58 – Observatoire de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la culture et la communication – Mars 2020 La lente féminisation des professions culturelles Marie Gouyon, Frédérique Patureau, Gwendoline Volat 20 p., septembre 2016 coll. « Culture études », 2016-2 Depuis les années 1960, la croissance du taux d’activité féminine constitue l’une des transformations majeures du monde du travail. Cette progression ininterrompue et de grande ampleur conduit à une quasi-parité des actifs en 2013 : on compte 48 % de femmes parmi les actifs en 2013 contre 37 % en 1975. Ce phénomène s’observe également parmi les professions culturelles, où la part des femmes a progressé de façon régulière depuis vingt ans, même si elle demeure inférieure à la moyenne nationale : on compte en effet seulement 43 % de femmes dans les professions culturelles, un constat paradoxal au regard de la surreprésentation des femmes dans les activités et les pratiques culturelles. Un mouvement de fond qui a touché toutes les professions En vingt ans, la physionomie des professions culturelles en termes de répartition par sexe s’est profondémentmodifiée. En 1991, les femmes ne représentaient qu’un peu plus d’un tiers des effectifs et les métiers étaient fortement sexués : près de la moitié (sept sur treize) des groupes de professions sont nettement masculins et deux sont au contraire très féminins. En 2013, cinq groupes de professions culturelles présentent désormais une répartition sexuée de leurs actifs équilibrée, parmi lesquels le métier d’artiste plasticien, très masculin vingt ans plus tôt, et celui de professeur d’art, au contraire très féminin en 1991. Plus généralement, tous les métiers fortement masculins au début des années 1990 se sont ouverts aux femmes. C’est particulièrement le cas des métiers d’art et de l’architecture au sein desquels la part des femmes a plus que doublé en vingt ans. Pourtant, les professions qui se sont le plus ouvertes aux femmes en vingt ans (artistes plasticiens, photographes, journalistes, architectes) ne sont paradoxalement pas celles qui ont connu la plus forte expansion de leurs effectifs. Les techniciens du spectacle, qui ont connu la plus forte progression de leurs effectifs (+ 148 % entre 1991 et 2013), ne se sont en revanche pas féminisés. L’emploi féminin a épousé les spécificités de l’emploi propres aux professions culturelles Dans les professions culturelles comme dans l’ensemble de la population active, les femmes sont plus souvent salariées que les hommes. Le salariat féminin a néanmoins reculé au cours de la période chez les professionnelles de la culture, alors qu’il s’amplifie dans la population active et qu’il progresse chez les hommes des professions culturelles. De fait, le non-salariat demeure la forme dominante d’emploi pour plusieurs métiers en voie de féminisation : au moins deux tiers des plasticiens, des photographes, des auteurs littéraires et traducteurs, une majorité des architectes et des métiers d’art exercent leur métier sous statut indépendant. En entrant plus massivement dans ces professions, les femmes ont adopté le statut d’emploi majoritaire. Contrats à durée limitée et temps partiel pour les femmes salariées La part des contrats à durée limitée (cdd, vacations, emplois aidés…) a doublé au sein du salariat au cours de la période dans l’ensemble des professions, y compris culturelles, une évolution qui a concerné tout autant les hommes que les femmes. Dans les professions culturelles, toutefois, les contrats à durée déterminée sont beaucoup plus nombreux et concernent près d’un tiers des actifs de ces professions (31 %, contre 14 % de l’ensemble des actifs salariés). Les femmes salariées des professions culturelles sont donc deux fois plus nombreuses que les actives salariées à travailler dans le cadre de contrats courts (29 % contre 15 % en 2013) et elles restent plus concernées par le temps partiel que leurs homologues masculins. La plasticité du cadre temporel du travail est plus répandue dans les professions culturelles et concerne également les femmes, qui sont plus nombreuses que l’ensemble des actives à travailler en soirée (21 % contre 15 %) ou en horaire hebdomadaire variable (40 % contre 24 %). Un plus grand formalisme des procédures de formation et de recrutement favorise la féminisation des professions Le contenu très technique de certaines tâches, la pénibilité physique, la plasticité et l’irrégularité des horaires ne suffisent pas à expliquer la faible féminisation de certaines professions – celle des techniciens des spectacles, très peu féminisée en vingt ans, par exemple –, car les femmes se plient à ces mêmes contraintes dans d’autres professions. Sans doute faut-il évoquer alors d’autres freins plus invisibles. On observe par exemple que la féminisation de la profession d’architecte a coïncidé avec l’apparition de nouvelles règles formelles pour l’entrée en formation (concours d’entrée dans les écoles nationales supérieures d’architecture garantissant l’anonymat des candidats, jurys mixtes). Diplôme et origine sociale : la règle de la sursocialisation des femmes Les professions culturelles se caractérisent par le niveau de qualification de leurs actifs : dans l’ensemble et tout au long de la période, les professionnels de la culture sont plus diplômés que l’ensemble de la population active en emploi (45 %sont titulaires d’un diplôme de niveau bac+ 3 contre 21 %pour l’ensemble des actifs en emploi en 2013). L’emploi féminin dans les professions culturelles accentue cette règle de surqualification, puisque dans toutes les professions culturelles et artistiques sans exception, en 2013 comme vingt ans plus tôt, la part des femmes titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur de niveau bac + 3 est supérieure à celle des hommes. En 2013, elles sont 52 % contre 40 % des hommes actifs de la culture à être diplômées du supérieur. Cette règle de la surqualification des femmes s’observe d’autant plus qu’elles exercent un métier dans des professions traditionnellement masculines vingt ans plus tôt. Corrélée au niveau de diplôme, celle de l’origine sociale plus favorisée confirme et renforce ce constat. Ainsi, origine sociale et niveau de diplôme plus élevés apparaissent pour les femmes être des atouts essentiels pour investir les professions les plus traditionnellement masculines.
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