Histoire
Le Parc Provincial de la Rivière Bleue offre aux visiteurs l’opportunité de découvrir une nature exceptionnelle, témoin d’un passé où l’homme et la forêt coexistaient dans une exploitation industrielle qui a façonné le paysage que nous connaissons.
En effet, le Grand Sud de la Nouvelle-Calédonie, et plus précisément la région du Parc Provincial de la Rivière Bleue, est une terre riche d’histoire. Bien avant de devenir une zone protégée, cette région abritait des forêts d’une grande diversité, prisées pour leurs essences rares et nobles comme le kaori, le chêne gomme, et bien d’autres.
L’exploitation forestière du Grand Sud : Un patrimoine naturel et historique

Dans les temps anciens, les grandes forêts du Sud jouaient un rôle crucial pour les populations locales. La rivière des Pirogues, par exemple, servait aux tribus pour la construction des célèbres pirogues de guerre, taillées dans les troncs de kaori. Cette exploitation artisanale et respectueuse des ressources naturelles faisait partie intégrante de la vie des clans.
Avec la fondation de Nouméa en 1854, la demande en bois s’accentue. Le bois devient un matériau essentiel pour la construction des bâtiments et des infrastructures de la nouvelle colonie. L’exploitation forestière s’organise alors à grande échelle. Prony, avec son port naturel, devient un centre d’activité où le bois est coupé et acheminé vers la capitale.
Le début du XXe siècle marque l’industrialisation de cette exploitation. À partir de 1911, des compagnies privées prennent le relais des premières coupes artisanales. La « Forestière » puis « La Nouvelle Compagnie Forestière » exploitent les forêts côtières. Rapidement, les essences les plus prisées deviennent rares près du littoral, et les forestiers doivent s’enfoncer plus profondément dans les vallées. Ils construisent alors une petite voie ferrée traversant la rivière Blanche, facilitant le transport du bois vers les scieries. Ces infrastructures, bien que rudimentaires, témoignent de l’ingéniosité des pionniers de l’exploitation forestière.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’exploitation s’intensifie. Plus d’une quinzaine de compagnies exploitent les forêts du Grand Sud. La Société des Bois du Sud, créée en 1945, est l’une des plus marquantes. Avec l’aide de matériel militaire américain, elle modernise ses méthodes et exploite des essences comme le kaori, l’acacia, et le tamanou. Cependant, l’aménagement du barrage de Yaté en 1959 bouleverse l’activité. La construction de routes et de ponts devient nécessaire pour contourner les zones inondées par la création du lac artificiel.

Le Pont Pérignon, un des emblèmes du Parc Provincial de la Rivière Bleue, est bien plus qu’un simple ouvrage d’art. Il représente un témoignage précieux de l’histoire de l’exploitation forestière du grand Sud. En effet, l’exploitation forestière, située de part et d’autre de la zone prévue d’être ennoyée par la retenue d’eau du lac artificiel de Yaté, nécessite la rectification du tracé des routes d’accès devant disparaître sous les eaux. Il faut alors créer de nouvelles routes d’exploitation, mais aussi de nombreux radiers et ponceaux. D’autant que, pour traverser la zone de la rivière Blanche devant être ennoyée, il est nécessaire de construire un grand pont à la cote maximale de la retenue d’eau du lac artificiel projeté (160,5 m NGNC).
Son histoire
Le chantier débute par l’établissement d’une passerelle en amont de la rivière Blanche pour accéder à l’autre rive. Dans cet endroit très isolé, il est également nécessaire de construire une petite maison en bois pour assurer un minimum de confort au personnel du chantier. La construction du pont commence le 28 décembre 1959, durant une période de beau temps exceptionnel et de grande sécheresse. Le chantier dure environ 3 mois, employant 14 personnes de la Société des Bois du Sud, avec la participation de la main-d’œuvre de la Société « Le Houp » de monsieur Clément Germain.
Les pieux sont « battus » par Monsieur Chantreux avec la chèvre prêtée par la SLN, et les écrous sont tournés par Monsieur Paul Pérignon lui-même. La préparation et la taille des billes de bois se font à 17 km de là, à la scierie des Bois du Sud.
En 1960, le niveau de la retenue d’eau du lac artificiel est à environ quinze mètres en dessous de sa cote maximale en raison d’une sécheresse persistante. Cependant, en 1961, une période de mauvais temps arrive, accompagnée de fortes pluies. Le niveau d’eau de la retenue d’eau du lac artificiel formé par le barrage subit une hausse importante, entraînant la submersion d’une partie des pistes nouvellement tracées ainsi que du pont récemment construit, ce qui engendre un litige avec ENERCAL.
Devenu un élément touristique incontournable du Parc Provincial de la Rivière Bleue, cet ouvrage est souvent mis en avant pour promouvoir la destination de la Nouvelle-Calédonie en général, et de la province Sud en particulier, en tant que monument historique, objet de toutes les attentions concernant son entretien.
En février 2009, l’assemblée de la province Sud décide d’accroître la surface du parc à 22 400 ha, et intègre le périmètre Ramsar des lacs du Grand Sud en 2014, tandis que le Pont Pérignon est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Description architecturale
- Longueur : 78 m
- Platelage (plateau du pont) : 78 m en pin traité à cœur (tamanou à l’origine)
- Jetées : 100 m (50 m + 50 m) portées plus tard à 128 m
- Piliers : 61 piliers de 8 à 12 m en chêne-gomme
- Piliers : 6 piliers de 13 à 14 m en chêne-gomme
- Contreventements : 6 contreventements de 8 m en chêne-gomme et tamanou
- Bandes de roulement : 78 m² de bandes de roulement en pin traité à cœur (tamanou à l’origine)
- Moises (pièces de bois jumelées) : 4 m³
- Barres de fer : 271 kg
- Pointes : 45 kg

Face à l’intensification de l’exploitation forestière et à l’impact sur l’environnement, la nécessité de protéger ces forêts se fait sentir. En 1960, une première réserve de faune est créée dans la vallée de la Haute Yaté. Finalement, en 1980, la « Réserve naturelle de la Rivière Bleue » voit le jour, marquant un tournant dans la gestion de cet espace. Ce périmètre protégé devient officiellement le Parc Provincial de la Rivière Bleue en 1990, avec pour mission de préserver cette richesse naturelle et historique.