des robes tout en s’identifiant au genre masculin. A l’inverse, une femme trans peut très bien ne pas aimer le maquillage et les robes, tout comme beaucoup de femmes cis par ailleurs! Rappelons qu’à l’inverse du genre assigné à la naissance, l’identité de genre (le genre réel) d’une personne lui est propre. Seule la personne elle-même est à même de définir son identité de genre, et elle ne dépend pas du tout de l’assignation d’autrui, ni de sa conformité à la norme de genre. On appelle dysphorie de genre le fait pour une personne trans de ne pas se sentir légitime dans son genre à cause de son corps (dysphorie physique), de son apparence, son comportement ou la façon générale dont elle est perçue (dysphorie sociale) ou de sa façon d’être, d’agir et de penser (dysphorie psychologique). La dysphorie résulte de l’intériorisation par la personne de stéréotypes de genre, qui lui font penser qu’elle ne serait pas assez conforme à la norme sociale pour être réellement de son genre. Toutes les personnes trans ne ressentent pas forcément de dysphorie. Le terme est donc majoritairement utilisé par les personnes pour parler du sentiment de mal-être qui survient lorsque la personne est ramenée d’une façon ou d’une autre à ce qui symbolise son genre d’assignation. Néanmoins, ce terme est controversé, car il désigne également un diagnostic psychiatrique actuellement utilisé dans le DSM pour remplacer la notion de “transsexualisme” : or il ne s’agit pas d’un trouble mental mais de souffrance générée par une injonction constante à la norme sociale du genre. Ce terme met également l’accent sur le fait que les personnes trans seraient censées souffrir, alors que de nombreuses personnes trans ne ressentent pas de dysphorie, et sont tout aussi légitimes que les autres. Il existe par ailleurs un autre terme, euphorie de genre, pour désigner le sentiment de bien-être qui apparaît lorsque l’on se sent à l’aise dans son genre et que l’on est enfin reconnu pour ce qu’on l’on est. La transition désigne tous les actes visant à affirmer socialement ou pour soi son identité de genre. Une transition de genre peut être sociale (demander à être appelé.e par un nouveau prénom ou de nouveaux pronoms, changer de vêtements ou de comportements etc), administrative (changer d’état civil) ou médicale (prendre des hormones, faire des opérations etc). Il n’y a aucune étape obligatoire lors d’une transition, chaque personne choisit de faire les démarches qui lui conviennent et dont elle a besoin. Les démarches possibles sont très nombreuses et varient beaucoup selon les individus. Faire de la musculation ou se faire refaire le nez, se faire faire un tatouage ou encore prendre la pilule pour arrêter ses menstruations peuvent faire partie de démarches de transition.
14 Par ailleurs, la transidentité d’une personne ne réside pas dans le fait de faire des démarches mais bien de ne pas se reconnaître dans son genre d’assignation: aucune démarche de transition n’est donc strictement nécessaire pour être trans. Lecomingoutest l’acte,dans lecadrede latransidentité,d’annoncer (publiquement ou dans un cadre privé) sa transidentité à quelqu’un. De façon plus générale, on parle généralement de coming out lorsqu’on informe quelqu’un que l’on est LGBTI, mais cette notion ne s’y limite pas: dans le cadre d’une information sur un handicap, on peut par exemple parler de coming out handi. Il ne faut pas confondre le coming out avec l’outing qui est l’acte de dévoiler à une tierce personne la transidentité de quelqu’un sans son accord préalable. Or, il s’agit d’une information privée dont la divulgation pourrait mettre en danger la personne. Il est donc préférable de ne pas outer, et de ne transmettre l’information d’un coming out qu’à la demande expresse de la personne concernée. Les situations d’outing sont plus fréquentes qu’on pourrait de prime abord le penser : direàson frèreousasoeur quesonpropreenfant est transgenre,ouappeler quelqu’un par son état civil dans une salle d’attente peuvent potentiellement constituer des situations d’outing. Il faut donc y être vigilant.e.s. Le passing (ou cispassing) pour une personne transgenre est le fait d’être considéré.e comme étant cisgenre dans son genre réel. Pour une femme trans par exemple,avoir un cispassing signifie “ressembler à une femme cisgenre”. Il repose donc sur des stéréotypes: avoir du passing c’est ressembler à l’idée que les gens se font d’un homme ou d’une femme. Le passing est souvent important pour la sécurité voire la survie de la personne car il lui permet d’être reconnue comme légitime dans son genre aux yeux de la société. Néanmoins, acquérir du passing passe par le fait de se conformer aux stéréotypes de genre, et cette injonction est très mal vécue par la plupart des personnes trans. Par ailleurs, une personne trans ayant un bon passing n’en devient pas cisgenre pour autant,et si son identité est respectée grâce à son passing,elle n’en demeure pas moins obligée de justifier et d’expliquer sa transidentité. Son coming out (si elle doit parler d’un fait médical ou d’un fait passé) peut d’ailleurs être rendu beaucoup plus complexe par le fait qu’elle est quotidiennement prise pour une personne cisgenre. Le mégenrage (ou l’action de mégenrer) est le fait d’appeler une personne par des marqueurs de genre autre que celui auquel elle s’identifie. Dire par exemple “monsieur” à une femme ou “madame” à un homme, “elle” pour parler d’un homme,ou “il” pour parler d’une femme,constituent du mégenrage. Le mégenrage est une forme de violence transphobe car il revient à nier l’identité de la personne, et ce alors que celle-ci a souvent, du fait des stéréotypes liés à l’apparence et du cissexisme de la société, beaucoup de mal à l’affirmer et la faire respecter.
15 On appelle deadname (ou morinom en francais) le prénom de naissance (ou prénom d’assignation) d’une personne trans. Comme le mégenrage, utiliser ou même le demander le deadname d’une personne trans est violent car cela renvoie la personne à une identité qui n’est pas la sienne et qui lui a été imposée. Enfin, on appelle transphobie tout acte volontaire ou involontaire de violence envers une personne pour des motifs qui relèveraient de sa transidentité. Les violences transphobes peuvent prendre des formes multiples (violences physiques, verbales, psychologiques, symboliques…, harcèlement, discrimination, invisibilisation, fétichisation…). Le cissexisme (et l’ignorance des personnes) engendre un grand nombre de violences transphobes, dont entre autres le mégenrage, l’injonction à la pédagogie (le fait qu’une personne trans doive sans cesse expliquer et justifier sa situation), et l’invisibilisation globale des personnes dans les représentations sociales et le droit.
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17 Partie II Questions fréquentes et quelques chiffres Les personnes trans sont-elles malades ? La transidentité n’est pas une maladie : elle a été retirée de la liste des pathologies de l’OMS et du DSM (répertoire des maladies psychiatriques) en 2018.Le fait d’être trans concerne l’identité et la trajectoire de vie d’une personne,et comme on l’a vu en partie I, cela relève de l’autodétermination ! Aucune personne extérieure n’est donc mieux placée que la personne concernée pour définir son identité. Un grand nombre de personnes, et notamment de médecins, continue cependant de penser qu’il s’agit d’une pathologie, et se permet d’exiger des attestations de psychiatres ou un suivi psychiatrique pour accéder aux soins. Le fait de voir un psychiatre est alors imposé aux personnes, ce qui est humiliant puisque la visée de ce suivi est en fait de rassurer les autresmédecins quant au fait que la personne serait bien qui elle prétend être. La personne se retrouve donc une fois de plus en position de devoir justifier de son identité, ce qu’elle est déjà forcée dans bien des cas de faire au quotidien, vis à vis de l’ensemble de la société ! Par ailleurs, la plupart des psychiatres n’étant pas sensibilisés sur les questions relatives à la transidentité, il est fréquent qu’ils s’appuient lors des suivis sur des préjugés et des stéréotypes de genre, voire qu’ils véhiculent de fausses informations, qui peuvent s’avérer très néfaste, particulièrement pour les personnes en questionnement de genre. Même si cela peut partir d’une bonne idée ou d’un bon sentiment, il est donc important d’avoir cela à l’esprit lorsque l’on souhaite conseiller à une personne trans d’initier un suivi psychiatrique, car que pour que celui-ci soit efficace, il faut que la personne estime en avoir besoin et y consente librement.
18 Est-ce un choix de “devenir trans”? Si elle n’est pas une maladie, la transidentité n’est pas pour autant un choix. Le seul choix pour une personne trans concerne le fait de cacher ou d’assumer son identité, sachant que la plupart des personnes trans ont plus ou moins toujours connu leur identité de genre, ou ont eu le sentiment de ne pas se reconnaître dans leur genre assigné à la naissance. Ce fait a simplement pu être difficile à assumer ou à identifier, puisque la société ne favorise pas vraiment l’acceptation de soi lorsque l’on n’est pas conforme à ses normes. On ne devient donc pas transgenre, on sait simplement si on l’est ou non (selon que l’on s’identifie ou pas à son genre assigné à la naissance), et on décide de le dire aux autres ou non. Les personnes trans ont tou.te.s des parcours de vie différents, il n’y a donc pas d’âge limite (ou minimum) pour comprendre ou assumer socialement sa transidentité. Si les personnes ayant fait un coming out durant leur enfance ou même leur petite enfance existent,elles ne constituent pas la majorité des personnes,et il arrive très fréquemment que des personnes fassent leur coming out à la quarantaine, voire la cinquantaine ou même plus tardivement. Les personnes trans changent-elles de sexe? Comme on l’a dit précédemment, aucune démarche médicale n’est nécessaire pour être une personne trans: la transidentité est simplement le fait de ne pas se reconnaître dans le genre qui a été assigné à la naissance. Par conséquent, les opérations de réassignation sexuelle, c’est-à-dire les opérations qui consistent à modifier ses organes génitaux, ne constituent qu’une très petite partie des démarches de transition possibles, et un grand nombre de personnes trans n’y a pas recours (soit parce qu’elles n’en ont pas la possibilité, soit parce qu’elles ne le souhaitent pas). Il est donc factuellement faux de dire que les personnes trans changent de sexe,au sens de changer d’appareil génital,car cela est très loin d’être une démarche systématique. Par ailleurs, l’identité d’une personne est une donnée psychologique et ne dépend absolument pas de l’aspect de son corps. Le fait de vouloir accéder à une chirurgie de réassignation sexuelle relève de l’intimité et de la vie privée de la personne; il est donc tout à fait impoli de demander à une personne si elle y a eu recours ou si elle souhaite y avoir recours. Ces faits sont maintenant reconnus par l’État civil en France, puisque qu’il n’est plus nécessaire depuis 2016 de fournir des preuves médicales dans le cadre d’une demande de changement de mention “sexe” sur ses papiers d’identité. Cela signifie que concrètement, une personne avec une mention “M” sur ses papiers peut très bien avoir une vulve, un vagin et un utérus fonctionnels (et inversement, une personne avec une mention “F” peut très bien posséder un pénis).
19 Les personnes trans changent-elles de genre? Il est également inexact de dire que les personnes trans changent de genre, car la plupart des personnes trans ont toujours eu conscience de leur identité, sans toutefois forcément pouvoir en parler (le fait de mettre des mots sur cette prise de conscience, et de l’assumer socialement est souvent très difficile, et ne se fait pas du jour au lendemain). Comme les personnes ont toujours eu conscience de leur genre,ce n’est donc pas cela qui change mais bien le regard que la société porte sur elles.Par exemple,une femme trans qui n’a pas fait son coming out est extérieurement perçue comme un homme, puis, lorsqu’elle commence s’affirmer en tant que femme et parler de sa transidentité, elle est peu à peu acceptée comme femme. Mais intérieurement, l’identité de genre de la personne en elle-même n’a pas changé, elle a toujours été une femme: elle n’était juste auparavant pas reconnue comme telle. Il est donc préférable d’éviter d’employer l’expression “changer de genre” (tout comme l’expression “changer de sexe”) pour parler des personnes trans, préférez plutôt parler de faire son coming out trans, ou encore s’affirmer en tant qu’homme / femme / personne non-binaire. A noter qu’il existe néanmoins des personnes trans non binaires dont le genre varie au cours du temps (des personnes qui s’identifient différemment selon les Transitionner en étant non binaire? On l’a vu en partie I, toutes les personnes trans n’ont pas forcément un genre binaire: certaines personnes trans ne s’identifient pas selon les termes homme ou femme, et sont appelées des personnes non-binaires. Il existe une grande variété d’identités non-binaires, qui peuvent être l’absence de genre (être agenre), le fait d’avoir un genre en dehors des genre homme et femme (neutre, mavérique…), d’être de plusieurs genres à la fois (être bigenre), de rejeter le système de catégorisation homme / femme (genderfuck ou genderqueer), ou encore le fait d’avoir un genre qui varie au cours du temps (genre fluide). Il est tout à fait possible de transitionner même médicalement lorsque l’on est non-binaire: les démarches de transition dépendent de ce que souhaite la personne et pas de son identité de genre à proprement parler. De la même manière qu’une femme trans ne va pas forcément souhaiter de vaginoplastie ou de mammoplastie,une personne non-binaire ne va pas forcément souhaiter cultiver une apparence androgyne ou un corps perçu socialement comme “ambigu”. Encore une fois il ne s’agit pas de faire correspondre son corps précisément à son identité, car une telle correspondance n’existe pas, mais bien de faire les démarches nécessaires pour vivre mieux dans son corps et dans son identité dans la société.
20 jours ou les périodes de leur vie), on parle alors de personnes genderfluid ou de genre fluide. Les personnes trans sont-elles “né.e.s dans le mauvais corps”? Dans notre société, on considère qu’un certain corps est censé aller de pair avec une certaine identité. Comme on l’a vu précédemment (voir encart “assignation de genre”,partie I),laplupartdesgenspenseainsi spontanémentqu’uncorpsdit “mâle” va obligatoirement avec une identité masculine, et inversement un corps “femelle” avec une identité féminine. Or cela n’est absolument pas le cas, l’identité d’une personne relève de sa psychologie et n’a aucun rapport avec son apparence, son corps, ou ses organes génitaux. Les personnes trans ne sont donc pas nées dans le “mauvais corps” car la transidentité n’est pas une question de corps ou d’apparence physique mais d’identité,par rapport à une identité imposée à la naissance. En outre, dans un monde où les stéréotypes de genre sont aussi importants, notamment relativement au fait qu’un certain corps soit censé aller de pair avec une certaine identité, il est très difficile pour les personnes qui sortent de ces stéréotypesdesesentirépanouies.Ilseraeneffet trèsdurpourunhommetransavec une apparence jugée socialement “féminine” (seins, cheveux longs, absence de pilosité faciale,voix aiguë…) de faire respecter socialement son identité masculine au quotidien: il sera mégenré sans cesse, et devra s’expliquer si il souhaite que son identité soit reconnue dans l’espace social. Cette pression pousse ainsi les personnes trans à se conformer aux attentes de la société: il sera bien plus facile pour un homme trans d’être appelé “monsieur” si il fait la démarche de prendre de la testostérone pour modifier son apparence. Dans certains cas le poids de la société est tel que les personnes vont même jusqu’à intérioriser cette norme comme un état de fait “naturel”: c’est cela qui pousse certaines personnes à dire qu’elles transitionnent pour avoir un “corps d’homme” ou un “corps de femme”, alors que les corps et les identités de genre sont deux faits séparés. Par exemple, une vulve n’est un “sexe féminin”,car il existe des hommes trans et des personnes non-binaires qui ont une vulve. Ce n’est pas l’organe qui a une identité de genre (on ne dira pas par exemple d’un poumon qu’il est masculin ou féminin), mais bien la personne à qui cet organe appartient. Il est donc primordial de “dégenrer les corps”, et d’employer préférentiellement des mots plus précis pour parler des corps des personnes de façon plus inclusive. Pour évacuer la question du corps lorsqu’on parle de transidentité, on peut employer le terme de “assigné.e homme / femme à la naissance” à la place de “né.e homme / femme”. Par exemple pour désigner une femme trans: ce n’est pas une personne “née homme qui est devenue une femme”, ni “avec un corps d’homme et une identité de femme” mais bien une personne “assignée homme à la naissance et dont l’identité de genre est féminine”.
21 Transitions médicales, administratives, sociales… Lorsqu’on pense à une transition de genre, la première chose qui vient à l‘esprit est très souvent un traitement hormonal suivi de différentes opérations de chirurgie. Or, une transition,même médicalisée, ne comporte en réalité pas d’étapesobligatoires. Lebut d’une transitionn’est pasde reproduireunschéma de “conformité” entre le corps et l’identité: cela serait en effet impossible, car on ne peut pas changer ses chromosomes par exemple. Le but d’une transition de genre est que la personne se sente bien, qu’elle réussisse à vivre heureuse dans son genre. Les étapes pour ce faire seront donc très différentes d’une personne à l’autre. Par ailleurs, les démarches médicales ne sont pas les seules démarches de transition possibles, il existe de nombreuses démarches administratives et sociales qui permettent d’affirmer son genre, et beaucoup de personnes n’ont simplement pas recours à une transition médicalisée. Pour être une personne trans, il n’est pas nécessaire que le corps ou l’état civil subisse des modifications: être une personne trans signifie tout simplement que son identité de genre ne correspond pas au genre assigné à la naissance. Tout ce qui relève de la modification du corps (hormones, opérations, etc.) ne définit pas une personne comme trans, mais relève d’une décision personnelle et n’est en aucun cas obligatoire. Les personnes trans souffrent-elles? Les personnes trans sont effectivement nombreuses à souffrir, mais cette souffranceestsurtout lerésultatdesviolencesetdiscriminationsqu’ellessubissent au quotidien du fait de leur transidentité. Ce n’est donc pas la transidentité mais la transphobie et le rejet de la société qui sont les causes de leur souffrance. Cette transphobie peut en effet se traduire par : • le fait d’être nié dans son identité de genre, de ne pas être reconnu pour la personne qu’on est ou d’être systématiquement ramené à son assignation de naissance; • le fait de ne pas pouvoir disposer de son corps et/ou d’être freiné dans l’accès aux soins et droits du fait de la transphobie médicale et administrative; • le fait d’être confronté à l’ignorance, à l’incompréhension, aux préjugés et aux questions indiscrètes de la quasi totalité de la société sur les questions de transidentité, et de devoir sans cesse expliquer voire justifier le pourquoi et le comment de son identité; • le fait de ne pas être conforme à ce qui est attendu par la société, et de ne pas se sentir “normal”, inclus, représenté ni reconnu ;
22 • le fait de subir des violences etmanifestationsdiversesde rejet et dehaine (verbales, physiques, psychologiques). Tout cela amène les personnes trans à subir l’exclusion d’un grand nombre de personnes et d’instances de la société, ainsi que de la précarité, et peut les conduire à la haine ou au rejet d’elles-mêmes. C’est pourquoi il est très important de montrer aux personnes trans de votre entourage qu’elles sont acceptées et qu’elles peuvent compter sur votre soutien. Les personnes trans sont-elles caricaturales dans leur expression de genre? Beaucoup de personnes, même encore aujourd’hui, estiment que les femmes trans seraient exagérément féminines dans leur façon de se présenter et de se comporter (gestes maniérés, mini-jupes, talons, maquillage à outrance…) et que les hommes trans seraient exagérément masculins (attitude de “garçon manqué”, survêtement, rouler des mécaniques,etc).Mais si la représentation dans les médias des personnes trans montre des femmes et des hommes trans correspondant typiquement aux stéréotypes de genre qu’on attend d’eux, ce n’est pas le cas dans la vie réelle. Il existe toutes sortes de personnes trans, avec toutes sortes d’expressions de genre, car avant d’être trans, les personnes trans sont des personnes et sont donc toutes différentes dans leur façon d’exprimer leur genre, de se comporter, de s’habiller etc. Cela est donc davantage une question de personnalité que de transidentité. Ainsi, il existe des femmes cis ou trans qui correspondent aux stéréotypes féminins, aussi bien qu’il existe des femmes, cis comme trans, qui ont des intérêts plus alignés avec les stéréotypes masculins. Être trans, c’est simplement ne pas se reconnaître dans le genre qui nous a été imposé à la naissance. Ce n’est pas forcément correspondre au stéréotype du genre dans lequel on s’identifie. Par ailleurs, les personnes trans ont habituellement énormément de mal à être reconnues dans leur genre par notre société. Il est donc assez fréquent que les personnes performent un stéréotype. Par exemple, pour un homme trans, en se coupant les cheveux, et en “jouant les durs”, ou pour une femme trans, en sortant systématiquement maquillée ou en jupe.De cette façon, les personnes espèrent être reconnues dans leur identité sans devoir se justifier ou expliquer qui elles sont. Leur expression de genre devient alors davantage un outil stratégique pour éviter de subir de la transphobie ou d’être niées dans leur identité, et n’est plus forcément représentative de leur personnalité. Il est important de conserver un certain recul sur les stéréotypes, ce sont avant tout des idées préconçues, que l’on se fait sur quelqu’un en fonction de son genre. Ces
23 idées ne sont donc pas forcément vraies, et ce, quelque soit la personne, qu’elle soit trans ou non. Des injonctions comportementales comme “ne pleure pas, tu es un homme”,“une fille ne devrait pas s’habiller comme cela” ou “c’est unmétier demec”, montrent de façon évidente que toutes les personnes,cisgenres et transgenres,sont en permanence confrontées aux stéréotypes de genre. Il est donc primordial de se rappeler que c’est l’identité de genre de quelqu’un, c’est-à-dire la façon dont cette personne s’identifie, qui fait son genre. Une personne qui s’identifie homme, sera donc un homme, même si il aime le rose, les licornes, les poupées, le maquillage et mettre des robes, et ce, que cet homme soit cisgenre ou transgenre. Les personnes trans sont-elles un phénomène récent? Si on parle effectivement davantage de transidentité dans les médias aujourd’hui, la transidentité n’a rien de récent. Si certaines personnes pensent qu’il s’agit d’un phénomènedemode,c’est surtout dû au fait qu’il existemaintenant une représentation médiatique des transidentités et une meilleure acceptation globale des personnes trans dans notre société. Auparavant, on n’évoquait jamais le sujet, et quand on en parlait, c’était pour dire que c’était une déviance ou une monstruosité. Aujourd’hui, les personnes ont moins peur de faire leur coming out et parviennent à accepter plus facilement leur identité, alors que par le passé, une majorité devait cacher ou refouler son identité, sous peine d’être mise au ban de la société. On a donc l’impression qu’il y a plus de personnes trans aujourd’hui, alors qu’il y en a toujours eu autant,elles sont simplement plus visibles et plus nombreuses à faire leur coming out. Nous avonspar ailleursdenombreuxexemplesdepersonnes trans à travers l’histoire, et n’oublions pas que dès les émeutes de Stonewall, qui ont marqué le début des marches des fiertés, les personnes trans étaient présentes. La transidentité n’est en outre pas un phénomène occidental, les associations de défense de migrant. es LGBTI+ reçoivent d’ailleurs de nombreuses personnes transgenres migrantes venant de pays où la transidentité est tout simplement criminalisée, et passible de prison ou de mort. Laplupartdesgenss’imaginent lesdémarchesdetransitioncommeunchangement corporel soudain, rapide et irréversible, mais cela n’est absolument pas le cas. Rappelons tout d’abord que lors d’une transition il n’existe pas de parcours type: c’est à la personne trans concernée de décider de son propre parcours. Il est possible comme nous l’avons expliqué plus haut, de faire des démarches de transition sociales (changer de vêtements, changer de pronoms, de prénoms…), administratives ou médicales, et même dans le cas du médical, la plupart des effets ne sont pas irréversibles: le traitement hormonal est un traitement à vie, dont les changements apparaissent très progressivement. Même dans le cas des chirurgies, sauf ablation d’organe, il est toujours possible de reconstruire dans les “deux sens”.
24 L’important n’est donc pas d’être absolument sûr.e, mais de se sentir prêt.e, et de sentir qu’on en a besoin. Qu’il arrive à la personne de douter est par ailleurs parfaitement normal, car le doute est un sentiment humain. Le point de vue d’une personne peut évoluer au cours de sa transition: son parcours lui permettra de mieux se connaître,et demieux comprendre son identité et ses besoins. Il est donc important que les personnes aient la possibilité de faire des tests, concernant par exemple l’utilisation d’un pronom, d’un prénom, d’une façon de s’habiller, voire le commencement d’un traitement hormonal, quitte à l’arrêter ensuite, pour savoir ce qui leur convient. Enfin, il faut prendre en compte l’impact des pressions de la société sur les personnes trans qui cherchent à affirmer socialement leur identité: une demande de transition est généralement très coûteuse émotionnellement et effrayante pour la personne. Si elle vous en parle c’est donc que c’est mûrement réfléchi et qu’elle vous fait confiance. Lui demander si elle est sûre et/ou lui demander d’attendre encore risque dans ce cas davantage de la faire souffrir qu’autre chose. A noter que toutes les études à ce sujet montrent d’ailleurs que le nombre de personnes qui “regrettent” après des démarches de transition est extrêmement faible. Existe-t-il des médecins spécialistes de la transidentité? Il n’existe pas demédecins spécialistes de la transidentité,pour la simple et bonne raison que la transidentité n’est pas une maladie. Néanmoins, un certain nombre de médecins s’autoproclament pourtant “spécialistes” de la prise en charge des personnes trans. Il faut en effet savoir que lorsqu’on souhaite débuter une transition médicale, il est très difficile de trouver des médecins prêts à accepter de prescrire un traitement hormonal,ou de pratiquer des opérations dans le cadre d’une transition médicalisée. L’immense majorité des médecins n’est pas formée à cette prise en charge, et considère qu’elle n’a pas le droit de prendre en charge les personnes trans -- en réalité, dans le cas des traitements hormonaux, n’importe quel généraliste, gynécologue ou endocrinologue est en capacité de prescrire un traitement hormonal. Ceux qui acceptent ont par ailleurs tendance à exiger une attestation psychiatrique. Les rares médecins libéraux à être formés ont tendance pour certains à jouer de cette image de spécialiste, pour développer leur champ d’activité, et ce quelque soit la qualité réelle de la formation qu’ils ont reçues. Les autres médecins libéraux se contentent de refuser la prise en charge ou de rediriger vers les équipes de la SofeCT / FPATH, une association de médecins qui a constitué depuis quelques dizaines d’années des équipes de prise en charge des personnes trans en hôpital public, concentrées dans quelques grandes villes. Ces équipes hospitalières se revendiquent spécialistes de la prise en charge des personnes trans, mais ont pour la plupart un fonctionnement protocolaire très
25 lourd, et demandent un suivi psychiatrique obligatoire au sein de leur équipe, d’une durée minimale d’une année, avant d’accéder au moindre traitement. La personne qui est en demande de prise en charge se retrouve donc à prouver le bien fondé de sa demande à l’équipe de médecins, dont la validation unanime est requise pour que la personne puisse accéder au traitement…Leurs pratiques médicales sont par ailleurs controversées, l’offre de soin étant de qualité très inégale selon les services. Quecesoit dans leséquipeshospitalièresouensuivi libéral,tomber sur unpraticien correctement informé et disposant de connaissances solides tant sur l’accueil de personnes transgenre que sur les techniques médicales de transition médicalisée relève donc actuellement de l’exception, plutôt que de la règle. Y a-t-il plus de femmes trans que d’hommes trans? Lorsqu’on parle d’une personne trans,beaucoup de personnes pensent en premier lieu à une femme trans (personne assignée homme à la naissance et dont l’identité est femme). Mais même si le traitement médiatique des personnes transgenres met surtout en avant les femmes trans, il est difficile de dire si celles-ci sont plus nombreuses ou tout simplement plus visibles que les hommes trans. Il est en effet plus stigmatisé dans notre société d’être perçu.e comme un “homme féminin” plutôt que comme une “femme masculine”, l’existence des femmes trans attise donc davantage la curiosité du grand public. Les études actuelles semblent plutôt montrer qu’il y aurait autant de femmes trans que d’hommes trans. Il est par ailleurs extrêmement difficile d’estimer la proportion exacte de personnes trans dans la société car la plupart des études se base sur les prises en charge médicales en hôpital public (SoFeCT / FPATH). Or ces prises en charge excluent la majorité des personnes concernées par la transidentité, car elles mettent l’accent sur une prise en charge psychiatrique et valorisent la conformité aux stéréotypes de genre. La majorité des personnes trans (et tout particulièrement, les personnes non-binaires) n’y a pas recours, soit parce qu’elle estime ces prises en charge transphobes, soit tout simplement parce qu’elle ne désire pas de prise en charge médicale. Pour estimer le nombre réel de personnes trans, le plus simple serait d’établir un recensement via des questionnaires,basés sur l’autodétermination de genre des personnes, et cela n’a pas été fait en France à ce jour. Les personnes trans sont-elles marginalisées ? Aujourd’hui, même si la transphobie est une réalité, il est tout à fait possible pour les personnes trans d’être insérées dans la société, d’avoir un emploi et
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